Avantures de la Sultane Alischak (Gueullette, Contes chinois, 1728)
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Analyse
Face Ă la gravure, on peut lire le dĂ©but de lâhistoire suivante :
« Avantures De la Sultane Alischak.
Ma mere nommĂ©e Dogandar Ă©toit fille unique dâun riche Jouailler de Ceylan, (a) homme trĂšs-severe. Elle avoit pour voisin un jeune Indien appellĂ© Ganem, qui lâayant vĂ» plusieurs fois Ă la fenĂȘtre en devint passionnement amoureux. Comme Ganem Ă©toit trĂšs-bien fait, |il ne fut pas long-tems sans ĂȘtre aimĂ©, & ma mere sçachant que son amant nâĂ©toit pas assez riche pour que son pere voulĂ»t consentir Ă la lui donner pour Ă©pouse, resolut de fuĂŻr avec lui, & de se retirer dans quelque Isle de lâOcean Indien ; aprĂšs avoir pris de justes mesures pour lâexecution de ce projet, elle enleva tout ce quâelle put dâor & de pierreries, & sâĂ©tant embarquĂ©e avec son amant sur un Vaisseau qui partait pour Timor ; (a) ils furent jettez par une violente tempĂȘte sur la cĂŽtĂ© de Sumatra. (b) Ma mere qui Ă©toit grosse de moi pensa mille fois mourir dans lâagitation du Vaisseau ; elle nâeĂ»t pas plĂ»tĂŽt mis pied Ă terre, que ne voulant plus risquer sa vie sur Mer, elle proposa Ă Ganem de rester | dans cette IsleâŠÂ »
La scĂšne qui est reprĂ©sentĂ©e ici se dĂ©roule deux pages plus loin. Les deux jeunes gens se font passer pour des comĂ©diens. Dogandar accouche de la narratrice (la sultane Alischak), ils vivent Ă Achem pendant sept ans et Ă©puisent progressivement leur petite fortune. Leur logeuse leur annonce alors lâarrivĂ©e de comĂ©diens, qui pourraient bien ĂȘtre de la mĂȘme troupe ! Dogandar rit, puis lui demande de leur rĂ©server des places au spectacle, mais surtout de ne pas rĂ©vĂ©ler leur prĂ©sence ici.
Le spectacle se rĂ©vĂšle de bonne qualitĂ© : Dogandar propose Ă Ganem de sâengager dans la troupe. Ils se font comĂ©diens avec un certain succĂšs, et une grande rĂ©putation, car Dogandar reste fidĂšle et vertueuse. Alischak grandit et devient elle-mĂȘme comĂ©dienne.
Mais un accident survient, câest le le dĂ©but de la « QuatorziĂšme soirĂ©e ». Ganem joue dans LâInnocence opprimĂ©e un amant victime des persĂ©cutions du favori du roi des Indes, qui aime sa femme. Lâhomme est acculĂ© Ă la mort par le mĂ©chant favori.
Dogandar joue lâĂ©pouse, et lâacteur qui joue le favori tombe rĂ©ellement amoureux dâelle. Il mĂ©dite de se dĂ©barrasser de Ganem pour pouvoir possĂ©der Dogandar, aiguise la pointe Ă©moussĂ©e du poignard de thĂ©Ăątre de Ganem, qui se tue rĂ©ellement en jouant son suicide sur scĂšne. Mais il a le temps de blesser son assassin, il expire en donnant le poignard Ă Dogandar, qui se jette sur le fourbe et le tue.
La gravure reprĂ©sente ce double meurtre sur scĂšne. A droite, Ganem suicidĂ© malgrĂ© lui expire entre les bras de la narratrice, Alischak sa fille. A gauche, Dogandar le venge en Ă©gorgeant lâacteur du favori du roi des Indes. Voir p. 224 : « la fureur sâempara en ce moment des sens de Dogandar, elle porfita de la chute & de la blessure de lâassassin de son Ă©poux, & se jettant sur lui elle le perça en un moment de mille coups, & vengea sur le champ la mort de mon pere qui venoit dâexpirer entre mes bras.
Jamais la Scene nâavoit Ă©tĂ© si serieusement ensanglantĂ©e, elle alloit pourtant lâestre encore davantage, si me saisissant du fer dont mamere tournoit la pointe vers son cĆurs, je ne le lui eusse promtement arrachĂ©. Elle se jeta alors sur le corps de mon pere en poussnat des gemissemens qui auroient attendri le splus barbares, & il nây eut aucun des assistans qui ne versa des larmes Ă un Spectacle aussi touchant. »
1. Au-dessus de la gravure à gauche « Tom. Ier. », à droite « pag. 234. ».
La gravure nâest pas signĂ©e.
2. XIII. soirée.
Informations techniques
Notice #008679