Roger tue Eriphile & est accueilli par Alcine (Roland furieux, Valgrisi, 1560 ch7)
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Analyse
L’enjeu narratif essentiel de ce chant VII, c’est qu’Ériphile garde le pont : Roger doit la vaincre pour franchir ce pont (au milieu Ă droite) et parvenir au palais d’Alcine (en haut au centre).   Â
Au premier plan, Roger Ă gauche (RVG.) frappe Eriphile Ă droite (ERI.), montĂ©e sur un loup, et atteint son Ĺ“il de sa lance (« sotto l’elmo », VII,6). Au dessus de Roger, les deux demoiselles qui lui ont demandĂ© d’engager ce combat assistent au combat montĂ©es sur des licornes. Au centre de la gravure, un valet tient par la bride l’hippogriphe.   Â
Au dessus du pont, au centre, Roger et les deux dames Ă la licorne font route vers le palais d’Alcine. A droite, MĂ©lisse (MEL.) vient Ă la rencontre de Bradamante Ă cheval (BRA.) pour lui rĂ©vĂ©ler ce que devient Roger. Dans le texte, cette rencontre se dĂ©roule Ă l’autre bout de la terre...   Â
En haut au centre, Alcine accueille les trois arrivants au seuil de son palais (VII,9). Au fond du palais, ils sont assis Ă la table d’un banquet. Ă€ droite, la magicienne MĂ©lisse envoyĂ©e par Bradamante, sous les traits du magicien Atlant qui l’a Ă©levĂ©, adresse ses remontrances Ă Roger, qui prend le frais près d’une rivière dans une tenue effĂ©minĂ©e.   Â
En haut Ă gauche, Roger, qui a rĂ©cupĂ©rĂ© ses armes, s’échappe du palais en repoussant les serviteurs d’Alcine.      Â
La composition d’ensemble de la gravure est tripartite :   Â
En bas, le face Ă face de Roger et d’Ériphile, avec les deux lances croisĂ©es, reprend le motif mĂ©diĂ©val du combat chevaleresque, très courant dans l’enluminure. Les lances ne se croisent pas au centre de la gravure, mais sur la droite : le cheval de Roger est plus avancĂ© que le loup d’Eriphile, dont la tĂŞte disparaĂ®t par ailleurs par derrière. L’avantage de Roger est ainsi signifiĂ©.   Â
Au centre, Roger et les deux demoiselles chevauchent de droite à gauche, du bien vers le mal, de Mélisse et Bradamante vers la forêt qui les mènera chez Alcine. Évidemment, dans le récit, Bradamante et Mélisse se trouvent alors ailleurs. L’organisation de l’espace est ici symbolique, au mépris de la vraisemblance narrative.
En haut, le palais d’Alcine, flanquĂ© des remontrances de MĂ©lisse Ă Roger Ă droite et de la sortie de Roger en armes Ă gauche, suggère paradoxalement la refondation des valeurs, le retour de Roger Ă la chevalerie. Le retour de Roger Ă la chevalerie est figurĂ© par le trajet narratif de la droite (Roger encore vĂŞtu en femme Ă©coute les remontrances de MĂ©lisse) vers la gauche (Roger Ă nouveau vĂŞtu en chevalier entreprend de sortir en armes du palais). Mais cette refondation est paradoxale : la sortie en armes, figurĂ©e tout en haut Ă gauche, constituera le premier plan de la gravure suivante, illustrant le chant VIII. LĂ , ce face Ă face du cavalier et des piĂ©tons dans ce qui ressemble Ă une lice mais n’est qu’une arrière-cour constituera le modèle de la contre-performance...      Â
Comment comprendre la signification de ces licornes, qui s’opposent au crapaud qu’Eriphile porte sur son heaume et sur son bouclier ? Les licornes sont en principe un symbole de chasteté. On les trouve par exemple dans les représentations allégoriques du Triomphe de la chasteté (cassone du musée du Castelvecchio de Vérone). Or c’est ici vers le palais d’Alcine, c’est-à -dire le contraire même de la chasteté, que les deux demoiselles conduisent Roger. Quant au crapaud, il figurerait plutôt luxure et jactance, la déchéance des valeurs courtoises et chevaleresques. Le système allégorique semble ici perturbé, inversé...
1. Gravure en verso sur page de gauche. Numéro de page en haut à gauche, 60. En-tête centré, CANTO [SETTIMO, p. 61].
3. L’édition Franceschi reprend d’assez près cette gravure, en inversant la composition. Mais le palais d’Alcine est représenté en haut non plus de face, mais en biais, en perspective. Il donne sur une terrasse dallée, et non sur un chemin de terre : le dallage accentue l’effet de perspective. L’écuyer au centre qui tient l’hippogriphe pendant que Roger tue Eriphile assure près du pont la transition avec la séquence du haut, comme l’écuyer de la gravure du chant V.
Informations techniques
Notice #001310