Orgie dans les ruines de la maison de Cicéron (Juliette, V, fig. 46)
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Analyse
Juliette, qui est en Italie, visite Pouzzoles, la ville de Cicéron, avec ses deux amies Clairwil et Olympe. En marchant dans les environs avec leur guide Raphaël, elles tombent sur un temple de Vénus en ruines, « dans un tel état de délabrement, qu'il est difficile de juger du passé par le présent : des souterrains, des corridors sombres et mystérieux s'aperçoivent pourtant encore, et prouvent que ce local servait à des cérémonies fort secrètes » (Sade, Œuvres III, Pléiade, p. 1046). Elles ont alors l'idée, pour célébrer la déesse à la manière d’un culte libertin, d'y organiser une orgie. Elles demandant à leur guide de faire venir plusieurs pêcheurs du coin. Neuf nouveaux personnages arrivent et la scène que représente la gravure se met en place.
Chaque libertine est entourée de trois pêcheurs : elles sont prises par devant par l'un d'eux, par derrière par un autre, et elles en polluent un dernier.
Le décor (la fabrique) représente le temple en ruine, avec une arche et des colonnes encore debout : la structure primitive du temple est assez difficile à reconstituer. Sur la droite, on distingue une maisonnette ou un abri moderne en planche. Au sol, les personnages s'allongent sur le sol pour exécuter leurs positions, apparemment dans le plus grand désordre. Le texte insiste sur la basse condition des pêcheurs, portant des bonnets phrygiens et habillés rustiquement, ce qui n'est pas sans échauffer les libertines. Les ruines sont courantes dans les romans de l'époque. Elles renvoient également à la vogue des tableaux de Ruines depuis le milieu des années 1760, dont le chef de file était Hubert Robert : cette gravure parodie en quelque sorte une Ruine dans le genre de Robert. Chez Robert, les temples ruinés sont également habités, colonisés par des gens simples, des lavandières qui font leur lessive ou étendent leur linge, des promeneurs, des artisans, et les modestes constructions populaires s'intègrent dans les vastes décors ruinés. Ce que Diderot a appelé la poétique des ruines invite le spectateur à méditer sur la déchéance inéluctable des plus grands empires, et peut être articulé au matérialisme convaincu des libertins.
1. Au-dessus de la gravure à gauche « T. IX. », à droite « P. 295. »
Informations techniques
Notice #008174