Alexandre et Khidr au Pays des Ténèbres (Matâli' al-sa'âdet, Bnf sup.turc242, f75v76)

Le Coran rapporte qu’Alexandre le Grand – Iskandar –, accompagné par Khidr, « le vert », s’en fut chercher la Source de la Vie au Pays des Ténèbres (sourate 18, versets 59-81).

Le folio de droite représente l'arrivé d'Alexandre au Pays des Ténèbres. Son compagnon Khidr porte une torche enflammée, avec laquelle il éclaire la scène, dont l'obscurité est signifiée par la couleur mauve du paysage à l'arrière-plan. Alexandre porte une haute couronne, son vêtement est richement brodé, son l’épée, l’étui de son arc et le harnachement du cheval sont parsemés de pierres précieuses. Les pattes et la queue du cheval sont teintes en rouge, avec du henné. Le regard direct de Khidr laisse deviner la relation étroite qu’il entretient avec le héros.

Le folio de gauche représente la construction de la muraille de Gog et de Magog, muraille de fer censée protéger le monde civilisé des populations sauvages de Gog et de Magog. Voir dans le Coran la sourate 18, versets 94-97, où les peuples sont appelés Yuj et Majuj, et le constructeur du mur est Dhû-l-Qarnayn, l'homme aux deux cornes, parfois identifié à Alexandre le Grand. La muraille, faite de plaques de fer recouvertes de bronze fondu pour lui donner une surface tellement lisse qu’il soit impossible de l’escalader, est représentée comme une barrière de briques. Son énormité est mise en évidence par la toute petite taille des habitants des terres de Gog et de Magog qui apparaissent au premier plan. Quatre d’entre eux sont montés sur un grand serpent, et les sept autres essayent frénétiquement d’escalader la muraille ou de l’user en la léchant de leurs langues râpeuses. De l'autre côté de la murailles deux cavaliers jouent de la musique, de la trompette à gauche, du tambour à droite, pour faire croire aux sauvages qu'une nombreuse armée les attend au cas où ils parviendraient à franchir le mur.