Fustigation et excréments (Nlle Justine, 1799, ch12, fig24)
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Analyse
Au couvent de Sainte-Marie-Des-Bois, deux filles du sérail, Octavie et Mariette, sont réformées. Cette « réforme » (p. 800) consiste ni plus ni moins dans le meurtre des individus dont les moines sont las et veulent se séparer, au cours d'une orgie qui atteint des sommets de cruauté.
La gravure représente l'ultime orgie du couvent, à laquelle Justine, qui s'est liée d'amitié avec Octavie, doit participer. L'ivresse littérale des moines se traduit par le désordre de cette scène où ils fouettent « tous les jeunes garçons sur les fesses, et toutes les filles sur les tétons, en les entrelaçant avec exactitude » (p. 812). Antonin, un des six moines, a alors une idée destinée à ajouter du piquant à la scène : « il faudra que les ganymèdes soient obligés de chier pendant qu'on les fouettera ; et les filles contraintes à pisser pendant la même opération » (p. 813). Les six moines, nus et en érection, sont donc présents sur la gravure, levant chacun des verges pour fouetter la personne qu'il tient. Les victimes sont de dos, quand il s'agit de garçons, pour montrer leur défécation ; et de face, quand il s'agit de femmes, pour montrer leur miction. Des habits et des instruments sont à terre, en bas à gauche.
La scène, malgré l'apparent désordre des idées lubriques, s'ordonne selon la stricte disposition que commande l'action des bourreaux sur leurs victimes : trois moines sont debout sur des fauteuils et forment la rangée du dessus, quand la rangée du dessous alterne, en ligne, un moine qui fouette un garçon avec une fille fouettée par un moine de la rangée du dessus. Les moines du dessus, depuis leur position dominante, distribuent la pyramide de jouissance en un triptyque. On peut en effet distinguer trois groupes, composés d'un moine du dessus qui fouette une fille et d'un moine du dessous qui fouette un garçon. Cette répartition ternaire permet d'assurer un contrôle sur les victimes et d'assurer à l'œil du libertin et du spectateur la jouissance de la vue. L'alternance des victimes garçons avec les victimes filles implique aussi que chaque victime est de dos avec ses compagnons d'infortunes de droite et de gauche, ce qui empêche toute communication. Cette disposition s'inspire des triptyques des retables de martyres, conférant à la gravure un premier caractère blasphématoire. Les moines se trouvent dès lors identifiés à des bourreaux anti-chrétiens, tandis que les martyrs sont figurés comme des victimes déféquant et urinant, loin du corps glorieux que la religion leur attribue en principe. Les trois groupes sont chacun appuyés sur un fauteuil. Ces fauteuils, que l'on devine confortables et luxueux, contrastent avec l'absidiole que l'on voit au fond, qui permet de comprendre que le lieu était originellement une petite chapelle. Cela confère à la gravure un second caractère blasphématoire.
La gravure convoque ainsi le dispositif du retable (désuet en cette fin du 18e siècle) et son aura sacrée pour mieux exercer sa puissance profanatrice.
1. Au-dessus de la gravure à gauche « T. III. », à droite « P. 131. »
Informations techniques
Notice #001658