D’Esterval massacre une famille (Nlle Justine, 1799, ch13, fig25)
Notice précédente Notice n°26 sur 41 Notice suivante
Analyse
Sortie du couvent de Sainte-Marie-des-Bois, Justine tombe dans les mains d’un couple de faux aubergistes lubriques, les d’Esterval. Leur plaisir est de jouir des passants voulant se reposer dans leur auberge, tout en les voyant se débattre d'une mort qui leur est promise. Ils proposent à Justine un rôle parfait pour elle : elle doit faire tout son possible pour sauver les passants de cette mort inévitable, ce qu'elle ne parvient jamais à faire, ne connaissant pas tous les pièges de l'auberge que le couple garde secrets. Une famille pauvre, composée d'un couple et de leur fille, se présente alors pour demander un hébergement de pure charité. D'Esterval accepte hypocritement. Justine fait alors tout son possible pour les prévenir de la situation, et leur demande même de se mettre sur leurs lits pour éviter qu'une trappe, dont elle ne connaît pas l'emplacement et qui a perdu d'autres passants, ne les perde. Peine perdue, c'est la chambre entière qui passe par la trappe et se retrouve dans un caveau situé en-dessous.
La scène commence alors, entre la famille infortunée, Justine, et le couple d'Esterval. Justine doit exciter le père, qui malgré lui a une érection, avec un « vit monstrueux », et pénètre la femme de d'Esterval, Dorothée, sur un canapé. D'Esterval entreprend la fille du couple sur les reins du père pendant que Justine « a ordre de branler la mère » (p. 840). Le moment de la scène coïncide avec la décharge de d'Esterval et le meurtre de la famille : la fille est déjà poignardée, le père reçoit le second coup, et la mère est atteinte par le pistolet que le libertin tient en se tournant vers elle et Justine. Cette décharge qui se propage de d'Esterval vers ses victimes semble contaminer Dorothée, sur le canapé complètement à droite. La tête rejetée en arrière, elle semble également jouir. La scène est traitée en clair-obscur. L'ombre de la seule source de lumière recouvre la fille, le père et Dorothée, ce qui met en avant leur mort, ou petite mort, omniprésente dans la gravure.
Justine, surprise, se retourne horrifiée en levant un bras au ciel pendant que son autre bras continue de manier le sexe de la mère. Les regards de Justine et de d'Esterval se rencontrent. La gravure est gouvernée par ce double retournement. Pour d'Esterval, il s'agit principalement de jouir du regard de Justine, qui pensait pouvoir sauver la famille. Le libertin est représenté de dos, il attire l'attention du spectateur sur Justine, qu'il regarde.
Le visage de Justine (comme en général les visages dans l'ensemble de la série) est presque inexpressif, un peu surpris, tandis que son bras gauche exprime véritablement toute son horreur et sa détresse. C'est en réalité plus d'elle que de la pauvre famille que les libertins voulaient se jouer et jouir.
1. Au-dessus de la gravure à gauche « T. III. », à droite « P. 186. »
Informations techniques
Notice #001659