L'antre de Platon (Fragonard, Salon de 1765)
[253]
Fragonard
176. Le Grand prêtre Corésus s’immole pour sauver Callirhoé.
Il m’est impossible, mon ami, de vous entretenir de ce tableau ; vous savez qu’il n’était plus au Salon1, lorsque la sensation générale qu’il fit2, m’y appela. C’est votre affaire d’en rendre compte ; nous en causerons ensemble ; cela sera d’autant mieux que peut-être découvrirons-nous pourquoi après un premier tribut d’éloges payé à l’artiste, après les premières exclamations, le public a semblé se refroidir. Toute composition dont le succès ne se soutient pas3 manque d’un vrai mérite. Mais pour remplir cet article Fragonard, je vais vous faire part d’une vision assez étrange dont je fus tourmenté la nuit qui suivit un jour dont j’avais passé la matinée à voir des tableaux et la soirée à lire quelques Dialogues de Platon.
L’antre de Platon.
Il me sembla que j’étais renfermé dans le lieu qu’on appelle l’antre de ce philosophe4. C’était une longue caverne obscure. J’y étais assis parmi [254] une multitude d’hommes, de femmes et d’enfants. Nous avions tous les pieds et les mains enchaînés et la tête si bien prise entre des éclisses de bois5 qu’il nous était impossible de la tourner. Mais ce qui m’étonnait, c’est que la plupart buvaient, riaient, chantaient, sans paraître gênés de leurs chaînes et que vous eussiez dit, à les voir, que c’était leur état naturel ; il me semblait même qu’on regardait de mauvais œil ceux qui faisaient quelque effort pour recouvrer la liberté de leurs pieds, de leurs mains et de leurs têtes ; qu’on les désignait par des noms odieux, qu’on s’éloignait d’eux comme s’ils eussent été infectés d’un mal contagieux, et que lorsqu’il arrivait quelque désastre dans la caverne, on ne manquait jamais de les en accuser. Équipés comme je viens de vous le dire, nous avions tous le dos tourné à l’entrée de cette demeure, et nous n’en pouvions regarder que le fond qui était tapissé d’une toile immense6.
Par derrière nous il y avait des rois, des ministres7, des prêtres, des docteurs8, des apôtres, des prophètes, des théologiens, des politiques, des fripons, des charlatans, des artisans d’illusions9 et toute la troupe des marchands d’espérances et de craintes10. Chacun d’eux avait une provision de petites figures transparentes et colorées propres à son état, et toutes ces figures étaient si bien faites, si bien peintes, en si grand nombre et si variées, qu’il y en avait de quoi fournir à la représentation de toutes les scènes comiques, tragiques et burlesques de la vie.
Ces charlatans, comme je le vis ensuite, placés entre nous et l’entrée de la caverne, avaient par derrière eux une grande lampe suspendue, à la lumière de laquelle ils exposaient leurs petites figures dont les ombres portées par-dessus nos têtes et s’agrandissant en chemin allaient s’arrêter sur la toile tendue au fond de la caverne et y former des scènes, mais des scènes si naturelles, si vraies, que nous les prenions pour réelles, et que [255] tantôt nous en riions à gorge déployée, tantôt nous en pleurions à chaudes larmes, ce qui vous paraîtra d’autant moins étrange, qu’il y avait derrière la toile d’autres fripons subalternes, aux gages des premiers, qui prêtaient à ces ombres les accents, les discours, les vraies voix de leurs rôles.
Malgré le prestige11 de cet apprêt, il y en avait dans la foule quelques-uns d’entre nous qui le soupçonnaient12, qui secouaient de temps en temps leurs chaînes et qui avaient la meilleure envie de se débarrasser de leurs éclisses et de tourner la tête ; mais à l’instant tantôt l’un, tantôt l’autre des charlatans que nous avions à dos se mettait à crier d’une voix forte et terrible : Garde-toi de tourner la tête ! Malheur à qui secouera sa chaîne ! Respecte les éclisses… Je vous dirai une autre fois ce qui arrivait à ceux qui méprisaient le conseil de la voix, les périls qu’ils couraient, les persécutions qu’ils avaient à souffrir ; ce sera pour quand nous ferons de la philosophie. Aujourd’hui qu’il s’agit de tableaux, j’aime mieux vous en décrire quelques-uns de ceux que je vis sur la grande toile ; je vous jure qu’ils valaient bien les meilleurs du Salon. Sur cette toile tout paraissait d’abord décousu13 ; on pleurait, on riait, on jouait, on buvait, on chantait, on se mordait les poings, on s’arrachait les cheveux, on se caressait, on se fouettait ; au moment où l’un se noyait, un autre était pendu, un troisième élevé sur un piédestal ; mais à la longue tout se liait, s’éclaircissait et s’entendait. Voici ce que je vis s’y passer à différents intervalles que je rapprocherai pour abréger.
