Une mourante surprend son mari avec une servante (Heptam. N71, Amsterdam, 1698)
Notice précédente Notice n°72 sur 73 Notice suivante
Analyse
« La femme dâun sellier, griefvement malade, se guerit et recouvra la parole (quâelle avoit perdue lâespace de deux jours), voyant que son mary tenoit sur un lyt trop privement sa chambriere, pendant quâelle tiroit Ă la fin. »
On vient de porter Ă la catarreuse mourante une croix. Son mari se jette sur un lit et se lamente.
« AprĂšs quâil luy eut faict tous les services quâil luy fut possible, elle demanda la croix, que on luy feit apporter. Quoy voiant, le bon homme sâalla gecter sur ung lict, tout desespĂ©rĂ©, criant et disant avecq sa langue grasse : âHelas ! mon Dieu, je perdz ma pauvre femme ! Que feray-je, moy malheureux !â et plusieurs telles complainctes. A la fin, regardant quâil nây avoit personne en la chambre que une jeune chamberiere assez belle et en bon poinct, lâappella tout bas Ă luy, en luy disant : âMâamye, je me meurs, je suis pis que trespassĂ© de veoir ainsy morir ta maistresse ! Je ne sçay que faire, ne que dire, sinon que je me recommande Ă toy ; et te prie prendre le soing de ma maison et des mes enfans. Tiens les clefz, que jâay Ă mon costĂ©. Donne ordre au mesnaige, car je nây sçaurois plus entendre.â La pauvre fille, qui en eut pitiĂ©, le reconforta, le priant ne se vouloir desesperer, et que, si elle perdoit sa maistresse, elle ne perdist son bon maistre. Il luy respondist : âMâamye, il nâest possible, car je me meurs. Regarde comme jâay le visaige froid, approche tes joues des myennes, pour les me rechaulfer.â Et, en ce faisant, il luy mist la main au tetin, dont elle cuyda faire quelque difficultĂ©, mais la pria nâavoir poinct de craincte, car il fauldroit bien quâilz se veissent de plus prĂšs. Et, sur ces mots, la print entre ses bras, et la gecta sur le lict. Sa femme, qui nâavoit compaignye que de la croix et lâeau benoiste, et nâavoit parlĂ© depuis deux jours, commencea, avecq sa faible voix, de crier le plus hault quâelle peut : âHa ! ha ! ha ! je ne suis pas encore morte !â Et, en les menassant de la main, disoit : âMeschant, villain, je ne suis pas morte !â Le mary et la chamberiere, oyans sa voix, se leverent ; mais elle estoit si despite contre eulx, que la collere consuma lâhumiditĂ© du caterre qui la gardoit de parler, en sorte quâelle leur dist toutes les injures dont elle se povoit adviser. »
Lâeau bĂ©nite est posĂ©e sur un tabouret au premier plan, mais le mari et la servante ne sont pas sur un lit comme dans le texte.
2. 8e journée, 71e nouvelle.
3. MĂȘme anecdote chez NoĂ«l du Fail, Contes et discours dâEutrapel, chap. v, « De la goutte ».
Informations techniques
Notice #007700