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Recherche infructueuse

Il a perdu la mémoire (Rétif, Les Contemporaines, vol. 1, 1780) - Binet

Date :
1780
Nature de l'image :
Gravure sur cuivre
Sujet de l'image :
SMITH LESOUEF R-1601
Œuvre signée
Légende

Analyse

Sujet de l’estampe de la Seconde Nouvelle : La planche offre la scène de deux époux qui se trouvent réunis sous un berceau dans le jardin. Mme de Ris, dont le mari avait perdu la mémoire dans une maladie, a quelques sujets d’inquiétudes sur ses sentiments pour elle, depuis sa convalescence ; elle tâche de se rassurer en se faisant confirmer qu’il n’a pas oublié leur amour. Elle est dans ses bras, et lui rend ses caresses. Le sujet de l’estampe est exprimé par ce mot,
« Elle achève sa guérison ».

L’estampe met en scène la fin de la nouvelle, dont le titre complet est : « Il a perdu la mémoire, ou la tendre épouse et le mari malade ». Mme de Ris découvre que son mari, M. de Ris, a retrouvé la totalité de sa mémoire et se souvient de leur amour : les doutes de Mme de Ris sont ainsi dissipés. Tout cela s’opère sous les yeux de Septimanie, la sœur de Mme de Ris, au courant la première de la guérison de son beau-frère. La gravure nous montre au premier plan M. et Mme de Ris s’enlaçant et s’embrassant. La main droite de M. de Ris ouverte en direction du sol peut s’interpréter comme un effet de surprise. Mme de Ris est à l'initiative : penchée sur son mari, c'est elle qui s’est élancée pour l’enlacer. C'est à ce moment qu'elle apprend qu'il a retrouvé la mémoire, et donc son amour pour elle.
Le couple se trouve sous un berceau de feuillages situé en arrière-plan, que le récit définit comme un « joli berceau de chèvrefeuilles et de jasmins [que M. et Mme de Ris] aimaient beaucoup » (p. 118). Ils ne sont pas assis sur un banc mais sur ce qui semble être un monticule de terre : ce changement d’assise est inhabituel et osé. Le couple paraît être tombé par terre – au sens littéral du terme – lorsque Mme de Ris a appris la bonne nouvelle. À l’arrière-plan, à droite, se trouve Septimanie, la sœur de Mme de Ris : elle observe par effraction la scène, dissimulée par le chèvrefeuille, auquel elle semble entremêlée. Le texte décrit précisément cette scène, où Septimanie s’approche du couple :

« Avec précaution, et quand elle se fut mise à son aise pour entendre et pour voir, elle contempla le tendre mari dans les bras de sa femme, qui penchée dans les siens, lui rendait ses baisers… Elle achevait sa guérison… » (p. 118)

La gravure met en scène ce dispositif voyeuriste, que gouverne le regard de Septimanie. C'est elle en effet qui, véritable entremetteuse, a permis à M. et Mme de Ris de renouer avec l'amour. M. de Ris a d’abord avoué à Septimanie qu’il avait retrouvé la mémoire en lui donnant une lettre destinée à Mme de Ris pour qu’elle puisse la lui faire parvenir. Son intention était d'apparaître par surprise au moment où son épouse aurait fini la lettre. Finalement, les deux époux se sont retrouvés avant que Septimanie ne puisse donner la lettre à sa sœur : elle apprend donc d'abord la nouvelle par son époux lui-même, c'est ce qu'illustre la gravure : le moment des retrouvailles. Par la suite, Septimanie, parfaite entremetteuse, les retrouve sous le berceau et crée un effet de magie en jetant « la lettre sur les genoux de son aînée, en disant avec un son de voix déguisé et fort doux : L’Amour vous l’envoie. » (p. 118).

La lettre n'est pas visible dans la gravure parce qu'elle arrive après l'épisode des retrouvailles des deux époux. 

Cette scène de reviviscence de l’amour peut se comparer à la gravure de la scène du premier baiser entre Saint-Preux et Julie dans La Nouvelle Héloïse. Julie a fixé rendez-vous à Saint-Preux dans un bosquet du jardin de la propriété familiale dont le berceau de feuillages, ici, se rapproche fortement. La même structure est représentée : une pergola en forme d'arche à croisillons mêlés de verdure. On retrouve aussi un couple en proie à un baiser, et une tierce personne qui, plus directement encore que dans Les Contemporaines, favorise le rapprochement. Alors que la gravure de La Nouvelle Héloïse présente des amants transgressant tous les interdits pour se retrouver et s'embrasser, celle-ci représente un couple marié dont l’amour renaît.

 

Annotations :

1. Signé sous la gravure à gauche « L. Binet inv. », à droite « L. S. Berthet scul. ».
Légende sous les signatures : « Elle achève sa guérison. »

Sources textuelles :
Rétif de la Bretonne, Les Contemporaines (1780-1782)

Informations techniques

Notice #020028

Image HD

Traitement de l'image :
Image web
Localisation de la reproduction :
Bibliothèque numérique Gallica, Bibliothèque nationale de France (https://gallica.bnf.fr)