D’abord14 ce fut un jeune homme, ses longs vêtements sacerdotaux15 en désordre, la main armée d’un thyrse16, le front couronné de lierre, qui versait d’un grand vase antique des flots de vin dans de larges et profondes coupes qu’il portait à la bouche de quelques femmes aux yeux hagards [256] et à la tête échevelée. Il s’enivrait avec elles, elles s’enivraient avec lui, et quand ils étaient ivres, ils se levaient et se mettaient à courir les rues en poussant des cris mêlés de fureur et de joie. Les peuples frappés de ces cris se renfermaient dans leurs maisons et craignaient de se trouver sur leur passage ; ils pouvaient mettre en pièces le téméraire qu’ils auraient rencontré, et je vis qu’ils le faisaient quelquefois. Eh bien ! mon ami, qu’en dites-vous ?
Grimm. Je dis que voilà deux assez beaux tableaux, à peu près du même genre17.
Diderot. En voici un troisième d’un genre différent. Le jeune prêtre qui conduisait ces furieuses était de la plus belle figure ; je le remarquai, et il me sembla, dans le cours de mon rêve, que plongé dans une ivresse plus dangereuse que celle du vin, il s’adressait avec le visage, le geste et les discours les plus passionnés et les plus tendres à une jeune fille dont il embrassait vainement les genoux et qui refusait de l’entendre18.
Grimm. Celui-ci19, pour n’avoir que deux figures, n’en serait pas plus facile à faire.
Diderot. Surtout s’il fallait leur donner l’expression forte et le caractère peu commun qu’elles avaient sur la toile de la caverne.
Tandis que ce prêtre sollicitait inutilement la jeune inflexible, voilà que j’entends tout à coup dans le fond des habitations des cris, des ris, des hurlements, et que j’en vois sortir des pères, des mères, des femmes, des filles, des enfants. Les pères se précipitaient sur leurs filles qui avaient perdu tout sentiment de pudeur, les mères sur leurs fils qui les méconnaissaient20, les enfants de différents sexes mêlés, confondus, se roulaient à terre ; c’était un spectacle de joie extravagante, de licence effrénée, d’une [257] ivresse et d’une fureur inconcevables. Ah ! si j’étais peintre ! J’ai encore tous ces visages-là présents à mon esprit.
Grimm. Je connais un peu nos artistes, et je vous jure qu’il n’y en a pas un seul en état d’ébaucher21 ce tableau.
Diderot. Au milieu de ce tumulte, quelques vieillards que l’épidémie avait épargnés, les yeux baignés de larmes, prosternés dans un temple frappaient la terre de leurs fronts, embrassaient de la manière la plus suppliante les autels du dieu, et j’entends très distinctement le dieu ou peut-être le fripon subalterne qui était derrière la toile, dire : Qu’elle meure, ou qu’un autre meure pour elle.
Grimm. Mais, mon ami, du train dont vous rêvez, savez-vous qu’un seul de vos rêves suffirait pour une galerie entière ?
Diderot. Attendez, attendez, vous n’y êtes pas. J’étais dans une extrême impatience de connaître quelle serait la suite de cet oracle funeste, lorsque le temple s’ouvrit derechef à mes yeux22. Le pavé en était couvert d’un grand tapis rouge bordé d’une large frange d’or ; ce riche tapis et la frange retombaient au-dessous d’une longue marche qui régnait tout le long de la façade. À droite, près de cette marche, il y avait un de ces grands vaisseaux23 de sacrifice destinés à recevoir le sang des victimes. De chaque côté de la partie du temple que je découvrais, deux grandes colonnes d’un marbre blanc et transparent semblaient en aller chercher la voûte. À droite, au pied de la colonne la plus avancée, on avait placé une urne de marbre noir, couverte en partie des linges propres aux cérémonies sanglantes. De l’autre côté de la même colonne, c’était un candélabre24 de la forme la plus noble ; il était si haut, que peu s’en fallait qu’il n’atteignît le [258] chapiteau de la colonne. Dans l’intervalle des deux colonnes de l’autre côté, il y avait un grand autel ou trépied triangulaire, sur lequel le feu sacré était allumé. Je voyais la lueur rougeâtre des brasiers ardents, et la fumée des parfums me dérobait une partie de la colonne intérieure. Voilà le théâtre d’une des plus terribles et des plus touchantes représentations qui se soient exécutées sur la toile de la caverne pendant ma vision.
Grimm. Mais, dites-moi, mon ami, n’avez-vous confié votre rêve à personne ?
Diderot. Non. Pourquoi me faites-vous cette question ?
Grimm. C’est que le temple que vous venez de décrire est exactement le lieu de la scène du tableau de Fragonard.
