Matilde séduit Ambrosio (Le Moine, Maradan, 1797)

La scène illustrée se situe au milieu du tome I. Le moine Ambrosio jouit encore d'une réputation parfaite qui flatte son orgueil et annonce sa chute prochaine. C'est Matilde, en vérité le diable sous l'apparence d'une femme fatale, qui va en être la cause. Présente dans le monastère sous la fausse identité de Rosario, un jeune novice mélancolique qui admire Ambrosio, elle arrive à l'approcher. Elle finit par lui révéler son sexe, ce qui suscite la terreur du moine, pour la première fois exposé à la tentation. Il lui ordonne de quitter le couvent mais Matilde dégaine un poignard et feint de se percer le cœur :

Les vêtements de Matilde étaient écartés, sa gorge était à demi-découverte..... et quelle gorge, grand Dieu ! La point du stylet alla se poser sur son sein gauche, dont le Moine, à l'aide des rayons brillants de la lune put observer la blancheur éblouissante ; son œil resta fixé, avec une insatiable avidité, sur le plus beau demi-globe que la nature ait jamais produit. Une sensation, jusqu'alors inconnue, remplit son cœur d'un mélange d'inquiétude et de plaisir ; un feu dévorant circula rapidement dans toutes ses veines, et mille désirs troublèrent son imagination en agitant son sein. (Lewis, Le Moine t. I, Paris, Maradan, 1797, p. 105)

L’image représente ce moment : la pointe de l'arme fait office d'embrayeur visuel, tout comme le regard du moine dirigé vers cette poitrine devenue objet de luxure. L'hésitation du moine est visible : alors que ses regards ne portent aucune équivoque, ses pas sont tournés vers la sortie du cadre et ses bras balancent. La légende vient sceller le choix du moine : fou de désir, il cède malgré lui. Il faudra attendre un nouvel assaut de Matilde pour qu'il rompe ses vœux et commence sa longue chute. La scène se déroule de nuit dans le jardin du monastère, référence évidente à un Éden où le diable, sorti d’une grotte ténébreuse, visible à l'arrière-plan gauche de l’image, tente l’homme faible.