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Recherche infructueuse

Renaud promet Bradamante Ă  Roger (Roland furieux, Valgrisi, chant 44)

Attribution incertaine
Date :
Entre 1556 et 1560
Nature de l'image :
Gravure sur bois
Dimensions (HxL cm) :
21,2x13,9 cm
Sujet de l'image :
37511RES

Analyse

En bas à gauche Roland et ses compagnons arrivent dans l’île de l’ermite, pour y faire soigner Olivier. Sobrin, devant le miracle de la guérison d’Olivier, demande le baptême. Sobrin est représenté près de l’ermite, sans armes, bras croisés sur la poitrine.

En bas Ă  droite, sous les yeux de l’ermite qui les hĂ©berge, Renaud (RIN) donne l’accolade Ă  Roger (RVG, st. 6). L’ermite persuade Renaud de donner Bradamante Ă  Roger. Sur la gauche, Olivier, Sobrin (SOB, absent dans le texte) et Roland (OR) approuvent ce projet (st. 11).

Pendant ce temps, plus haut Ă  droite, Astolphe (AST), aux portes de Bizerte (BIS, port tunisien) qu’il vient d’assiĂ©ger victorieusement, fait ses adieux au SĂ©napes, le roi des Nubiens (R. NU., st. 19), et lui donne Ă  emporter le vent austral enfermĂ© dans une outre (st. 21-22). Au-dessus, toujours Ă  droite, les chevaux des Nubiens, arrivĂ©s devant les dĂ©filĂ©s de l’Atlas (ATLA), redeviennent des rochers (st. 23).

Devant Biserte, vers le centre de la gravure, Astolphe (AST.) montĂ© sur son hippogriffe vole en Sardaigne (SAR.) puis en Corse (COR., st. 24) ; il arrive en Provence, libère l’hippogriffe, et rejoint Ă  Marseille (MAR, complètement Ă  gauche) Roland (OR.) Sobrin (SO.), Renaud (RI.) et Roger (RV) (sens de AD ou AL DIP ? au, sur le dĂ©part ?).

Dans le texte, Charlemagne vient Ă  leur rencontre « sopra la Sonna Â», sur les bords de la SaĂ´ne (st. 28). On le voit ici (CAR.) accompagnĂ© de sa femme Galerane (GAL.) devant les murs de Paris (PARI.) face aux chevaliers, Ă  gauche. A droite Marphise (M.) embrasse son frère Roger (RVG.) et Bradamante (B.) se joint Ă  lui et Ă  Astolphe (AST., st. 30).

Un peu plus haut, et plus Ă  droite, la troupe entre dans la ville (AST., SOB., OLI.) en triomphe : les habitants jettent des fleurs des fenĂŞtres (CAR. pour Charlemagne ; RV. pour Roger ; st. 32).

Sur la gauche, dans le palais impĂ©rial, devant Charles assis sur son trĂ´ne Ă  l’extrĂŞme gauche (C.), Renaud (RI.) explique Ă  son père Aymon (AMO.), guère content, qu’il a donnĂ© sa sĹ“ur Bradamante (BRA.) Ă  Roger (st. 35-36). Plus Ă  droite, BĂ©atrice (BEA.), la femme d’Aymon, a une explication orageuse avec Bradamante (BRA., st. 37-39).

DĂ©sespoir de Bradamante (st. 40-47), puis de Roger (st. 48-59) ; Bradamante rassure Roger (st. 60-67) : rien de cela sur la gravure, qui passe Ă  la st. 68.

    Bradamante demande alors l’intervention de Charles, qu’on voit (CA.) entre elle (BRA.) et Roger (RV.) Ă  droite dans le palais : que son futur Ă©poux se mesure d’abord avec elle par les armes. S’il est vaincu, qu’il aille chercher une compagne ailleurs (st. 70).

Charlemagne accepte, mais Aymon et BĂ©atrice emploient alors la ruse : ils conduisent Bradamante Ă  Rochefort (BEA., BRA., AMO., R. FOR. pour Roccaforte ; st. 72), entre… Perpignan au sud (PIR. pour Pirpignano) et Carcassone au nord (CAR.) !

Comprenant que Bradamante a Ă©tĂ© enlevĂ©e, Roger franchit la Meuse (F. MIS. pour la Mosa), traverse les contrĂ©es de l’Autriche (CON. OST., contrade d’Ostericche), la Hongrie (VNG., Ungheria) et arrive Ă  Belgrade (BELG., st. 78). Tout cela est reprĂ©sentĂ© en haut Ă  gauche sur la gravure.

Au-dessus de Belgrade, l’armĂ©e des Bulgares (BVL.), qui occupe la ville, est massĂ©e pour l’attaque. En haut au milieu, devant Belgrade, le Danube (DAN) est traversĂ© par deux ponts et reçoit les eaux de la Save (F. SA., la Sava, st. 79). La Save se jette effectivement dans le Danube Ă  Belgrade ; mais il est Ă©videmment un peu Ă©trange d’y voir Ă©galement converger la Meuse...