Diderot. Cela se peut. J’avais tant entendu parler de ce tableau les jours précédents, qu’ayant à faire un temple en rêve, j’aurai fait le sien25. Quoi qu’il en soit, tandis que mes yeux parcouraient ce temple et des apprêts26 qui me présageaient je ne sais quoi dont mon cœur était oppressé, je vis arriver seul un jeune acolyte27 vêtu de blanc ; il avait l’air triste. Il alla s’accroupir au pied du candélabre et s’appuyer les bras sur la saillie de la base de la colonne intérieure. Il fut suivi d’un prêtre. Ce prêtre avait les bras croisés sur la poitrine, la tête tout à fait penchée, il paraissait absorbé28 dans la douleur et la réflexion la plus profonde ; il s’avançait à pas lents. J’attendais qu’il relevât sa tête ; il le fit en tournant les yeux vers le ciel et poussant l’exclamation la plus douloureuse, que j’accompagnai moi-même d’un cri quand je reconnus ce prêtre. C’était le même que j’avais vu quelques instants auparavant presser avec tant d’instance et si peu de succès la jeune inflexible ; il était aussi vêtu de blanc ; toujours beau, mais la douleur avait fait une impression profonde sur son visage. Il avait le front couronné de lierre et il tenait dans sa main droite le couteau sacré. Il alla se placer [259] debout à quelque distance du jeune acolyte qui l’avait précédé. Il vint un second acolyte, vêtu de blanc, qui s’arrêta derrière lui.
Je vis entrer ensuite une jeune fille ; elle était pareillement vêtue de blanc, une couronne de roses lui ceignait la tête. La pâleur de la mort couvrait son visage, ses genoux tremblants se dérobaient sous elle ; à peine eut-elle la force d’arriver jusqu’aux pieds de celui dont elle était adorée, car c’était elle qui avait si fièrement dédaigné sa tendresse et ses vœux. Quoique tout se passât en silence29, il n’y avait qu’à les regarder l’un et l’autre et se rappeler les mots de l’oracle, pour comprendre que c’était la victime et qu’il allait en être le sacrificateur. Lorsqu’elle fut proche du grand prêtre son malheureux amant, ah ! cent fois plus malheureux qu’elle, la force l’abandonna tout à fait et elle tomba renversée sur le lit ou le lieu même où elle devait recevoir le coup mortel. Elle avait le visage tourné vers le ciel, ses yeux étaient fermés, ses deux bras que la vie semblait avoir déjà quittés pendaient à ses côtés, le derrière de sa tête touchait presque aux vêtements du grand prêtre son sacrificateur et son amant ; le reste de son corps était étendu, seulement l’acolyte, qui s’était arrêté derrière le grand prêtre, le tenait un peu relevé.
Tandis que la malheureuse destinée des hommes et la cruauté des dieux ou de leurs ministres, car les dieux ne sont rien, m’occupaient et que j’essuyais quelques larmes qui s’étaient échappées de mes yeux, il était entré un troisième acolyte, vêtu de blanc comme les autres et le front couronné de roses. Que ce jeune acolyte était beau ! Je ne sais si c’était sa modestie, sa jeunesse, sa douceur, sa noblesse qui m’intéressaient, mais il me parut l’emporter sur le grand prêtre même. Il s’était accroupi à quelque distance de la victime évanouie et ses yeux attendris étaient attachés sur elle. Un quatrième acolyte30, en habit blanc aussi, vint se ranger près de celui qui soutenait la victime, il mit un genou en terre, et il posa sur son autre genou un grand bassin qu’il prit par les bords, comme pour le présenter au sang qui allait couler. Ce bassin, la place de cet acolyte et son [260] action ne désignaient que trop la fonction cruelle. Cependant il était accouru dans le temple beaucoup d’autres personnes31. Les hommes, nés compatissants, cherchent dans les spectacles cruels l’exercice de cette qualité32.
Je distinguai vers le fond, proche de la colonne intérieure du côté gauche, deux prêtres âgés, debout et remarquables par le vêtement irrégulier dont leur tête était enveloppée, que par la sévérité de leur caractère et la gravité de leur maintien.
Il y avait presque en dehors, contre la colonne antérieure du même côté, une femme seule ; un peu plus loin et plus en dehors, une autre femme, le dos appuyé contre une borne, avec un jeune enfant nu sur ses genoux. La beauté de cet enfant, et plus peut-être encore l’effet singulier de la lumière qui les éclairait sa mère et lui, les ont fixés dans ma mémoire. Au delà de ces femmes, mais dans l’intérieur du temple, deux autres spectateurs. Au-devant de ces spectateurs, précisément entre les deux colonnes, vis-à-vis de l’autel et de son brasier ardent, un vieillard dont le caractère et les cheveux gris me frappèrent. Je me doute bien que l’espace plus reculé était rempli de monde, mais de l’endroit que j’occupais dans mon rêve et dans la caverne, je ne pouvais rien voir de plus.
