L’ermite de l’Apennin (Juliette, III, fig. 29)

Juliette voyage en Italie avec ses gens, à savoir son homme à tout faire Sbrigani, ainsi qu’Augustine et Zéphir. Ensemble, ils découvrent l'Apennin, chaîne de montagne souvent présente dans les romans de l’époque. Après avoir dîné à Pietra-Mala, un terrain inflammable, ils projettent d'aller voir un volcan qui se trouve non loin de là. Après avoir enflammé la plaine, dans le but de provoquer une irruption, le groupe se livre au plaisir.

C'est ce moment que la gravure représente : les personnages sont habillés car la scène est impromptue. En bas à droite le sol est parcouru de flammèches et le volcan fume en haut à droite à l'arrière-plan. Chaque femme est prise par un des deux hommes, avant que ceux-ci n'alternent. Les deux femmes se polluent en même temps.

La scène sera bientôt interrompue par l'ermite de l'Apennin, un homme qui terrorise les environs. Il s'agit du géant Minski, un libertin qui enlève ceux qui s'approchent de son territoire. Voyant la scène, il surgit et les invite chez lui d'une « voix terrible », les pensant à juste titre « digne de [sa] société » (Sade, Œuvres III, Pléiade, p. 699).

L'illustrateur saisit le moment qui précède l'interruption de Minski. Il est visible à gauche, voyant la scène sans être vu, et se masturbant pendant qu'il regarde. L'arbre sépare le géant de l'espace scénique, et un buisson est censé le dissimuler : malicieusement, l'illustrateur dessine un buisson trop petit, qui dissimile ses jambes, mais laisse voir son sexe.

Selon un dispositif d'effraction scénique classique, l'image se divise donc entre un espace restreint à droite, où le groupe libertin prend son plaisir, et un espace vague autour, depuis lequel surgit le voyeur Minski, l'arbre faisant office d'écran de la représentation. Le principe d'ignition scénique est ici mis en œuvre à la lettre : aux pieds des libertins, au-dessus de leurs têtes, le sol brûle.