Sur l’autre rive du Danube, les tentes figurent le camp des Grecs, qui tentent de reprendre la ville en jetant des ponts sur le fleuve (st. 80). Sur le pont du bas, l’offensive est menĂ©e par Constantin (CON.). Entre les deux ponts, LĂ©on (LE.) qui est passĂ© sur l’autre rive fait diversion et tue le roi des Bulgares, Vatran (VATRA., st. 83). Tout en haut, Roger secourt alors les Bulgares en dĂ©route, par haine pour LĂ©on, son rival auprès de Bradamante puisque c’est l’époux qu’Aymon destine Ă  sa fille (st. 84).

Roger retourne la situation et les Bulgares reprennent l’avantage (st. 88). LĂ©on montĂ© sur un tertre ne peut s’empĂŞcher d’admirer Roger (st. 89-93). Il fait sonner la retraite et les Grecs retraversent le Danube en sens inverse, sur le pont du haut (st. 94).

DĂ©laissant les Bulgares, Roger poursuit LĂ©on. En haut Ă  droite, il arrive dans la citĂ© de Novigrad (NOVEN., Novengrado, voir ch. 45, st. 10), oĂą au chant suivant il sera fait prisonnier.

La composition gĂ©nĂ©rale de la gravure fait apparaĂ®tre nettement trois territoires : en bas, c’est l’île de l’ermite. L’ermite a converti Roger et Sobrin. Il prĂ©side Ă  la rĂ©conciliation de Renaud et de Roger, et Ă  sa promesse de lui donner la main de sa sĹ“ur Bradamante (st. 1-18). Ce premier territoire est celui de la performance chevaleresque : on y cĂ©lèbre les anciennes valeurs, la foi, la fidĂ©litĂ©, l’amitiĂ©.

En haut Ă  droite, le second territoire est l’Afrique, reprĂ©sentĂ©e comme une petite Ă®le. Astolphe y fait ses adieux au roi des Nubiens devant Bizerte avant de rejoindre le camp de Charles en France. (st. 19-26). L’épisode de Bizerte, qui trouve ici sa brève conclusion, a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© aux chants 40-43. Agramant et Sobrin, vaincus Ă  Bizerte, se sont rĂ©fugiĂ©s Ă  LampĂ©duse, oĂą ils ont dĂ©fiĂ© Roland et ses compagnons. Roland, qui veut rĂ©cupĂ©rer Bayard et Durandal, accepte le dĂ©fi et gagne, mais Brandimart y aura laissĂ© la vie. Au chant 44, on revient brièvement Ă  Bizerte, Ă  nouveau sous contrĂ´le chrĂ©tien : Astolphe y donne congĂ© au SĂ©napes, pour qu’il retourne dans son royaume de Nubie. Ce territoire est celui des Infidèles, prĂ©cairement contrĂ´lĂ© par Astolphe. Cette prĂ©caritĂ© est figurĂ©e par l’outre des vents, calquĂ©e sur l’épisode d’Ulysse et d’Éole dans l’OdyssĂ©e (X, 20-26).

Le troisième territoire, en haut à gauche, est le plus densément peuplé de figures : c’est là que se consacre toute l’activité narrative du chant 44, centrée sur la qurelle autour du mariage de Bradamante. Ce 3e territoire est l’Europe, après l’île fictionnelle de l’ermite et l’Afrique. Marseille, Paris et Belgrade y sont brutalement superposées, l’Autriche et la Hongrie y constituent deux châteaux, tandis que la Meuse se jette dans le Danube aux portes de Belgrade. Le territoire fictionnel concentre la narration et réorganise la géographie des lieux en une topographie théâtrale : devant, la scène du conflit est constituée par la cour de Charlemagne dans Paris, où Renaud, Roger et Bradamante d’une part, Aymon et Béatrice d’autre part se déchirent. Derrière, la coulisse est constituée par les combats de Roger pour éliminer son rival Léon le Grec. Ce 3e territoire oppose à l’économie féodale de la performance (en bas) l’économie marchande de la scène : sur la scène de la cour de Charles, et dans ses coulisses, il s’agit de monnayer l’échange de Bradamante. Ainsi se répète la scène primitive du Roland furieux, le monnayage d’Angélique entre Renaud et Roland sous le contrôle de Charles au chant I.

En haut à droite, Roger franchit le Danube pour entrer dans Novigrad et s’y faire prendre traîtreusement : Novigrad est représentée au-dessus de Bizerte, et Roger franchit le Danube symétriquement d’Astolphe franchissant la Méditerranée. Novigrad répète ainsi en quelque sorte le territoire de l’incertitude, de la trahison, et de la négation des valeurs, outre fleuve comme l’Afrique est outre mer.

Sources textuelles :
ROLFUR44 : Roland furieux, chant 44

Informations techniques

Notice #002210

Image HD

Identifiant historique :
A1529
Traitement de l'image :
Image web
Localisation de la reproduction :
Bibliothèque numérique Gallica, Bibliothèque nationale de France (https://gallica.bnf.fr)