Grimm. C’est qu’il n’y avait rien de plus à voir, que ce sont là tous les personnages du tableau de Fragonard ; et qu’ils se sont trouvés dans votre rêve placés tout juste comme sur sa toile.
Diderot. Si cela est, ô le beau tableau que Fragonard a fait ! Mais écoutez le reste. Le ciel brillait de la clarté la plus pure ; le soleil semblait précipiter toute la masse de sa lumière dans le temple et se plaire à la rassembler sur la victime, lorsque les voûtes s’obscurcirent de ténèbres épaisses qui s’étendant sur nos têtes et se mêlant à l’air, à la lumière, produisirent une horreur [261] soudaine. À travers ces ténèbres je vis planer un génie infernal, je le vis : des yeux hagards lui sortaient de la tête ; il tenait un poignard de la main, de l’autre il secouait une torche ardente ; il criait. C’était le Désespoir, et l’Amour, le redoutable Amour était porté sur son dos. À l’instant le grand prêtre tire le couteau sacré, il lève le bras ; je crois qu’il en va frapper la victime, qu’il va l’enfoncer dans le sein de celle qui l’a dédaigné et que le Ciel lui a livrée ; point du tout, il s’en frappe lui-même33. Un cri général perce et déchire l’air. Je vois la mort et ses symptômes errer sur les joues, sur le front du tendre et généreux infortuné ; ses genoux défaillent, sa tête retombe en arrière, un de ses bras est pendant, la main dont il a saisi le couteau le tient encore enfoncé dans son cœur. Tous les regards s’attachent ou craignent de s’attacher sur lui ; tout marque la peine et l’effroi. L’acolyte qui est au pied du candelabre a la bouche entr’ouverte, et regarde avec effroi ; celui qui soutient la victime retourne la tête et regarde avec effroi ; celui qui tient le bassin funeste relève ses yeux effrayés ; le visage et les bras tendus de celui qui me parut si beau montrent toute sa douleur et tout son effroi ; ces deux prêtres âgés dont les regards cruels ont dû se repaître si souvent de la vapeur du sang dont ils ont arrosé les autels, n’ont pu se refuser à la douleur, à la commisération, à l’effroi, ils plaignent le malheureux, ils souffrent, ils sont effrayés ; cette femme seule appuyée contre une des colonnes, saisie d’horreur et d’effroi, s’est retournée subitement ; et cette autre qui avait le dos contre une borne s’est renversée en arrière, une de ses mains s’est portée sur ses yeux, et son autre bras semble repousser d’elle ce spectacle effrayant ; la surprise et l’effroi sont peints sur les visages des spectateurs éloignés d’elle ; mais rien n’égale la consternation et la douleur du vieillard aux cheveux gris, ses cheveux se sont dressés sur son front, je crois le voir encore, la lumière du brasier ardent l’éclairant, et ses bras étendus au-dessus de l’autel : je vois ses yeux, je vois sa bouche, je le vois s’élancer, j’entends ses cris, ils me réveillent, la toile se replie et la caverne disparaît. [262]
Grimm. Voilà le tableau de Fragonard, le voilà avec tout son effet.
Diderot. En vérité ?
Grimm. C’est le même temple, la même ordonnance, les mêmes personnages, la même action, les mêmes caractères, le même intérêt général, les mêmes qualités, les mêmes défauts. Dans la caverne, vous n’avez vu que les simulacres des êtres, et Fragonard sur sa toile ne vous en aurait montré non plus que les simulacres. C’est un beau rêve que vous avez fait, c’est un beau rêve qu’il a peint. Quand on perd son tableau de vue pour un moment, on craint toujours que sa toile ne se replie comme la vôtre, et que ces fantômes34 intéressants et sublimes ne se soient évanouis comme ceux de la nuit. Si vous aviez vu son tableau, vous auriez été frappé de la même magie de lumière et de la manière dont les ténèbres se fondaient avec elle, du lugubre que ce mélange portait dans tous les points de sa composition ; vous auriez éprouvé la même commisération, le même effroi ; vous auriez vu la masse de cette lumière, forte d’abord, se dégrader avec une vitesse et un art surprenant ; vous en auriez remarqué les échos35 se jouant supérieurement entre les figures. Ce vieillard dont les cris perçants vont ont réveillé, il y était au même endroit et tel que vous l’avez vu, et les deux femmes et le jeune enfant, tous vêtus, éclairés, effrayés comme vous l’avez dit. Ce sont les mêmes prêtres âgés avec leur draperie de tête large, grande et pittoresque, les mêmes acolytes avec leurs habits blancs et sacerdotaux, répandus précisément sur sa toile comme sur la vôtre. Celui que vous avez trouvé si beau, il était beau dans le tableau comme dans votre rêve, recevant la lumière par le dos, ayant par conséquent toutes ses parties antérieures dans la demi-teinte ou l’ombre, effet de peinture plus facile à rêver qu’à produire, et qui ne lui avait ôté ni sa noblesse, ni son expression.
