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Recherche infructueuse

La mode de la perruque (Niels Klims underjordiske reise, 10, 1789)

Date :
1789
Nature de l'image :
Gravure sur cuivre
Sujet de l'image :
Lieu de conservation :
NB/BRU, Holb. 35:103
Œuvre signée

Analyse

Chapitre X. Voyage au Firmament.

Niels Klim propose enfin son projet de loi : l’interdiction de l’accès aux charges et responsabilités politiques pour les femmes. Le projet est rejeté, Niels évite de justesse la peine de mort et est envoyé en exil au firmament. La capitale du pays où les oiseaux-de-poste le déposent se nomme Martinie, ses habitants sont des singes. L’hôte de Niels y conduit celui-ci au Sénat, espérant en retirer une récompense.

« Quand nous fĂ»mes proches de l’hĂ´tel de M. le syndic, mon hĂ´te s’arrĂŞta pour s’atifer, ne jugeant pas Ă  propos de paroĂ®tre devant son supĂ©rieur sans ĂŞtre un peu parĂ©. LĂ -dessus je vis accourir par troupes certians domestiques appellĂ©s vulgairement malkattes ou atifeurs, dont on se sert avant que d’netrer chez les sĂ©nateurs. Ces gens-lĂ  se tiennent aux environs des palais des magistrats ; & dès qu’ils voyent quelqu’un qui veut entrer, ils volent Ă  lui, vergettent ses habits, en Ă´tent les taches, & redressent jusqu’aux moindres plis qu’il peut y avoir. L’un d’eux s’empara d’abord de l’épĂ©e du consul, la frotta & la rendit luisante ; l’autre lui attacha des rubans de diverses couleurs Ă  la queue : car ces singes n’ont rien de plus Ă  cĹ“ur que la parure de leurs queues. J’ai vu des sĂ©nateurs, & sur-tout des femmes de sĂ©nateurs, qui, Ă  certains jours de fĂŞtes, paroient leurs queues, & y mettoient des ornemens pour plus de ille Ă©cus de notre monnoie. Mais, pour revenir au consu, un troisième atifeyr vint avec un instrumen gĂ©omĂ©trique, pour examiner les dimensions de l’habit, & pour voir s’il Ă©toit fait selon les règles de proportion & de symmĂ©trie. UN quatrième vint avec une bouteille de fard dont il lui barbouilla le visage. Un cinquième examinoit ses pieds, dont il rognoit les ongles avec une dextĂ©ritĂ© admirable. Un sixième apporta de l’eau de senteur dont il lui donna Ă  laver; Enfin, pour couper court, ’lun prit un linge pour le sĂ©cher, l’autre un peigne pour le peigner, & unmiroir pour le faire mirer : le tout se fit avec autant de soin & d’exactitude que nos gĂ©omètres ont coutume d’en appirter en mesurant & en enluminant leurs cartes gĂ©ographiqyes. Quels attirails, me disois-je alors tout bas, ne faudra-t-il pas aux dames pour se parer, s’il en faut tant aux hommes ! Â»

Niels est à nouveau mortifié par la décision des sénateurs, qui à l’opposé des Potuans le trouvent trop lent et le qualifient de nigaud : il est nommé porteur de chaise au service du syndic et de son épouse. Comment faire pour se distinguer dans un pays aussi frivole ? Niels imagine d’introduire dans ce pays l’usage de la perruque.

« J’appellai donc Ă  mon secours les inventions les plus extravagantes de nos EuropĂ©ens ; &, les ayant passĂ©es en revue dans mon imagination, je m’arrĂŞtai aux ornemens de tĂŞte vulgairement nommĂ© perruques, & je rĂ©solus d’en introduire l’usage chez les Martiniens. Une chose pouvoit beaucoup faciliter mon dessein : c’étoit la quantitĂ© de chèvres que le pays nourrissoit, & dont les poils Ă©toient tout-Ă -fait propres Ă  ĂŞtre tressĂ©s & frisĂ©s ; d’ailleurs je n’étois point ignorant dans cette orfession, mon bienheureux titeur l’ayant exercĂ©e, j’avoir eu l’occasion d’en apprendre quelque chose. J’achètai donc de spoils de chèvre, & j’en fis une perruque que je me mis sur la tĂŞte. Dans cet Ă©quipage, je me prĂ©sentai Ă  monseigneur le syndic, qui fut Ă©tonnĂ© Ă  la vue de ce phĂ©nomène. Â»

Holberg narrativise donc le portrait. Mais l’illustrateur se dĂ©tourne de la scène que lui offre le texte : la rencontre de Niels en perruque et du singe, oĂą c’est Niels qui semble attiffĂ© bizarrement. Cette Ă©trangetĂ© renversĂ©e Ă©tait-elle impossible Ă  reprĂ©senter visuellement ? Ou bien Abildgaard est-il tributaire de la cĂ©lĂ©britĂ© des premières illustrations de l’édition de 1741, encore dans le style moral de la galerie de portraits ? La gravure fait fi de la narration et reproduit en l’inversant celle de 1741, avec la mĂŞme disposition des bras et des cheveux, et, Ă  l’arrière-plan, les palmiers et les buissons, seule manque la rivière.

Le sĂ©nat des Martiniens dĂ©cide de faire de la perruque le signe distinctif de la noblesse. Mais le succès en est tel qu’il faut bientĂ´t lever cette restriction : « Ce fut bientĂ´t un spectacle bien plaisant, de voir tout un peuple de singes enterrĂ© dans de vastes perruques. Â»

Annotations :

1. Au-dessus de l’image Ă  droite « Cap. X. Â»
SignĂ© au-dessous de l’image Ă  gauche « Abildgaard pinx. Â», Ă  droite « Clemens Sculps. Â»

Informations techniques

Notice #012800

Image HD

Identifiant historique :
B2119
Traitement de l'image :
Image web