Zeno, chancelier de Venise, exécute Virginie (Juliette, VI, fig. 58)
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Analyse
Juliette, qui est en Italie, a fondé son propre bordel à Venise. Elle a rencontré le Chancelier de la République Zeno. Ensemble, ils ont préparé une orgie selon les désirs de l'homme de loi. Il a pour cela fait couper la tête de l'amant et du père d'une femme, Virginie, à qui il avait pourtant promis leurs vies sauves contre ses charmes. Sans réellement accepter, elle a été contrainte de subir les caresses des libertins : livrée à leur jouissance, Virginie jouit à son tour, avant de comprendre leur trahison : le bourreau qui a coupé les têtes de son père et de son amant fait irruption avec leurs têtes. La gravure représente la pyramide qui humaine qui se met alors en place.
Les libertins forcent Virginie à brandir les têtes de son amant et de son père pendant que leur bourreau se place sous elle. Tout en prenant Virginie par devant, il lèche le sexe de Juliette qui présente également ses fesses à Virginie. Zeno, qui est reconnaissable à sa longue perruque, est censé prendre Virginie par derrière. Mais pour plus de clarté, le graveur l'a omis sur l’image. Cela témoigne de la complexité et de l'invraisemblance des positions sadiennes qui nécessitent une immobilité parfaite pour perdurer, ce qui n'est pas vraiment possible dans le cadre de la pratique sexuelle et des positions très resserrées réalisées. De même comment Virginie peut-elle, dans cette position, tenir dans ses mains les têtes de son amant et de son père ? L'exacerbation du supplice infligé à Virginie prime sur la vraisemblance des positions. La logique du fantasme prend le dessus. Zeno touchant les fesses des servantes de Juliette et fouetté par une vieille participe à une pyramide de jouissance, une chaîne humaine complexe, dont Juliette est l'extrémité. Cette disposition pyramidale typiquement sadienne assure la jouissance du groupe plutôt que celle d'un seul sujet.
Les positions sociales de Zeno et de son sbire débordent dans le cadre orgiaque : de juge et bourreau judiciaires, ils deviennent juge et bourreau libertins. Zeno conserve dans l'orgie sa perruque de juge, qui fait le lien entre les deux sphères, publique et privée.
Mais l'accès à la sphère publique est barré : au fond à gauche la porte fermée indique que les personnages sont confinés dans l'espace clos du fantasme libertin.
1. Au-dessus de la gravure à gauche « T. X. », à droite « P. 266. »
Informations techniques
Notice #014591