Diderot. Ce que vous me dites me ferait presque croire que moi qui [263] n’y crois pas pendant le jour36, je suis en commerce avec lui pendant la nuit. Mais l’instant effroyable de mon rêve, celui où le sacrificateur s’enfonce le poignard dans le sein, est donc celui que Fragonard a choisi37 ?
Grimm. Assurément. Nous avons seulement observé dans le tableau que les vêtements du grand-prêtre tenaient un peu trop de ceux d’une femme.
Diderot. Attendez… Mais c’est comme dans mon rêve.
Grimm. Que ces jeunes acolytes, tout nobles, tout charmants qu’ils étaient, étaient d’un sexe indécis, des espèces d’hermaphrodites.
Diderot. C’est encore comme dans mon rêve.
Grimm. Que la victime, bien couchée, bien tombée, était peut-être un peu trop étroitement serrée d’en bas par ses vêtements.
Diderot. Je l’ai aussi remarqué dans mon rêve ; mais je lui faisais un mérite d’être décente, même dans ce moment.
Grimm. Que sa tête faible de couleur, peu expressive, sans teintes, sans passages38, était plutôt celle d’une femme qui sommeille que d’une femme qui s’évanouit.
Diderot. Je l’ai rêvée avec ces défauts.
Grimm. Pour la femme qui tenait l’enfant sur ses genoux, nous l’avons trouvée supérieurement peinte et ajustée, et le rayon de lumière échappé qui l’éclairait, à faire illusion ; le reflet de la lumière sur la colonne antérieure, de la dernière vérité ; le candelabre, de la plus belle forme et faisant bien l’or. Il a fallu des figures aussi vigoureusement coloriées que celles de Fragonard pour se soutenir au-dessus de ce tapis rouge bordé d’une frange d’or. Les têtes des vieillards nous ont paru faites d’humeur et marquant bien la surprise et l’effroi ; les génies bien furieux, bien aériens, et la vapeur [264] noire qu’ils amenaient avec eux bien éparse et ajoutant un terrible étonnant à la scène ; les masses d’ombre relevant de la manière la plus forte et la plus piquante la splendeur éblouissante des clairs. Et puis un intérêt unique. De quelque côté qu’on portât les yeux, on rencontrait l’effroi, il était dans tous les personnages : il s’élançait du grand-prêtre, il se répandait, il s’accroissait par les deux génies, par la vapeur obscure qui les accompagnait, par la sombre lueur des brasiers. Il était impossible de refuser son âme à une impression si répétée. C’était comme dans les émeutes populaires où la passion du grand nombre nous saisit avant même que le motif en soit connu. Mais outre la crainte qu’au premier signe de croix tous ces beaux simulacres ne disparussent, il y a des juges d’un goût sévère qui ont cru sentir dans toute la composition je ne sais quoi de théâtral qui leur a déplu. Quoi qu’ils en disent, croyez que vous avez fait un beau rêve et Fragonard un beau tableau. Il a toute la magie, toute l’intelligence et toute la machine39 pittoresque40. La partie idéale est sublime dans cet artiste, à qui il ne manque qu’une couleur plus vraie et une perfection technique, que le temps et l’expérience peuvent lui donner.
Jusqu’à présent, mon cher Philosophe, je vous ai laissé dire et j’ai parlé comme il vous a plu. Vous avez bien fait de vous arrêter à ce tableau de Fragonard qui a principalement fixé l’attention du public, moins encore par son propre mérite que peut-être par le besoin que nous avons de trouver un successeur à Carle Vanloo et à Deshays41. Quand on pense à cette foule de jeunes gens revenus de Rome42 et agréés par l’Académie43, sans donner la moindre espérance, on n’en peut pas bien augurer pour la gloire de l’École française, déjà assez décriée d’ailleurs. Nous n’avons qu’un Fragonard qui promette contre cette foule de Briard, Brenet, Lépicié, Armand, Taraval, qui certainement ne feront jamais rien. Je ne crois pas le tableau de Fragonard sans mérite, tant s’en faut ; mais il faut attendre le Salon prochain pour voir ce que cet artiste deviendra. Ce ne serait pas la première fois que nous aurions vu un peintre, nouvellement arrivé de Rome44 et la tête pleine des richesses de l’Italie, débuter d’une manière assez brillante, et puis s’affaiblir et s’éteindre de Salon en Salon. Ce qui me donne quelque doute sur le génie de Fragonard, c’est qu’en comparant l’effet de son tableau avec le pathétique de son sujet, je ne trouve pas qu’il y atteigne. Si la victime vous paraît plutôt endormie qu’évanouie, le sacrificateur m’a paru froid et sans caractère : son sexe est aussi indécis que celui de ses acolytes ; on ne sait s’il est homme ou femme, et la faute n’en est pas seulement à ses vêtements, mais à sa tête et à tout son corps. Vous avez relevé d’une manière très ingénieuse ce qui donne à toutes ces figures plutôt un air de fantômes et de spectres que de personnages réels : car enfin tout ce beau rêve que vous venez de me conter, vous l’avez fait au Salon, en contemplant le tableau de Fragonard, et la plupart du temps, si je m’en souviens, j’avais le plaisir d’être à côté de vous et de vous entendre rêver tout haut. Mais comptez que votre rêve est plus beau que son tableau, et que nous ne risquons rien d’attendre au Salon prochain pour prendre notre parti sur cet artiste.
