Le lavement des pieds (version de la National Gallery, Londres) - Tintoret

Les apôtres sont réunis dans une grande salle très sombre à dallage en damier. La  lumière vient du feu de la cheminée et d’une torche portée par un apôtre debout à gauche, mais Jésus rayonne d’une lumière intérieure, qui fait de son visage une image divine. La scène principale, le lavement des pieds de Pierre par Jésus, est légèrement décalée à gauche.

« Jésus se lève de table, dépose son vêtement et prend un linge dont il se ceint. Il verse ensuite de l’eau dans un bassin et commence à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge dont il était ceint. Il arrive ainsi à Simon-Pierre qui lui dit : “Toi, Seigneur, me laver les pieds !”  Jésus lui répond : “Ce que je fais, tu ne peux le savoir à présent, mais par la suite tu comprendras.”  Pierre lui dit : “Me laver les pieds à moi ! Jamais !” Jésus lui répondit : “Si je ne te lave pas, tu ne peux pas avoir part avec moi.” Simon-Pierre lui dit : “Alors, Seigneur, non pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête !” »  (Jean, XIII, 4-9).

Jésus est à genoux, il est ceint d’un tablier blanc, son manteau bleu posé sur une caisse au premier plan à droite. Il finit d'expliquer à Pierre qu’il doit lui laver les pieds ; celui-ci trempe déjà un pied dans la bassine de cuivre. La proximité des deux visages malgré la différence d'âge et d'expression produit l'effet dramatique de la scène. Il s'agit, par l’interversion des positions attendues, de théâtraliser l’humilité du geste de Jésus. Ce geste s'exprime dans un texte, le texte des Évangiles, que le Tintoret a pris soin de placer au second plan entre les deux protagonistes sur une table dont on distingue mal les contours. Le Livre rapporte le fait que représente la scène, selon le principe de la peinture d'histoire.

Derrière Pierre les apôtres sont disposés en demi-cercle. Ceux qui sont les plus proches de lui l'entourent de leur attention et de leur émotion, mais au fond et près de la cheminée, les autres se désintéressent de l’événement ou simplement ne l'ont pas remarqué. Judas n’est pas repérable, mais un chat noir blotti au centre sur le dallage rappelle que la trahison diabolique se prépare.

Pierre a un pied dans l’eau, mais sur le côté droit, un apôtre, vu de dos, s’essuie la jambe, preuve qu’il a déjà été lavé, avant le premier des apôtres. Cette antériorité est très rarement représentée, mais correspond au texte. Jésus

« commence à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge dont il était ceint. Il arrive ainsi à Simon-Pierre » (v. 6)

La seule perturbation dans le déroulement de la scène, provient d’un rideau blanc, qu’un jeune homme écarte pour pénétrer dans la pièce. Est-ce un apôtre ? leur dénombrement n’est pas facile à faire, sa jeunesse pourrait faire penser à Jean, mais ce dernier est celui qui porte le flambeau, et qui observe la scène, car c’est lui le témoin qui racontera l’événement.