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Recherche infructueuse

La tour de Babel (La Sainte Bible, Mame, 1866) - G. Doré

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Date :
Entre 1862 et 1865
Nature de l'image :
Gravure sur bois
Gravure sur bois debout
SMITH LESOUEF R-6283
Œuvre signée
Légende

Analyse

L'épisode prend place au début de la Genèse, juste après le Déluge, avant le Cycle d'Abraham :

Tout le monde se servait d'une mĂŞme langue et des mĂŞmes mots. Comme les hommes se dĂ©plaçaient Ă  l'orient, ils trouvèrent une vallĂ©e au pays de ShinĂ©ar et ils s'y Ă©tablirent. Ils se dirent l'un Ă  l'autre : Allons ! Faisons des briques et cuisons-les au feu ! La brique leur servit de pierre et le bitume leur servit de mortier. Ils dirent : Allons ! Bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet pĂ©nètre les cieux ! Faisons-nous un nom et ne soyons pas dispersĂ©s sur toute la terre.  (Genèse 11,1-4)

La tour, voilée part les nuages, d'élève dans un vaste chantier de construction. Au centre de la composition, un homme debout lève les bras au ciel, la tête renversée en arrière. A gauche en contrebas, les ouvriers s'activent à convoyer et pousser un lourd chargement de pierres. Sur la droite, auprès de celui qui lève les bras au ciel, un groupe assis semble converser. Derrière, de gauche à droite, un homme se prend la tête dans les mains, un autre s'arrache les cheveux, un troisième plonge la tête dans son coude replié.

Pour la représentation du chantier au second plan à gauche, Gustave Doré s'est efforcé d'être réaliste. Mais les constructions du Moyen Orient antique étaient de briques, et non de pierre comme il le suggère ici, dans la tradition européenne. De même, on utilisait ânes et bœufs pour traîner les chariots, et non des chevaux, introduits en Orient plus tard, et d'abord attelés aux chars de combat, ou destinés à la course et à la cavalerie légère.

Pour la tour disparaissant dans les nuages, Gustave Doré a pu s'inspirer des deux Tours de Babel de Pierre Bruegel l’Ancien, qui avait imaginer ce moyen de suggérer l'élévation jusqu'au ciel.

Le premier plan de l'image, à droite, est plus énigmatique. C'est là que Doré a essayé de représenter la confusion des langues :

Or YahvĂ© descendit pour voir la ville et la tour que les hommes avaient bâties. Et YahvĂ© dit : Voici que tous font un seul peuple et parlent une seule langue, et tel est le dĂ©but de leurs entreprises ! Maintenant, aucun dessein ne sera irrĂ©alisable pour eux. Allons ! Descendons ! Et lĂ , confondons leur langage pour qu'ils ne s'entendent plus les uns les autres. 
YahvĂ© les dispersa de lĂ  sur toute la face de la terre et ils cessèrent de bâtir la ville. Aussi la nomma-t-on Babel, car c'est lĂ  que YahvĂ© confondit le langage de tous les habitants de la terre et c'est de lĂ  qu'il les dispersa sur toute la face de la terre. (11,5-9)

Les quatre personnages assis en rond discutent apparemment de la construction, mais ils ne se comprennent plus. Les trois autres assis derrière eux expriment, chacun à sa manière, leur désespoir : de gauche à droite, sombre mélancolie, hystérie, repli sur soi.

Mais quel est le sens du geste de l'homme levant les bras au Ciel au centre de la composition ? Est-ce une prière dĂ©sespĂ©rĂ©e ou un ultime dĂ©fi, un mouvement de supplication ou de rĂ©volte envers Dieu qui vient de condamner son Ĺ“uvre ? La tour enveloppĂ©e dans les nuĂ©es, s'efface progressivement de l'image, elle est effacĂ©e par Dieu, tandis que l'homme suppliant et rĂ©voltĂ© est placĂ© dans sa lumière. Ses bras tendus ouvrent vers le ciel un angle symĂ©trique de celui que fait la tour en descendant vers les hommes. Sa position mĂŞme dans la composition est ambivalente, puisqu'il se situe Ă  l'interface de l'humanitĂ© industrieuse Ă  gauche et de la discorde civile Ă  droite.

Doré saisit l'homme dans ses contradictions, son abaissement et son élévation, sa prière et sa révolte.

Annotations :

1. Signé en bas à gauche « G. Doré », à droite « C. MAURAND. »

Sources textuelles :
Genèse

Informations techniques

Notice #020647

Image HD

Traitement de l'image :
Image web
Localisation de la reproduction :
Bibliothèque numérique Gallica, Bibliothèque nationale de France (https://gallica.bnf.fr)