Au reste, un écho45 est un son réfléchi : un écho de lumière est une lumière réfléchie. Ainsi une lumière, qui tombe fortement sur un corps, d’où elle est renvoyée sur un autre, lequel en est assez vivement éclairé pour la réfléchir sur un troisième, et de ce troisième sur un quatrième, etc., forme sur ces différents objets des échos, comme un son qui va se répétant de montagne en montagne. Ce terme est technique, et c’est dans ce sens que les artistes l’emploient.
Notes
Fragonard sera dispensé d’un second tableau pour devenir académicien. La tapisserie, qui devait faire partie de la Tenture des Amours des dieux, ne sera jamais tissée.
Passages de lumiere, se dit d’une ombre ou demi-teinte extrèmement légere, placée entre des masses de lumieres, & qui loin de les séparer semblent les réunir, en servant comme de route à l’œil pour passer facilement de l’une à l’autre.
Passage de couleur, se dit de l’espace qui se trouve dans un tableau entre deux couleurs différentes, & qui par degrés insensibles participe autant de l’une que de l’autre. Il est à remarquer que passage, en ce cas, ne seroit que fonte de couleur, si ces couleurs qui le forment, n’étoient pas ce qu’on appelle de beaux tons. On ne se sert jamais du terme de passage, sans l’épithete de beau ; ainsi de beaux passages, en ce cas, signifient toujours fonte ou passage de beaux tons de couleur.
Passage de couleur, se dit encore de celles qui restent distinctes, ne se perdant point ensemble par degrés insensibles, & qui par leur accord, font passer l’œil de l’une à l’autre d’une façon satisfaisante. » (Encyclopédie, 1765, XII, 121)
Diderot ne dit pas exactement qu’il ne l’a pas vu : il ne l’a plus vu. Voir cependant le démenti de Grimm à la fin de l’article.
Dans le Mercure de France d’octobre 1765, on lit : « On sait que non-seulement il obtint tous les suffrages, mais que M. le Marquis de Marigny, toujours attentif à l’encouragement des Artistes, retint dès-lors ce tableau pour le compte du Roi. Ce morceau parut un phénomène de progrès digne d’être exposé dans le moment à la vue & à l’examen des curieux sous les yeux desquels il resta quelque temps. C’est le même qu’on a vu au salon. » Le tableau, commandé à Fragonard par la manufacture des Gobelins pour servir de carton de tapisserie, est présenté par le peintre à l’Académie le 30 mars 1765, pour être agréé, c’est-à-dire pour recevoir la permission d’exposer au Salon. Le tableau fait sensation, et nous comprenons par le Mercure que le public est autorisé à venir le voir, dès le printemps. En août, il est transféré dans le Salon carré où il constitue le clou de l’exposition. Marigny le fit-il retirer avant la fin du Salon pour le transférer dans les collections de Louis XV ? Ou est-ce pure affabulation de Diderot ? Diderot a en tous cas eu tout le temps de le voir, comme l’atteste Grimm à la fin de l’article, et comme le montre la description très précise qu’il en fait…
« Éclisse, est aussi un petit ais fort délié [= une planchette très fine], que les Chirurgiens qui pensent [pansent] quelque membre où il y a eut fracture, y appliquent pour le soutenir. Ferula. Son bras n’est pas bien guéri, on ne lui a pas encore ôté les éclisses. » (Trévoux)
Les prisonniers tournent le dos à l’entrée de la caverne et sont forcés de regarder la toile qui est tendue au fond.
Placés entre les rois et les prêtres, les ministres peuvent désigner aussi bien les ministres du culte (le sens classique premier) que les ministres d’état au service du gouvernement.
Diderot traduit littéralement le terme de Platon dans le mythe de la caverne, θαυματοποιοί, qui désigne probablement les montreurs de marionnettes. Voir République, VII, 514b : « « Or, entre ce feu et les prisonniers, imagine la montée d’une route, en travers de laquelle il faut te représenter qu’on a élevé un petit mur qui la barre, pareil à la cloison que les montreurs de marionnettes placent devant les hommes qui manœuvrent celle-ci et au-dessus de laquelle ils présentent ces marionnettes (τὰ θαύματα) aux regards du public. » (trad. L. Robin, Pl. I, 1102)
Comme on le verra à la phrase suivante, cette énumération est une fausse énumération : l’ensemble « des ministres, des prêtres, des docteurs, des apôtres, des prophètes, des théologiens, des politiques » placés derrière les prisonniers sont « des fripons, des charlatans, des artisans d’illusions » (prédicats) et constituent « toute la troupe des marchands d’espérances et de craintes » (jugement).
