Le cabinet de Mondor (Juliette, I, fig. 8)
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Analyse
Juliette a été embauchée par la Duverguier, une maquerelle. Accompagnée de « six filles charmantes » (Sade, Œuvres t. III, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », p. 320), elle doit aller combler les désirs de Mondor, un vieux libertin. Elle revêt pour cela « une gaze noire et argent » (ibid.), qui la distingue des autres filles. La scène se met ensuite en place : les six filles doivent exécuter « les plus voluptueuses attitudes de Sapho » (ibid.) devant Mondor.
La gravure les représente sur une petite scène de théâtre, dans des postures variées et deux par deux : elles se répartissent en trois groupes, ce qui peut rappeler la répartition des polyptyques sacrés, qui constitue peut-être ici le modèle blasphématoire sous-jacent. Cette scène comporte des coulisses dont les accès semblent barrés par des portes, un rideau retranché, et un décor élégant avec des colonnes et quelques meubles sur lesquels les femmes s’appuient. Alors que les comédiennes de ce simulacre de spectacle sont nues, Mondor, seul spectateur, est habillé. Juliette essaie de « réveiller [son] activité très endormie » (ibid.) : le regard du libertin ainsi que son sexe pointant vers la scène servent d'embrayeurs visuels. Mais la démarcation des tréteaux et du parterre, caractéristique du dispositif scénique classique, est un leurre : Mondor pollué par Juliette participe à l'orgie, dont il est à la fois le spectateur et le protagoniste, s’imbriquant dans le tableau libertin général.
Ce simulacre de théâtre ne servira d'ailleurs à rien : il faudra attendre que la séparation du regardant et des regardées s'efface et que les personnages ne forment plus qu’un seul groupe pour que l'« outil glacé » (p. 322) de Mondor se réveille.
1. Au-dessus de la gravure à gauche « T. V », à droite « P. 285. »
Informations techniques
Notice #005798