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Recherche infructueuse

L’hirondelle et les petits oiseaux (F. de La Fontaine, Barbin, 1668) - Chauveau

Date :
1668
Nature de l'image :
Gravure sur cuivre
Sujet de l'image :
Rés. Lebaudy in-4 32
Œuvre signée

Analyse

        Une Hirondelle en ses voyages
Avait beaucoup appris. Quiconque a beaucoup vu
        Peut avoir beaucoup retenu.
Celle-ci prévoyait jusqu'aux moindres orages,
        Et devant qu'ils fussent Ă©clos,
        Les annonçait aux Matelots.
Il arriva qu'au temps que la chanvre se sème,
Elle vit un Manant en couvrir maints sillons.
Ceci ne me plaît pas, dit-elle aux Oisillons.
Je vous plains : car pour moi, dans ce péril extrême,
Je saurai m'éloigner, ou vivre en quelque coin.
Voyez-vous cette main qui par les airs chemine  ?
        Un jour viendra, qui n'est pas loin,
Que ce qu'elle répand sera votre ruine.
De là naîtront engins à vous envelopper,
        Et lacets pour vous attraper ;
        Enfin mainte et mainte machine
        Qui causera dans la saison
        Votre mort ou votre prison ;
        Gare la cage ou le chaudron.
        C'est pourquoi, leur dit l'Hirondelle,
        Mangez ce grain et croyez-moi.
        Les Oiseaux se moquèrent d'elle,
        Ils trouvaient aux champs trop de quoi.
        Quand la chènevière fut verte,
L'Hirondelle leur dit : Arrachez brin Ă  brin
        Ce qu'a produit ce mauvais grain,
        Ou soyez sĂ»rs de votre perte.
Prophète de malheur, babillarde, dit-on,
        Le bel emploi que tu nous donnes!
        Il nous faudrait mille personnes
        Pour Ă©plucher tout ce canton.
        La chanvre Ă©tant tout Ă  fait crue,
L'Hirondelle ajouta : Ceci ne va pas bien ;
        Mauvaise graine est tĂ´t venue ;
Mais puisque jusqu'ici l'on ne m'a crue en rien,
        Dès que vous verrez que la terre
        Sera couverte, et qu'Ă  leurs blĂ©s
        Les gens n'Ă©tant plus occupĂ©s
        Feront aux Oisillons la guerre;
        Quand reginglettes et rĂ©seaux
        Attraperont petits Oiseaux,
        Ne volez plus de place en place ;
Demeurez au logis, ou changez de climat :
Imitez le Canard, la Grue et la Bécasse.
        Mais vous n'ĂŞtes pas en Ă©tat
De passer comme nous les déserts et les ondes,
        Ni d'aller chercher d'autres mondes.
C'est pourquoi vous n'avez qu'un parti qui soit sûr :
C'est de vous enfermer aux trous de quelque mur.
        Les Oisillons, las de l'entendre,
Se mirent à jaser aussi confusément
Que faisaient les Troyens quand la pauvre Cassandre
        Ouvrait la bouche seulement.
        Il en prit aux uns comme aux autres :
Maint Oisillon se vit esclave retenu.
Nous n'écoutons d'instincts que ceux qui sont les nôtres,
Et ne croyons le mal que quand il est venu.

Annotations :

1. SignĂ© « F. C. Â» sur le cĂ´tĂ© Ă  droite.

2. Livre I, Fable 8.

Sources textuelles :
La Fontaine, Fables (1668-1692)

Informations techniques

Notice #008836

Image HD

Identifiant historique :
A8155
Traitement de l'image :
Photo numérique
Localisation de la reproduction :
Collection particulière (Cachan)