« Prestige, s. m. Ce mot est Latin, & signifie, Illusion par sortilége. Præstigia. Le diable ne peut faire de véritables miracles, il ne fait que des prestiges. Il y a du prestige à cela. Les miracles des Magiciens d’Égypte n’étoient que des prestiges & des illusions. » (Trévoux)
Diderot fait en fait démarrer ici son deuxième tableau, pour lequel il s’inspire des Bacchantes d’Euripide.
« Thyrse, s. m. Terme poëtique. C’est le sceptre que les anciens Poëtes ont donné à Bacchus, dont s’armoient aussi les Ménades dans leurs Bacchanales. Thyrsus, Baculus bachicus. C’étoit une lance ou un dard enveloppé de pampre & de feuilles de vigne. » (Trévoux)
Dans le premier tableau, les actions hétéroclites juxtaposées n’ont pas de sens ; dans le second, le décousu du premier prend sens comme bacchanale.
Dans la Correspondance littéraire, cette formule est inversée : « qui refusait de l’entendre et dont il embrassait vainement les genoux ». C’est plus décent, mais moins logique !
21« Ebauche, ébaucher en Peinture, c’est disposer avec des couleurs les objets qu’on s’est proposé de représenter dans un tableau, & qui sont déjà dessinés sur une toile imprimée, sans donner à chacun le degré de perfection qu’on se croit capable de leur donner, en les finissant. Les peintres ébauchent plus ou moins arrêté ; il y en a qui ne sont qu’un leger lavis de couleur & de térébenthine, ou même de grisaille ou camayeu. Les Sculpteurs disent aussi, ébaucher une figure, un bas-relief. (R) » (Encyclopédie, 1755, V, 213, article de Paul Landois)
Effet de quatrième mur : le spectateur est à l’extérieur du temple, mais voit pourtant ce qui se passe à l’intérieur.
« Vaisseau, s. m. Ce qui peut contenir quelque chose, & particulièrement la liqueur [le liquide]. Vas. Un muid, une cuve, un boisseau, sont des vaisseaux à mettre le vin, le blé, &c. » (Trévoux) C’est la bassine de cuivre posée au premier plan à droite sur le tableau de Fragonard.
« Candélabre, s. m. C’est un grand chandelier de salle ayant plusieurs branches, fait à la manière des anciens. Candelabrum. » (Trévoux) En fait les chandeliers à l’antique n’ont pas de branches : ils sont faits d’une colonne surmontée d’une vasque où l’on allume une flamme (#021469).
Diderot semble prétendre qu’il a imaginé son tableau à partir des descriptions qui lui ont été faites de celui de Fragonard, mais sans avoir vu lui-même la peinture.
« Apprest. s. m. Ce qu’on prépare pour quelque cérémonie, réjouissance ou festin. Apparatus, apparatio. » (Trévoux)
« Acolyte. s. m. Clerc promeu à l’un des quatre Mineurs, dont l’office est de porter les cierges, preparer le feu, l’encensoir, le vin & l’eau, & de servir le Prestre, le Diacre, le Sous-diacre. Faire les fonctions d’Acolyte à une grande Messe. » (Académie, 1694) Il n’y a pas d’entrée Acolyte dans le dictionnaire de Trévoux.
Sur le motif de l’absorbement, qui prend une importance décisive au milieu du XVIIIe siècle, voir Michael Fried, La Place du spectateur, trad. fr. Claire Brunet, Gallimard, 1990, chap. 1, p. 23sq.
Diderot imagine une scène entièrement silencieuse. Dans l’opéra Callirhoé de Destouches (1713), Pierre-Charles Roy, auteur du livret, fait dire à Corésus : « Troubles secrets dont l’horreur me dévore, | Que ne me laissez-vous respirer un moment, | Je suis prêt d’immoler le Rival que j’abhore, | Sa mort, loin de calmer l’excès de mon tourment, | Ne fait que l’irriter encore. » Un troisième personnage intervient en effet dans la version de Roy, Agénor, amant de Callirhoé, qui a offert généreusement de mourir à la place de celle qu’il aime. Fragonard, que Diderot suit, revient à la version antique du mythe, telle qu’elle est rapportée par Pausanias (Itinéraire de la Grèce, VII, 21, 1).
Dans le tableau de Fragonard, le quatrième acolyte n’est pas placé derrière le second, comme l’imagine Diderot, mais derrière le troisième : il recule avec effroi devant le spectacle qui s’offre à lui et se réfugie auprès des deux vieux prêtres de l’arrière-plan.
