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Recherche infructueuse

Eulalie décapitée par l’évêque de Grenoble (Nlle Justine, 1799, ch19, fig37)

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Date :
Entre 1797 et 1799
Nature de l'image :
Gravure sur cuivre
Sujet de l'image :
Enfer 2507 (4)

Analyse

A Grenoble, Justine est enlevée par la Dubois et conduite chez l’évêque. L'un et l'autre sont des libertins. On l’introduit dans un cabinet « de forme pentagone » (p. 1056). Ce cabinet n'a pas d'ouverture sur l'extérieur : la lumière qui l'éclaire vient de la verrière du toit. Cinq glaces ornent ses murs, parmi lesquelles se cache une porte : Justine ne peut donc pas savoir où est la sortie, ce qui assure son confinement. Au centre du cabinet, au milieu d’un « bassin » destiné à recevoir le sang des victimes, un échafaud surélevé est dressé face à un mannequin à tête de mort qui tient un sabre : si l’on tire sur le cordon qui est relié au mannequin, la personne qui se trouve sur l’échafaud est décapitée. La façon dont on tire sur la corde assure une décapitation plus ou moins rapide, et donc plus ou moins douloureuse. Sous l'Ancien Régime, la décapitation est le châtiment réservé aux nobles (par différence par exemple avec la pendaison). Parce qu'il s'agit du supplice le plus solennel, la parodie libertine qui en est proposée ici est d'autant plus éclatante.

La composition se déploie du bas à gauche vers le haut à droite. Au premier plan à gauche, un abbé acolyte de l’évêque, encore en soutane, prend Justine sur un canapé. Ils tournent le dos à la scène principale. Au centre de la gravure, l’évêque, qui porte une croix autour du cou, jouit d’Eulalie, une jeune fille qu’il a aussi fait enlever, pendant que la Dubois, seins nus, le fustige. Il s’apprête à décapiter Eulalie : sa main droite tient déjà le cordon relié au sabre du mannequin. Enfin, la tête de mort du mannequin signifie l'issue fatale du scénario. A ces trois groupes (Justine et l'abbé, l'évêque entre la Dubois et Eulalie, le mannequin) correspondent les trois panneaux cintrés visibles du fond du cabinet, dans lesquels ils viennent plus ou moins s'inscrire.

Les 3 panneaux, où entrent les 3 groupes, fournissent la structure de base d'un triptyque, que l'artiste a fait pivoter d'un quart de tour. L'effet de pivotement est accentué par les rideaux de la verrière tout en haut, ramenés en trois ensembles eux-mêmes décalés par rapport aux cintres. La composition semble ainsi sortir d'un triptyque, qu'elle vient parodier. On peut penser aux triptyques centrés sur la représentation du martyre d'un saint (comme celui d'Erasme par Thierry Bouts, celui d'Hippolyte par Dieric Bouts), ou sur la crucifixion, l'érection ou la descente de croix (Cornelis Engelbrechtsz, Rubens à Anvers). Le principe est que le panneau central, représentant le supplice, est encadré par les panneaux latéraux, représentant des saints (Bouts), des spectateurs (Rubens) ou des épisodes adjacents (Engelbrechtsz). Ces épisodes constituent une narration que les fidèles, défilant devant l'autel où le triptyque est installé, peuvent lire dans son enchaînement. Chez Engelbrechtsz par exemple, la Crucifixion est suivie de la Transfiguration et de l'Ascension du Christ.

La gravure prend ostensiblement ici le contrepied de cette structure narrative apologétique : sodomie, décapitation et spectre de la mort sont les étapes de la procédure qu'elle décrit. Ces étapes s'ordonnent dans un cône visuel dont le sommet est la Mort : le point originaire d'où part la vision est un point de néantisation.

Annotations :

1. Au-dessus de la gravure à gauche « T. IV. », à droite « P. 274. »

Sources textuelles :
Sade, Donatien Alphonse François, marquis de (1740-1814)

Informations techniques

Notice #001675

Image HD

Identifiant historique :
A0994
Traitement de l'image :
Image web
Localisation de la reproduction :
Bibliothèque numérique Gallica, Bibliothèque nationale de France (https://gallica.bnf.fr)