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Recherche infructueuse

Le lavement des pieds (version du Prado) - Tintoret

Date :
Entre 1548 et 1549
Nature de l'image :
Peinture sur toile
Dimensions (HxL cm) :
210x533 cm
Lieu de conservation :
P002824

Analyse

Le format de cette Ɠuvre, dont la largeur est gigantesque, permet au Tintoret d'ouvrir l'espace, que referme au fond une porte monumentale servant de point de fuite Ă  la composition. L’action se passe au soleil, devant une galerie dont les arcades ombragĂ©es s'inscrivent dans un ensemble architectural, vaste quadrilatĂšre, qui entoure un canal, oĂč vogue une sorte de gondole, munie d'une voile. Nous sommes bien Ă  Venise, mĂȘme si l’action est Ă  JĂ©rusalem.

« Avant la fĂȘte de la PĂąque
  Au cours d’un repas
 JĂ©sus se lĂšve de table, dĂ©pose son vĂȘtement et prend un linge dont il se ceint.  Il verse ensuite de l’eau dans un bassin et commence Ă  laver les pieds des disciples et Ă  les essuyer avec le linge dont il Ă©tait ceint. Il arrive ainsi Ă  Simon-Pierre qui lui dit : “Toi, Seigneur, me laver les pieds !” JĂ©sus lui rĂ©pond : “Ce que je fais, tu ne peux le savoir Ă  prĂ©sent, mais par la suite tu comprendras.” Pierre lui dit : “Me laver les pieds Ă  moi ! Jamais !” JĂ©sus lui rĂ©pondit : “Si je ne te lave pas, tu ne peux pas avoir part avec moi.”  Simon-Pierre lui dit : “Alors, Seigneur, non pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tĂȘte !” » (Jean, XIII, 1-9)

Le lavement des pieds, qui devrait ĂȘtre l'action centrale, est rejetĂ© sur le flanc droit du premier plan. JĂ©sus Ă  genoux, ceint d'un tablier blanc, commence Ă  laver les pieds de Pierre qui, debout, proteste par le geste et la parole, tandis que le jeune Jean prĂ©sente une aiguiĂšre. Toujours au premier plan,  au centre du tableau, un chien regarde sagement la scĂšne, tandis qu’à gauche un homme, une jambe posĂ©e sur un tabouret, enlĂšve avec prĂ©caution sa sandale.

Ce premier plan symĂ©trique, s’articule assez mal avec le second, qui est occupĂ© par une grande table couverte d’une nappe, sur laquelle un verre de vin, un pain, une coupe, peut-ĂȘtre un plat et un couteau, sont posĂ©s. C'est peu pour une si grande table : elle semble vide. Aux trois apĂŽtres du premier plan, s’ajoutent quatre apĂŽtres assis autour de la table, indiffĂ©rents Ă  l’action de JĂ©sus. A droite, un huitiĂšme apĂŽtre enlĂšve ses chausses, tandis que le neuviĂšme s’est assis au sol pour qu’un dixiĂšme lui retire ses chausses, ce qu’il fait avec grand effort. 

Le troisiĂšme plan est occupĂ© par la colonnade, mais Ă  la limite de l’ombre, un onziĂšme apĂŽtre est assis sur le sol, et se frotte les mains, tandis qu’un peu plus loin Ă  droite, dans l’ombre, le dernier apĂŽtre coiffĂ© d’un bonnet rouge, appuyĂ© Ă  l'une des colonnes, épie la scĂšne en retrait : Judas se met Ă  part.

« JĂ©sus dit [Ă  Pierre] : “Celui qui s’est baignĂ© n’a nul besoin d’ĂȘtre lavĂ©, car il est entiĂšrement pur : et vous, vous ĂȘtes purs, mais non pas tous.” Il savait en effet qui allait le livrer ; et c’est pourquoi il dit : “Vous n’ĂȘtes pas tous purs.” » (Jean, XIII, 10-11)

Mais au verset 2, le rédacteur avait précisé :

« Le diable avait jetĂ© au cƓur de Judas Iscariote, fils de Simon, la pensĂ©e de le livrer. »

La scĂšne devient finalement assez cocasse, le regard Ă©tant surtout attirĂ© par tous ces mouvements d’hommes se dĂ©vĂȘtant, sans que la relation au lavement des pieds, soit explicite. Est-ce une façon pour le peintre de marquer l’incomprĂ©hension des apĂŽtres ?

« Comprenez-vous ce que j’ai fait pour vous ? Vous m’appelez “le MaĂźtre et le Seigneur” et vous dites bien, car je le suis. DĂšs lors, si je vous ai lavĂ© les pieds, moi, le Seigneur et le MaĂźtre, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres ; car c’est un exemple que je vous ai donné : ce que j’ai fait pour vous, faites-le vous aussi. » (Jean, XIII, 13-15)

Le lavement des pieds est prĂ©alable au repas, Ă  la derniĂšre CĂšne, qui n’est pas dĂ©crite dans l’évangile de Jean, mais la table, avec son pain et sa coupe, y ramĂšne symboliquement. D'ailleurs au fond Ă  droite, juste au-dessus de la tĂȘte du Christ, le Tintoret semble bien avoir reprĂ©sentĂ© une vraie CĂšne.

Cette reprĂ©sentation d’un Ă©vĂ©nement postĂ©rieur au Lavement des pieds pose problĂšme si l'on suit la logique d'un dispositif scĂ©nique. Le Tintoret a-t-il voulu renvoyer Ă  l'autre tableau qui lui avait Ă©tĂ© commandĂ©, Ă  sa CĂšne accrochĂ©e dans la mĂȘme Ă©glise, et oĂč les disciples sont placĂ©s de la mĂȘme façon ? Ou bien s'agit-il lĂ  d'un reste de l'ancienne logique, narrative, de composition, qui permettait d'articuler, dans une mĂȘme composition, la succession des diffĂ©rents moments d'un mĂȘme rĂ©cit ? On peut penser enfin, Ă©tant donnĂ© l'emplacement de cette CĂšne juste au-dessus de la tĂȘte de JĂ©sus, que le peintre a voulu reprĂ©senter ce qu'il avait en tĂȘte au moment de laver les pieds de Pierre, et signifier que le lavement des pieds ne prendrait rĂ©trospectivement tout son sens qu'au moment de la CĂšne.

Annotations :

2. Provient de l'Ă©glise San Marcuola de Venise ;
acquis par Ferdinand Gonzague VI duc de Mantoue vers 1610 ;
collection de Charles Ier d'Angleterre ;
acquis par Houghton en 1651 qui le vend en 1654 à don Alonso de Cårdenas pour le compte de don Luis Méndez de Haro, qui l'offre à Philippe IV.

Objets :
Table
Sol en damier
Sources textuelles :

Informations techniques

Notice #019717

Image HD

Traitement de l'image :
Image web
Localisation de la reproduction :
Collections en ligne du Musée du Prado, Madrid (https://www.museodelprado.es)