Cette qualité : la compassion. L’idée sera reprise et développée dans le Salon de 1767, au quatrième site de la Promenade Vernet : « Il est beau, il est doux de compatir aux malheureux. Il est beau, il est doux de se sacrifier pour eux. […] Qui est-ce qui ne désirera pas sa maîtresse au milieu des flammes, s’il peut se promettre de s’y précipiter comme Alcibiade, et de la sauver entre ses bras. Nous aimons mieux voir sur la scène l’homme de bien souffrant que le méchant puni ; et sur le théâtre du monde, au contraire, le méchant puni que l’homme de bien souffrant. » (DPV XVI 196-197)
Dans l’opéra de Destouches, Callirhoé et son amant Agénor à genoux devant Corésus font assaut de générosité à qui mourra pour sauver l’autre : « Callirhoé et Agénor répétant ces deux vers ensemble à Corésus. | Ton amour outragé demande mon supplice ; | C’est moi qu’il faut que l’on punisse. | Corésus. | Ciel ! En les immolant je ne puis les punir ! | Callirhoé et Agénor. | Frape, voilà mon cœur, qui peut te retenir ? | Corésus. | Agenor, j’applaudis à l’ardeur qui t’anime, | J’honore ta vertu, tes vœux seront contents. | Il tire le fer sacré. | Callirhoé, à Corésus. | Ah ! je frémis ; frape, il est tems. | Corésus, en les séparant. | Arrêtez. C’est à moy de choisir la victime. | Il se frape. | Callirhoé. | Vous mourez. | Corésus. | Je sauve vos jours. | De vos malheurs, des miens je termine le cours. | Vous pleurez. Se peut-il que ce cœur s’attendrisse ! | Je meurs content. Mes feux ne vous troubleront plus ; | Approchez : en mourant que ma main vous unisse : | Souvenez-vous de Coresus. | On l’emmeine. » Dans la dernière scène, Bacchus apparaît et ordonne que le tombeau de Corésus devienne son temple, dont Agénor sera le prêtre.
Fantôme, dans la langue classique se comprend dans deux sens, comme représentation (au sens étymologique grec que Diderot reprendra dans le Préambule du Salon de 1767) et comme spectre (Grimm plus loin emploie le terme). A comparer, quelques lignes plus haut, avec les simulacres.
Diderot pose ici la question du choix de l’instant, pour lui déterminante depuis ce qu’il en a écrit dans l’Encyclopédie à l’article Composition, en Peinture.
« Passage, se dit en Peinture, de la lumiere & des couleurs : on dit ces passages de couleur, de lumieres, sont charmans ; de beaux passages.
Machine, (Peinture.) terme dont on se sert en Peinture, pour indiquer qu’il y a une belle intelligence de lumiere dans un tableau. On dit voilà une belle machine ; ce peintre entend bien la machine. Et lorsqu’on dit une grande machine, il signifie non-seulement belle intelligence de lumieres, mais encore grande ordonnance, grande composition.
L’Académie royale de peinture et de sculpture organisait chaque année un prix de Rome, dont les lauréats étaient proposés au roi pour une pension et un séjour de deux à quatre ans au palais Mancini à Rome (ce n’était pas encore, à l’époque, à la villa Médicis). Là ils étaient supposés achever leur formation de peintres au contact des modèles classiques de l’antiquité romaine et de la Renaissance italienne.
C’est généralement à leur retour de Rome que les jeunes artistes demandaient leur agrément à l’Académie, en présentant un ou plusieurs des tableaux réalisés en Italie.
Fragonard avait séjourné à l’Académie de France à Rome de 1756 à 1761, puis effectué un tour d’Italie avec son protecteur l’abbé de Saint-Non, jusqu’en 1765.
Diderot écrivait plus haut, à propos du traitement de la lumière dans le tableau de Fragonard : « vous en auriez remarqué les échos se jouant supérieurement entre les figures ».
Les Salons de Diderot (édition)
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Les Salons de Diderot (édition)
Salon de 1763
Préambule du Salon de 1763
Louis-Michel Vanloo (Salon de 1763)
Deshays (Salon de 1763)
Greuze (Salon de 1763)
Sculptures et gravures (Falconet, Salon de 1763)
Salon de 1765
La Chaste Suzanne (Carle Vanloo, Salon de 1765)
Boucher (Salon de 1765)
La Justice de Trajan (Hallé, Salon de 1765)
Chardin (Salon de 1765)
La jeune fille qui pleure son oiseau mort (Greuze, Salon de 1765)
La Descente de Guillaume le Conquérant en Angleterre (Lépicié, Salon de 1765)
L'antre de Platon (Fragonard, Salon de 1765)
Sculpture (Salon de 1765)