Martyre de saint Ărasme - Poussin
Analyse
Saint Ărasme de Formia, martyrisĂ© sous DioclĂ©tien en 303, aussi connu sous le nom de saint Elme, est le saint patron des marins. Le feu de Saint-Elme est nommĂ© en son honneur. Les Actes de saint Elme ont Ă©tĂ© en partie compilĂ©s Ă partir de lĂ©gendes qui le confondent avec un Ă©vĂȘque syrien, Ărasme dâAntioche. Quand la ville de Formies fut rasĂ©e par les Sarrasins en 824, la dĂ©pouille dâĂrasme fut transfĂ©rĂ© Ă GaĂšte.
Le martyre de saint Ărasme : aprĂšs lui avoir enfoncĂ© une alĂšne sous chaque ongle des doigts, les bourreaux lâauraient brĂ»lĂ© au fer rouge et arrosĂ© dââhuile bouillante. La lĂ©gende des intestins dĂ©vidĂ©s aurait Ă©tĂ© forgĂ©e au XIVe siĂšcle Ă GaĂšte oĂč se trouvait son tombeau. Les vĂȘtements Ă©piscopaux dâĂrasme sont dĂ©posĂ©s au bas du tableau. Un prĂȘtre paĂŻen vĂȘtu de blanc se penche sur lui et lui montre lâidole quâil aurait dĂ» rĂ©vĂ©rer, probablement un Hercule, Ă cause de sa massue. Tandis que lâun des bourreaux dĂ©vide lâintestin dâĂrasme, un autre derriĂšre lui tourne la manivelle qui permet de lâenrouler. En haut Ă gauche, un cavalier romain dĂ©signe le martyr Ă ce second bourreau, probablement en lui donnant lâordre de tourner la manivelle. Au-dessus dâeux, deux anges portent la couronne et la palme du martyre.
Contrairement au saint Ărasme de Thierry Bouts, celui de Poussin est disposĂ© de telle maniĂšre quâil ne voit pas ses intestins se dĂ©vider : son propre corps y fait Ă©cran. Son visage exprime la douleur, alors que celui de Bouts est impassible. Mais câest une douleur modĂ©rĂ©e, dĂ©cente, agrĂ©able Ă regarder.
Tout le tableau sâordonne Ă partir de lâopposition dâĂrasme en bas Ă gauche et dâHercule en haut Ă droite : les deux visages se ressemblent a point quâon peut se demander sâils nâont pas Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s Ă partir du mĂȘme modĂšle. Poussin ne suggĂšre-t-il pas lĂ une Ă©quivalence peu chrĂ©tienne ?
On peut difficilement faire une lecture chrĂ©tienne du tableau, du bas corporel vers le haut spirituel : Hercule est au mĂȘme niveau que les anges du martyre... En revanche, la coupure sĂ©miotique des spectateurs-acteurs du martyre, qui sĂ©pare le tableau entre lâespace du corps, en bas, et la reprĂ©sentation religieuse abstraite, en haut, est Ă©vidente : le tableau fonctionne comme signe. En haut la statue dâHercule comme la couronne brandie par les anges signifient la Foi : le haut est le lieu du signifiant, le lieu oĂč il est proclamĂ©. En bas, est reprĂ©sentĂ© ce que signifient les proclamations dâen haut, ce qui les lĂ©gitime : le corps, souffrant avec grĂące, du martyr.
1. En bas à gauche « Nicolaus Pusin fecit ».
2. Le Martyre de Saint Erasme est la premiĂšre Ćuvre publique de Nicolas Poussin Ă Rome, oĂč il sâĂ©tait installĂ© en 1624. LâĆuvre Ă©tait destinĂ©e Ă lâautel du transept droit de la Basilique Saint-Pierre, dans lequel sont conservĂ©es les reliques du Saint. Le tableau y resta jusquâau XVIIIe siĂšcle, avant dâĂȘtre remplacĂ© par une copie en mosaĂŻque et transfĂ©rĂ© au palais pontifical du Quirinal. En application du TraitĂ© de Tolentino, il fut transfĂ©rĂ© Ă Paris, puis aprĂšs sa restitution entra dans la PinacothĂšque du Vatican de Pie VII (1820). âšA lâorigine, le retable dâautel avait Ă©tĂ© commandĂ© Ă Pietro da Cortona, puis il passa en 1628 Ă Poussin qui le termina lâannĂ©e suivante, en suivant les dessins prĂ©paratoires de Pietro da Cortona.
Informations techniques
Notice #001681