Renaud promet Bradamante Ă Roger (Roland furieux, Valgrisi, chant 44)
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Analyse
En bas Ă gauche Roland et ses compagnons arrivent dans lâĂźle de lâermite, pour y faire soigner Olivier. Sobrin, devant le miracle de la guĂ©rison dâOlivier, demande le baptĂȘme. Sobrin est reprĂ©sentĂ© prĂšs de lâermite, sans armes, bras croisĂ©s sur la poitrine.
En bas Ă droite, sous les yeux de lâermite qui les hĂ©berge, Renaud (RIN) donne lâaccolade Ă Roger (RVG, st. 6). Lâermite persuade Renaud de donner Bradamante Ă Roger. Sur la gauche, Olivier, Sobrin (SOB, absent dans le texte) et Roland (OR) approuvent ce projet (st. 11).
Pendant ce temps, plus haut Ă droite, Astolphe (AST), aux portes de Bizerte (BIS, port tunisien) quâil vient dâassiĂ©ger victorieusement, fait ses adieux au SĂ©napes, le roi des Nubiens (R. NU., st. 19), et lui donne Ă emporter le vent austral enfermĂ© dans une outre (st. 21-22). Au-dessus, toujours Ă droite, les chevaux des Nubiens, arrivĂ©s devant les dĂ©filĂ©s de lâAtlas (ATLA), redeviennent des rochers (st. 23).
Devant Biserte, vers le centre de la gravure, Astolphe (AST.) montĂ© sur son hippogriffe vole en Sardaigne (SAR.) puis en Corse (COR., st. 24) ; il arrive en Provence, libĂšre lâhippogriffe, et rejoint Ă Marseille (MAR, complĂštement Ă gauche) Roland (OR.) Sobrin (SO.), Renaud (RI.) et Roger (RV) (sens de AD ou AL DIP ? au, sur le dĂ©part ?).
Dans le texte, Charlemagne vient à leur rencontre « sopra la Sonna », sur les bords de la SaÎne (st. 28). On le voit ici (CAR.) accompagné de sa femme Galerane (GAL.) devant les murs de Paris (PARI.) face aux chevaliers, à gauche. A droite Marphise (M.) embrasse son frÚre Roger (RVG.) et Bradamante (B.) se joint à lui et à Astolphe (AST., st. 30).
Un peu plus haut, et plus Ă droite, la troupe entre dans la ville (AST., SOB., OLI.) en triomphe : les habitants jettent des fleurs des fenĂȘtres (CAR. pour Charlemagne ; RV. pour Roger ; st. 32).
Sur la gauche, dans le palais impĂ©rial, devant Charles assis sur son trĂŽne Ă lâextrĂȘme gauche (C.), Renaud (RI.) explique Ă son pĂšre Aymon (AMO.), guĂšre content, quâil a donnĂ© sa sĆur Bradamante (BRA.) Ă Roger (st. 35-36). Plus Ă droite, BĂ©atrice (BEA.), la femme dâAymon, a une explication orageuse avec Bradamante (BRA., st. 37-39).
Désespoir de Bradamante (st. 40-47), puis de Roger (st. 48-59) ; Bradamante rassure Roger (st. 60-67) : rien de cela sur la gravure, qui passe à la st. 68.
   Bradamante demande alors lâintervention de Charles, quâon voit (CA.) entre elle (BRA.) et Roger (RV.) Ă droite dans le palais : que son futur Ă©poux se mesure dâabord avec elle par les armes. Sâil est vaincu, quâil aille chercher une compagne ailleurs (st. 70).
Charlemagne accepte, mais Aymon et Béatrice emploient alors la ruse : ils conduisent Bradamante à Rochefort (BEA., BRA., AMO., R. FOR. pour Roccaforte ; st. 72), entre⊠Perpignan au sud (PIR. pour Pirpignano) et Carcassone au nord (CAR.) !
Comprenant que Bradamante a Ă©tĂ© enlevĂ©e, Roger franchit la Meuse (F. MIS. pour la Mosa), traverse les contrĂ©es de lâAutriche (CON. OST., contrade dâOstericche), la Hongrie (VNG., Ungheria) et arrive Ă Belgrade (BELG., st. 78). Tout cela est reprĂ©sentĂ© en haut Ă gauche sur la gravure.
Au-dessus de Belgrade, lâarmĂ©e des Bulgares (BVL.), qui occupe la ville, est massĂ©e pour lâattaque. En haut au milieu, devant Belgrade, le Danube (DAN) est traversĂ© par deux ponts et reçoit les eaux de la Save (F. SA., la Sava, st. 79). La Save se jette effectivement dans le Danube Ă Belgrade ; mais il est Ă©videmment un peu Ă©trange dây voir Ă©galement converger la Meuse...
