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Recherche infructueuse

Isaac bénit Jacob (La Sainte Bible, Mame, 1866) - G. Doré

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Date :
Entre 1862 et 1865
Nature de l'image :
Gravure sur bois
Gravure sur bois debout
SMITH LESOUEF R-6283
Œuvre signée
Légende

Analyse

A la faveur d'une ruse ourdie par son épouse Rébecca, Jacob bénit son fils cadet Isaac en lieu et place de son aîné Esaü parti à la chasse. Par cette bénédiction, Jacob devient le chef de la lignée, et prendra finalement le nom d'Israël. La ruse de Rébecca est racontée avec un luxe de détails plutôt inhabituel dans la Genèse :

Maintenant, fils, écoute-moi et fais comme je t'ordonne. Va au troupeau et apporte-moi de là deux beaux chevreaux, et j'en préparerai un régal pour ton père, comme il aime. Tu le présenteras à ton père et il mangera, afin qu'il te bénisse avant de mourir. Jacob dit à sa mère Rébecca : Vois : mon frère Ésaü est velu, et moi j'ai la peau bien lisse. Peut-être mon père va-t-il me tâter, il verra que je me suis moqué d elui et j'attirerai sur moi la malédiction au lieu de la bénédiciton. Mais sa mère lui répondit : Je prends sur moi ta malédiction, mon fils ! Écoute-moi seulement et va me chercher les chevreaux. Il alla les chercher et les apporta à sa mère qui apprêta un régal comme son père aimait. Rébecca prit les plus beaux habits d'Esaü, son fils aîné, qu'elle avait à la maison, et en revêtit Jacob, son fils cadet. Avec la peau des chevreaux elle lui couvrit les bras et la partie lisse du cou. Puis elle mit le régal et le pain qu'elle avait apprêtés entre les mains de son, fils Jacob. Il alla auprès de son père et dit : Mon père ! Celui-ci répondit : Oui ! Qui es-tu, mon fils ? Jacob dit à son père : Je suis Esaü, ton premier-né, j'ai fait ce que tu m'as commandé. Lève-toi, je te prie, assieds-toi et mange de ma chasse, afin que ton âme me bénisse. Isaac dit à Jacob : Comme tu as trouvé vite, mon fils. — C'est, répondit-il, que Yahvé ton Dieu m'a été propice. Isaac dit à Jacob : Approche toi donc, que je te tâte, mon fils, pour savoir si oui ou non, tu es mon fils Ésaü. Jacob s'approcha de son père Isaac, qui le tâta et dit : La voix est celle de Jacob, mais les bras sont ceux d'Esaü ! Il ne le reconnut pas car ses bras étaient velus comme ceux d'Ésaü son frère, et il le bénit. Il dit : Tu es bien mon fils Ésaü ? Et l'autre répondit : Oui. Isaac reprit : Sers-moi et que je mange de la chasse de mon fils, afin que mon âme te bénisse. Il le servit et il mangea, il lui présenta du vin et il but. Son père Isaac lui dit : Approche-toi et embrasse-moi, mon fils ! Il s'approcha et embrassa son père, qui respira l'odeur de ses vêtements. Il le bénit ainsi : […] Que les peuples te servent, que des nations se prosternent devant toi ! Sois un maître pour tes frères, que se prosternent devant toi les fils de ta mère ! Maudit soit qui te maudira, Béni soit qui te bénira ! Isaac avait achevé de bénir Jacob et Jacob sortait tout juste de chez son père Isaac lorsque son frère Esaü rentra de la chasse. (Genèse 27, 8)

La scène de la bénédiction de Jacob jouit d'une tradition iconographique très importante. L'histoire y est généralement signifiée par les bras faussement velus de Jacob, par les regards d'intelligence échangés entre le fils et sa mère, par l’arrivée inopinée d’Esaü… Rien de tout cela ici. Gustave Doré préfère se concentrer sur la bénédiction donnée par le vieillard assis au bord de son lit, les deux bras solennellement tendus. Son fils à genoux, la tête inclinée, souligne la solennité pour ainsi dire liturgique de l’acte. La lumière surnaturelle qui baigne la scène manifeste la présence divine. A droite au second plan Rebecca debout à la porte, guettant une éventuelle arrivée d’Esaü rappelle le piège : techniquement, Rébecca fait le lien entre l'espace restreint de la scène, théâtralement marqué par l'absorbement des protagonistes, et l'espace vague du dehors. Mais dans la cour qu'elle regarde, nulle trace d'Ésaü, que traditionnellement on devrait voir revenir, trop tard, de la chasse (Julius Schnorr von Carolsfeld, Otto Delitsch composent leur scène ainsi). Des chameaux sont au repos, il ne se passe rien.

Au premier plan, le visage enfoui de Jacob n'est pas celui du jeune homme vif et astucieux qui berne son père, mais d'un fils témoignant respect et affection. Gustave Doré met ainsi en parallèle cette bénédiction avec celle qui marque le retour du Fils prodigue : la position relative des deux hommes est la même. Peut-être ne faut-il pas comprendre dès lors ce qui est ici représenté comme l'histoire d'une ruse et d'une fraude (comme le suggère le récit biblique), mais comme l'expression envers et contre tout d'un profond amour filial.

Annotations :

1. Signé en bas à gauche « G. Doré », à droite « AGusmand Sc ».

Sources textuelles :

Informations techniques

Notice #020658

Image HD

Traitement de l'image :
Image web
Localisation de la reproduction :
Bibliothèque numérique Gallica, Bibliothèque nationale de France (https://gallica.bnf.fr)