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Stéphane Lojkine, « Diderot, les premiers années », Diderot, une pensée par l’image, cours donné à l’université de Toulouse-Le Mirail, 2006-2007.

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Diderot naît à Langres le 5 octobre 1713. La ville, rappellera-t-il à l’article LANGRES de l’Encyclopédie, se situe à quatorze lieues de Dijon, quarante de Reims, soixante-trois de Paris. La famille de sa mère compte plusieurs curés, un chanoine. Sa mère, fille d’un tanneur, et son père, coutelier, sont très pieux.

Denis fut l’aîné de sept enfants. La sœur qui le suivit, Denise, resta fille, défigurée par un cancer de la peau qui lui détruisit le nez. Diderot l’aimait beaucoup. Une autre sœur de Diderot, Angélique, entra chez les Ursulines, contre l’avis de ses parents, et y mourut folle à 28 ans. Quant au benjamin de la famille, Didier, il devint chanoine de la cathédrale de Diderot et ne s’entendit jamais avec son frère dont il ne tolérait pas les opinions religieuses.

En 1726, Denis reçoit de l’évêque la tonsure, la famille espérant qu’il obtiendra ainsi de succéder à son oncle Didier Vigneron comme chanoine de la cathédrale. Mais l’oncle mourut prématurément et le projet familial échoua. A cette époque, le jeune Diderot connaît la ferveur religieuse. En 1728 ou 1729, dans des circonstances mal connues, il quitte Langres pour poursuivre ses études à Paris, probablement au collège d’Harcourt (janséniste), mais peut-être aussi au collège Louis-le-Grand (jésuite), que Voltaire avait fréquenté avant lui. En septembre 1732 il est reçu maître ès arts de l’université de Paris.

Ses premiers travaux sont de traduction de l’anglais : l’Histoire de Grèce de Temple Stanyan reçoit l’approbation du censeur, nécessaire à toute publication, en mai 1742. Mais il aurait travaillé également à l’édition d’un ouvrage de mathématiques également en 1741. En 1748 paraît son Mémoire sur différents sujets de mathématiques. Durant ces années, Diderot fréquente assidûment le théâtre :

Moi-même , jeune, je balançai entre la Sorbonne et la Comédie. J’allais, en hiver, par la saison la plus rigoureuse, réciter à haute voix des rôles de Molière et de Corneille dans les allées solitaires du Luxembourg. Quel était mon projet ? d’être applaudi ? Peut-être. De vivre familièrement avec les femmes de théâtre que je trouvais infiniment aimables et que je savais très faciles ? Assurément. Je ne sais ce que j’aurais fait pour plaire à la Gaussin, qui débutait alors et qui était la beauté personnifiée ; à la Dangeville, qui avait tant d’attraits sur la scène. » (Paradoxe sur le comédien, 1769-1773, Laffont, p. 1407.)

Tandis qu’il mène la vie de Bohême d’un étudiant du quartier latin, Diderot rencontre en 1741 Anne-Toinette Champion, qui faisait avec sa mère le commerce de dentelle et de linge. Il s’éprend d’elle et, en 1742, fait le voyage de Langres pour demander à son père la permission de l’épouser. Scène orageuse ; le père refuse et fait enfermer Diderot dans un monastère, d’où il s’enfuit et va se cacher à Paris. Diderot se marie en novembre 1743, ses trente ans révolus ne permettant plus à son père de le faire déshériter. Les relations entre les époux seront toujours orageuses, Mme Diderot étant réputée pour un caractère difficile, que n’améliora pas l’insouciance désespérante d’un époux qui la maintenait à l’écart de son monde, comme une concubine honteuse.

C’est à cette époque (août 1742) que Diderot se lie d’amitié avec Rousseau, qui vient d’arriver à Paris avec un nouveau système de notation musicale dont il est l’inventeur.

Diderot vit essentiellement à cette époque de ses traductions de l’anglais. Il paraphrase (plutôt qu’il ne traduit) An Inquiry concerning Virtue and Merit de Milord Shaftesbury, qu’il publie à Amsterdam en 1745 sous le titre de Principes de la philosophie morale ou Essai de M. S... sur le mérite et la vertu. Avec réflexions. Publié hors de France et sans nom explicite d’auteur, le livre dit assez son contenu subversif : la morale de Shaftesbury est fondée en nature, indépendamment de la religion et des Écritures. Pourtant le compte rendu du Journal de Trévoux, journal d’obédience jésuite, en tête du numéro de février 1746, est favorable. Après Shaftesbury, Diderot traduit, sans commentaires cette fois, le Dictionnaire Universel de Médecine de Robert James, paru à Londres entre 1743 et 1745. La version française est publiée chez Briasson de 1746 à 1748. De cette époque également datent les notes pour une traduction française de l’Essai sur l’homme de Pope.

Mais la première œuvre originale de Diderot, ce sont ses Pensées philosophiques, achetées par Durand (il deviendra avec Briasson l’un des libraires associés à la publication de l’Encyclopédie) et imprimées clandestinement par un nommé l’Épine en 1746. Le livre fut condamné par le Parlement de Paris en juillet à « être lacéré et brûlé [...] par l’exécuteur de la Haute-Justice comme scandaleux, contraire à la religion et aux bonnes mœurs. » L’ouvrage, selon l’arrêt du Parlement,

« présente aux esprits inquiets et téméraires le venin des opinions les plus criminelles et les plus absurdes dont la dépravation de la raison humaine soit capable ; et par une incertitude affectée, place toutes les religions presque au même rang, pour finir par n’en reconnaître aucune. »

La conséquence de cet arrêt fut à l’opposé de ce qu’il visait : Diderot se fit ainsi connaître et son livre connut dix éditions dans le siècle, sans parler d’une traduction allemande et de cinq ouvrages qui sous couvert de le réfuter le citaient in extenso !

Diderot, qui vit quasiment caché à Paris avec sa femme et un fils, ne s’arrête pas là cependant. Il écrit De la suffisance de la religion naturelle (1746), qui ne sera publiée qu’en 1770, et une grande allégorie, La Promenade du sceptique (1747), que la police l’empêcha de publier, soit en lui en extorquant la promesse, soit en lui confisquant son manuscrit. Le livre ne paraîtra qu’en 1830.

Commence alors l’aventure de l’Encyclopédie.

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Stéphane Lojkine, « Diderot, les premiers années », Diderot, une pensée par l’image, cours donné à l’université de Toulouse-Le Mirail, 2006-2007.

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