Sur lâautre rive du Danube, les tentes figurent le camp des Grecs, qui tentent de reprendre la ville en jetant des ponts sur le fleuve (st. 80). Sur le pont du bas, lâoffensive est menĂ©e par Constantin (CON.). Entre les deux ponts, LĂ©on (LE.) qui est passĂ© sur lâautre rive fait diversion et tue le roi des Bulgares, Vatran (VATRA., st. 83). Tout en haut, Roger secourt alors les Bulgares en dĂ©route, par haine pour LĂ©on, son rival auprĂšs de Bradamante puisque câest lâĂ©poux quâAymon destine Ă sa fille (st. 84).
Roger retourne la situation et les Bulgares reprennent lâavantage (st. 88). LĂ©on montĂ© sur un tertre ne peut sâempĂȘcher dâadmirer Roger (st. 89-93). Il fait sonner la retraite et les Grecs retraversent le Danube en sens inverse, sur le pont du haut (st. 94).
DĂ©laissant les Bulgares, Roger poursuit LĂ©on. En haut Ă droite, il arrive dans la citĂ© de Novigrad (NOVEN., Novengrado, voir ch. 45, st. 10), oĂč au chant suivant il sera fait prisonnier.
La composition gĂ©nĂ©rale de la gravure fait apparaĂźtre nettement trois territoires : en bas, câest lâĂźle de lâermite. Lâermite a converti Roger et Sobrin. Il prĂ©side Ă la rĂ©conciliation de Renaud et de Roger, et Ă sa promesse de lui donner la main de sa sĆur Bradamante (st. 1-18). Ce premier territoire est celui de la performance chevaleresque : on y cĂ©lĂšbre les anciennes valeurs, la foi, la fidĂ©litĂ©, lâamitiĂ©.
En haut Ă droite, le second territoire est lâAfrique, reprĂ©sentĂ©e comme une petite Ăźle. Astolphe y fait ses adieux au roi des Nubiens devant Bizerte avant de rejoindre le camp de Charles en France. (st. 19-26). LâĂ©pisode de Bizerte, qui trouve ici sa brĂšve conclusion, a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© aux chants 40-43. Agramant et Sobrin, vaincus Ă Bizerte, se sont rĂ©fugiĂ©s Ă LampĂ©duse, oĂč ils ont dĂ©fiĂ© Roland et ses compagnons. Roland, qui veut rĂ©cupĂ©rer Bayard et Durandal, accepte le dĂ©fi et gagne, mais Brandimart y aura laissĂ© la vie. Au chant 44, on revient briĂšvement Ă Bizerte, Ă nouveau sous contrĂŽle chrĂ©tien : Astolphe y donne congĂ© au SĂ©napes, pour quâil retourne dans son royaume de Nubie. Ce territoire est celui des InfidĂšles, prĂ©cairement contrĂŽlĂ© par Astolphe. Cette prĂ©caritĂ© est figurĂ©e par lâoutre des vents, calquĂ©e sur lâĂ©pisode dâUlysse et dâĂole dans lâOdyssĂ©e (X, 20-26).
Le troisiĂšme territoire, en haut Ă gauche, est le plus densĂ©ment peuplĂ© de figures : câest lĂ que se consacre toute lâactivitĂ© narrative du chant 44, centrĂ©e sur la qurelle autour du mariage de Bradamante. Ce 3e territoire est lâEurope, aprĂšs lâĂźle fictionnelle de lâermite et lâAfrique. Marseille, Paris et Belgrade y sont brutalement superposĂ©es, lâAutriche et la Hongrie y constituent deux chĂąteaux, tandis que la Meuse se jette dans le Danube aux portes de Belgrade. Le territoire fictionnel concentre la narration et rĂ©organise la gĂ©ographie des lieux en une topographie théùtrale : devant, la scĂšne du conflit est constituĂ©e par la cour de Charlemagne dans Paris, oĂč Renaud, Roger et Bradamante dâune part, Aymon et BĂ©atrice dâautre part se dĂ©chirent. DerriĂšre, la coulisse est constituĂ©e par les combats de Roger pour Ă©liminer son rival LĂ©on le Grec. Ce 3e territoire oppose Ă lâĂ©conomie fĂ©odale de la performance (en bas) lâĂ©conomie marchande de la scĂšne : sur la scĂšne de la cour de Charles, et dans ses coulisses, il sâagit de monnayer lâĂ©change de Bradamante. Ainsi se rĂ©pĂšte la scĂšne primitive du Roland furieux, le monnayage dâAngĂ©lique entre Renaud et Roland sous le contrĂŽle de Charles au chant I.
En haut Ă droite, Roger franchit le Danube pour entrer dans Novigrad et sây faire prendre traĂźtreusement : Novigrad est reprĂ©sentĂ©e au-dessus de Bizerte, et Roger franchit le Danube symĂ©triquement dâAstolphe franchissant la MĂ©diterranĂ©e. Novigrad rĂ©pĂšte ainsi en quelque sorte le territoire de lâincertitude, de la trahison, et de la nĂ©gation des valeurs, outre fleuve comme lâAfrique est outre mer.
Informations techniques
Notice #002210