Gabriel de Saint-Aubin, Vue du Salon de 1767
Présentation du cours
Après la déroute de l’aventure encyclopédique et son échec au théâtre, Diderot, sur la proposition de son ami Grimm, se lance dans la rédaction de comptes-rendus des Salons, les expositions que l’Académie royale de peinture, au dix-huitième siècle, organisait tous les deux ans au Salon carré du Louvre. Présentés comme des lettres familières écrites à Grimm, les Salonsde Diderot étaient diffusés dans la Correspondance littéraire, un journal manuscrit qu’il destinait à une poignée d’abonnés princiers des cours de l’Europe du nord et de l’est.
Diderot se prend au jeu et, des quelques pages du Salon de 1759, passe à des volumes en 1765 et en 1767. Pourtant, au départ, il sait très peu de choses sur la peinture, à laquelle il ne s’est intéressé que de fort loin dans l’Encyclopédie. C’est à partir de son expérience de théoricien du théâtre qu’il aborde la scène picturale, et c’est à l’efficacité dramatique de la composition qu’il est d’abord sensible. Mais la peinture résiste à une modélisation purement théâtrale : Diderot va découvrir progressivement ce qui, dans la peinture, résiste à la scène. Autour de cette résistance se dessine la voie diderotienne vers l’esthétique : une voie contradictoirement platonicienne et matérialiste, aux antipodes de l’esthétique kantienne.
Texte au programme
Diderot, Œuvres, tome IV « Esthétique - Théâtre », Laffont, Bouquins, 1996
Support de cours
Stéphane Lojkine, L’Œil révolté. Les Salons de Diderot, J. Chambon, 2007
Programme
Diderot au Salon : vérité, poésie, magie
Du Salon du Louvre au Salon de Diderot
Définition, enjeux et problèmes de la description dans les Salons
Composer la peinture : le choix de l'instant
- L'article composition de l'Encyclopédie
- Lépicié, Guillaume le Conquérant
Théâtralité de la peinture
- La Médée de Vanloo
Dissémination de la scène : Vernet
Sujets de dissertation
Sujet n°1
« Peindre comme on parlait à Sparte » (p. 1035)
Sujet n°2
Dans La Société du spectacle, Guy Debord écrit, en 1992 :
« Le spectacle, comme organisation sociale présente de la paralysie de l’histoire et de la mémoire, de l’abandon de l’histoire qui s’érige sur la base du temps historique, est la fausse conscience du temps. » (n°158)
Pensez-vous que le rapport de Diderot à la scène picturale relève de cette fausse conscience du temps ? Vous étayerez votre réflexion sur des exemples précis empruntés aux Salons et le cas échéant au théâtre de Diderot.
Sujet n°3
Dans Le Spectateur émancipé, Jacques Rancière écrit :
« Ce que l’homme contemple dans le spectacle est l’activité qui lui a été dérobée, c’est sa propre essence, devenue étrangère, retournée contre lui, organisatrice d’un monde collectif dont la réalité est celle de cette dépossession. » (La Fabrique, 2008, p. 13)
Dans quelle mesure ces propos s’appliquent-ils à la relation que Diderot développe face à l’œuvre d’art dans les Salons ? Vous appuierez votre discussion de références précises au texte des Salons et aux œuvres que Diderot y décrit.
Sujet n°4
Expliquez et commentez ces propos de Diderot dans les Essais sur la peinture :
« Il s’agit vraiment bien de meubler sa toile de figures ! Il faut que ces figures s’y placent d’elles-mêmes, comme dans la nature. Il faut qu’elles concourent toutes à un effet commun, d’une manière forte, simple et claire ; sans quoi je dirai comme Fontenelle à la Sonate : “Figure, que me veux-tu ?” » (p. 500)
Sujet n°5
Dans La Tache aveugle, Jacqueline Lichtenstein écrit, à propos des relations entre peinture et sculpture au dix-huitième siècle :
« Voir, c’est désirer toucher. Mais le plaisir de voir demande que ce désir soit réfréné. Voir, c’est désirer s'approcher. Mais le plaisir de voir oblige à maintenir une distance. Surtout ne pas toucher. Ou toucher délicatement, toucher avec tact, c’est-à-dire du bout des yeux seulement, sans jamais entrer en contact. » (Jacqueline Lichtenstein, La tache aveugle. Essai sur les relations de la peinture et de la sculpture à l’âge moderne, Gallimard, Nrf Essais, 2003, chap. 2, p. 75)
Dans quelle mesure ces propos vous paraissent-il s’accorder avec l’expérience esthétique de Diderot dans les Salons ?
Diderot
2006 - sous la direction de Stéphane Lojkine
Diderot
Les Salons
L'institution des Salons
Peindre la scène. Diderot au Salon (année 2022)
Les Salons de Diderot, de l’ekphrasis au journal
Décrire l’image : Genèse de la critique d’art dans les Salons de Diderot
Le problème de la description dans les Salons de Diderot
La Russie de Leprince vue par Diderot
La jambe d’Hersé
De la figure à l’image
Les Essais sur la peinture
Atteinte et révolte : l'Antre de Platon
Les Salons de Diderot, ou la rhétorique détournée
Le technique contre l’idéal
Le prédicateur et le cadavre
Le commerce de la peinture dans les Salons de Diderot
Le modèle contre l'allégorie
Diderot, le goût de l’art
Peindre en philosophe
« Dans le moment qui précède l'explosion… »
Le goût de Diderot : une expérience du seuil
L'Œil révolté - La relation esthétique
S'agit-il d'une scène ? La Chaste Suzanne de Vanloo
Quand Diderot fait l'histoire d'une scène de genre
Diderot philosophe
Diderot, les premières années
Diderot, une pensée par l’image
Beauté aveugle et monstruosité sensible
La Lettre sur les sourds aux origines de la pensée
L’Encyclopédie, édition et subversion
Le décentrement matérialiste du champ des connaissances dans l’Encyclopédie
Le matérialisme biologique du Rêve de D'Alembert
Matérialisme et modélisation scientifique dans Le Rêve de D’Alembert
Incompréhensible et brutalité dans Le Rêve de D’Alembert
Discours du maître, image du bouffon, dispositif du dialogue
Du détachement à la révolte
Imagination chimique et poétique de l’après-texte
« Et l'auteur anonyme n'est pas un lâche… »
Histoire, procédure, vicissitude
Le temps comme refus de la refiguration
Sauver l'événement : Diderot, Ricœur, Derrida
Théâtre, roman, contes
La scène au salon : Le Fils naturel
Dispositif du Paradoxe
Dépréciation de la décoration : De la Poésie dramatique (1758)
Le Fils naturel, de la tragédie de l’inceste à l’imaginaire du continu
Parole, jouissance, révolte
La scène absente
Suzanne refuse de prononcer ses vœux
Gessner avec Diderot : les trois similitudes