Annonciation et Ăpiphanie (Rome, Sainte-Marie-Majeure)
Notice précédente Notice n°2 sur 9 Notice suivante
Analyse
Marie au centre, vĂȘtue et couronnĂ©e comme une princesse romaine, mais Ă la mode orientale (Constantinople est alors la capitale de lâEmpire), file la laine avec laquelle elle tissera le voile pourpre destinĂ© au Temple dont elle Ă©tait la servante. Le motif de la Vierge fileuse se rencontre dans lâart oriental (copte, byzantin et plus tard slave) et sâoppose au motif occidental de la Vierge lisant. Il sâappuie notamment sur lâĂ©vangile du Pseudo-Matthieu, pour qui elle travaillait la pourpre de ses doigts (IX, 1-2). La colombe du Saint Esprit et lâarchange Gabriel, dans le ciel, lui annoncent la naissance future du Christ.
Contrairement Ă lâiconographie qui se fixera ultĂ©rieurement, Marie est entourĂ©e dâanges : dans le Temple, lâĂ©vangile du Pseudo-Matthieu rapporte quâelle Ă©tait nourrie par les anges. Les anges pourraient Ă©galement faire rĂ©fĂ©rence Ă la visite des trois anges Ă Abraham et Ă Sarah dans lâAncien Testament : Marie est une nouvelle Sarah, selon une comparaison quâon peut extrapoler de lâEpĂźtre aux Galates de saint Paul (Ga IV, 21-31).
Deux temples sâopposent dans le registre supĂ©rieur ornĂ©s lâun et lâautre sur le rideau de leur porte de trois points noirs, qui dĂ©signent les trois lettres composant le tĂ©tragramme du nom de Dieu (yod, hĂ©, vav, hĂ©). Ces deux temples sont Ă gauche la Synagogue, Ă la porte close, et Ă droite lâĂglise chrĂ©tienne Ă la porte ouverte. A lâexception de lâange central, qui montre la Vierge, les autres anges se dĂ©tournent de la Synagogue pour montrer le chemin de lâĂglise.
Dans lâĂvangile du Pseudo-Matthieu, Joseph travaille Ă CapharnaĂŒm au moment de lâAnnonciation et ne revient Ă BethlĂ©em que plusieurs mois plus tard. Apprenant quâelle est enceninte, il refuse dâabord dâaller au Temple Ă©pouser Marie. Les jeunes filles du Temple le persuadent alors que Marie reçoit la visite quotidienne dâun ange, quâelle est nourrie par les anges et quâelle est toujours vierge : Joseph finalement convaincu lâĂ©pouse au Temple. La mosaĂŻque reprĂ©sente dirtectement les anges sâadressant Ă Joseph pour le convaincre, et fond les anges des deux Ă©pisodes en un seul. DerriĂšre Joseph, la porte du Temple est ouverte, prĂȘte Ă lâaccueillir. Le jeu des deux portes peut aussi se dĂ©finir par rapport Ă la dĂ©cision de Joseph : Joseph consommera charnellement le mariage (porte ouverte) tandis que le Christ a Ă©tĂ© conçu sans consommation charnelle (porte fermĂ©e). Joseph se situe du cĂŽtĂ© de lâouverture : par lui, le registre supĂ©rieur,et le message de lâAnnonciation figurent lâouverture chrĂ©tienne de la religion juive aux gentils.
Il se peut par ailleurs que Marie soit Ă©halement identifiĂ©e Ă la Sarah de la GenĂšse recevant la visite des trois anges, et Joseph Ă droite Ă lâAbraham de la rencontre au chĂȘne de MambrĂ©, face auquel les trois anges sont toujours interprĂ©tĂ©s, dans la tradition orthodoxe, comme une prĂ©figuration de la TrinitĂ© chrĂ©tienne.
Le registre intermĂ©diaire, en dessous, reprĂ©sente lâhommage des Rois Mages au Christ Roi.
Il se lit de gauche Ă droite. A gauche un Roi Mage arrive auprĂšs de Joseph et de Marie, toujours habillĂ©e en princesse orientale comme au registre supĂ©rieur. Il dĂ©couvre le Christ Roi. Joseph lĂšve la main droite et nous regarde, comme pour quĂȘter la connivence du spectateur : ce âest plus ainsi quâil faut lire, quâil faut voir la Vierge. Le Roi Mage dĂ©signe de la main droite la vraie, la bonne reprĂ©sentation, qui est Ă droite, de lâautre cĂŽtĂ© du Christ.Â
La femme voilĂ©e constitue la nouvelle reprĂ©sentation de la Vierge, en matrone romaine. Cette figure occupe un trĂŽne plus important que lâautre et placĂ© lĂ©gĂšrement plus avant. Elle est placĂ©e juste en dessous de La Vierge du registre supĂ©rieur, elle est le personnage que dĂ©signent les anges et que regardent les Rois Mages : câest visuellement la figure la plus importante. Il ne faut plus dĂ©sormais regarder Marie comme la seule mĂšre temporelle du Christ (Christotokos), dont la royautĂ© temporelle est symbolisĂ©e par le costume de princesse byzantine, mais comme aussi la mĂšre spirituelle de Dieu (ThĂ©otokos), portant la robe temporelle dorĂ©e ET par dessus le maphorion bleu, rĂ©unissant ainsi les deux couleurs du trĂŽne du Christ, lâor Ă ses pieds et le bleu du coussin oĂč il est assis.
La reprĂ©sentation de Marie en robe dâor sâefface en retrait, dans lâintimitĂ© de lâespace privĂ© oĂč se trouve Joseph, tandis que la nouvelle reprĂ©sentation, publique et universelle, sâavance au premier plan. Lâor reprĂ©sente lâancien monde, câest lâor des portes fermĂ©es de la synagogue dans le registre supĂ©rieur. Le bleu sombre reprĂ©sente le nouveau monde, celui de la porte ouverte de BethlĂ©em Ă droite qui elle-mĂȘme fait Ă©cho Ă la porte ouverte de lâĂglise dans le registre supĂ©rieur.
2. La mosaĂŻque se trouve sur lâarc triomphal, registre supĂ©rieur gauche.
Informations techniques
Notice #018499