La Nonne sanglante remplace Agnès (Le Moine, Maradan, 1797)

La scène illustrée se situe au milieu du deuxième tome. Il s'agit d'un récit enchâssé que le Marquis Don Raymond de Las Cisternas, amant d'Agnès, raconte à Lorenzo, le frère d'Agnès. Le Marquis est de fait tombé amoureux d'Agnès, pourtant destinée au couvent. Il raconte alors sa tentative pour la faire évader de chez sa tante, la Baronne Donna Rodolphe, en proie à une « fureur jalouse » (Lewis, Le Moine t. II, Paris, Maradan, 1797, p. 62).

Le plan d'évasion d'Agnès et de Don Raymond repose sur la légende de la Nonne sanglante : tous les cinq ans apparaîtrait à une heure du matin le spectre d'une femme habillée en nonne, tachée de sang, avec un poignard dans la main. Il s'agit d'une femme morte il y a plusieurs années dans des conditions criminelles, après avoir elle-même assassiné son mari avec ces mêmes attributs, et qui n'a toujours pas de sépulture. Par superstition, les habitants du château laissent toujours les portes ouvertes à cette occasion. Agnès doit donc revêtir l'habit de la Nonne sanglante et sortir du château pour rejoindre son amant. Raymond, posté à l'extérieur, l'attend. Sa voiture est cachée dans une grotte. Mais au lieu d'Agnès c'est la nonne de la légende qui se présente.

La gravure représente ce moment de l'apparition de la Nonne sanglante à la porte du château. Raymond ne peut contenir son bonheur d'avoir enfin dans ses bras celle qu'il croit être son Agnès. Il lui déclame un poème dont le premier vers apparaît dans la légende. La Nonne sanglante a tous les attributs de sa propre légende et elle tient un flambeau pour éclairer cette scène obscure qui se passe de nuit. Son apparence est proche de celle d'un fantôme. L'image présente aussi la façade d'un château qui semble plus un décor théâtral qu'un véritable édifice. De même pour la grotte qui est bien trop proche du château.