St-Fond chez Juliette : les niches aux têtes coupées (Juliette, II, fig. 17)

Cette gravure fait suite à la précédente. Le ministre Saint-Fond a fait trancher au rasoir les têtes de la malheureuse famille qu’il voulait supplicier. Il est ensuite passé dans une autre salle où Juliette a fait réunir « sept femmes » et « deux valets » (Sade, Œuvres III, Pléiade, p. 474).

La salle entière était tendue de noir ; des ossements, des têtes de cadavres, des larmes d'argent, des faisceaux de verges, des poignards et des martinets, ornaient cette lugubre tapisserie […]. Dans le fond de chaque niche, se voyait l'une des têtes qui venaient d'être coupées, et près des niches, à droite, était un cercueil ouvert […]. Une lampe lugubre pendait au milieu de la salle, dont les voûtes étaient également revêtues d'attributs funèbres ; différents instruments de supplices étaient distribués çà et là. (p. 476)

De surcroît, Juliette a « fait scier les trois troncs des victimes » (ibid.), ne conservant « que la partie des fesses, prise depuis la chute des reins jusqu'au bas des cuisses » (ibid.). Tous ces éléments figurent dans la gravure riche en détails. L’atmosphère est macabre et annonce le sort des victimes. L'opulence visible nous rappelle les hautes fonctions de Saint-Fond et la prospérité dans laquelle vivent les libertins.

Les personnages en vie se répartissent en plusieurs tableaux : deux « fouteurs » (p. 477) prennent deux « tribades » (ibid.) sur la droite et sur la gauche ; et Delcour, au milieu, fouette une troisième femme. Saint-Fond est au premier plan : Juliette lui pollue le sexe et l’assistante de Juliette, Palmire, lui touche les fesses. Il s'apprête à déflorer deux filles, en commençant par celle devant lui, ce qui peut justifier le fait qu'elle s'accoude au cercueil, sentant sa fin prochaine. Cette répartition en plusieurs tableaux peut rappeler les polyptyques sacrés, et rendre la gravure blasphématoire, d’autant plus que les trois niches, disposées en panoptique, divisent clairement la gravure en trois sections.