La soubrette par amour (RĂ©tif, Les Contemporaines, vol. 1, 1780) - Binet
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Analyse
Sujet de l’estampe de la Quatrième Nouvelle : On voit dans l’estampe une jeune personne sous le costume de cuisinière, qui se présente pour servir un jeune auteur, dont elle est devenue amoureuse sur la lecture de ses ouvrages. Il accepte :
« Entrez, ma belle enfant ».
Le récit nous raconte qu’une « jeune et jolie veuve de la Place des Victoires, d’environ seize ans » (p. 137) décide de rencontrer le célèbre auteur M. de la Phare plutôt que de retourner au couvent à la mort de son mari. La jeune femme, nommée Cloé, se déguise en « soubrette » ( p. 138) car elle a entendu dire que M. de la Phare avait besoin d’une femme de chambre. Cloé se rend donc rue des Noyers où demeure M. de la Phare et, non sans avoir longuement hésité, elle toque à la porte.
L’estampe met en scène le moment de la rencontre entre les deux personnages. À la vue de l’auteur idolâtré, Rétif de la Bretonne précise que Cloé « rougit et balbutia » ( p. 138). La gravure marque cet air d’innocence et de timidité de Cloé qui se trouve au second plan à droite et qui entre dans le cabinet de M. de la Phare (son bureau). Elle a les yeux inclinés en direction du sol, tient ses bras le long de son corps et avance d'un tout petit pas hésitant, comme si la pudeur l’envahissait. Tout est fait pour que le regard du spectateur soit attiré par la jeune fille. La porte qui s’ouvre sur elle et la blancheur de sa robe contrastent avec M. de la Phare au centre qui est incliné pour l’autoriser à entrer. Il porte une robe de chambre, dont les nombreux plis, qui foncent le rendu d'ensemble, contrastent avec la blancheur de la robe de Cloé.
L'ameublement du cabinet plonge la scène dans l’univers de l’écrivain, avec ses bibliothèques chargées de livres, ses chaises, sa table de bureau encombrée de papiers. Au premier plan à gauche est représentée la chaise de bureau que M. de la Phare vient de quitter : son travail a été interrompu par l’arrivée de Cloé. La table est au même plan que M. de la Phare et que Cloé : les feuilles, la lettre cachetée, la plume à la main prouvent que M. de la Phare était en train d'écrire. C’est grâce à Cloé, que M. de la Phare parviendra à établir chez lui un salon avec toutes les femmes qui lui ont inspiré ses œuvres.
Il faut donc lire la gravure comme l'établissement d'une équivalence entre Cloé à droite qui entre et les feuilles d'écriture à gauche où les femmes sont consignées : entre les deux, l'écrivain, dont le geste d'invite est guidé par la plume qu'il tient toujours à la main, assure le passage et l'interface.
1. La gravure n'est pas signée.
Légende sous la gravure : « Entrez, ma belle Enfant ! »
Informations techniques
Notice #020030