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Résumé

Cet article propose d'examiner la manière dont les images de l'histoire sont remises en scène dans les jeux et jouets sur papier et cartonnage (jeux de cartes, jeux de l'oie, lotos, puzzles, petites constructions), en visant prioritairement les jeux à très large diffusion. Que fait le jeu à l’histoire ? Et que disent ces images de l’histoire qui sont manipulées au quotidien par des publics assez divers ? De l’assimilation de savoirs historiques à leur réinterprétation libre, les jeux à thématique historique développent de nombreuses formes de rapport à l’histoire : ils peuvent ainsi la miniaturiser et la domestiquer, la simplifier et la caricaturer, la réorienter et l’instrumentaliser, ou encore l’ouvrir à la réinvention et par là aussi à la subversion.

Abstract

This article examines the way in which images from history are re-enacted in paper and cardboard games and toys (card games, board games, lottos, puzzles, paper theaters), focusing on mass-circulated games. How does play affect history narratives? And what do these everyday images of history add to these narratives? From the assimilation of historical knowledge to its free reinterpretation, historically-themed games develop many different ways of relating to history: they can miniaturize and domesticate it, simplify and caricature it, reorientate and instrumentalize it, or open it up to reinvention and, by extension, subversion.

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Références de l’article

Hélène Valance ,« Histoire en jeux. Le roman national entre didactique et ludique », Utpictura18, Rubriques , 4 | 2025,Illustrer le roman national ,sous la direction de Nicolas Bianchi et Nicolas Diassinous

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Ressources externes

Histoire en jeux
Le roman national entre didactique et ludique

Entrée en jeu : l’histoire et le temps dans les jeux, de la Révolution française à la Belle Époque

Quand Stefano Della Bella propose, en 1664, à Marie-Thérèse d’Autriche de « déguiser en forme de jeux les sciences les plus nécessaires aux Princes, comme l’histoire, qui est la plus utile leçon qu’ils puissent apprendre, pour connaître les Monarques qui ont emporté les louanges, et ceux qui ont emporté le blâme de tout le monde1 », l’éducation, comme le jeu, restent réservés aux « Princes et Grands Seigneurs2 » et l’histoire qu’ils racontent, structurée autour de l’héraldique, des lignées monarchiques et de la géopolitique européennes, sert à la formation des futures élites gouvernantes3. Si elle est louée par Rabelais et Montaigne dès le XVIe siècle, et théorisée par John Locke au XVIIe, l’éducation par le jeu ne connaît son essor populaire qu’au XIXe siècle, à la faveur de la démocratisation de l’enseignement, mais aussi de la diffusion de pédagogies innovantes, conjointement à la massification de l’image. Le Jeu des écoliers de 1810 (Fig. 1) illustre, avec une mise en abyme remarquable, toute une pédagogie nouvelle, mise en œuvre avec ferveur sous la Révolution française4. Mais le jeu sert aussi à la diffusion des idées politiques et à la commémoration des événements historiques : le décret du 22 octobre 1793 de la Convention défend « d’employer dans la fabrication des papiers des formes ou transparents portant des attributs de royauté » et donne naissance aux célèbres jeux de cartes révolutionnaires, dans lesquels les rois et reines sont remplacés par des sages de l’Antiquité et des allégories représentant les valeurs de la République (Fig. 2).

Fig. 2. Feuille de moulage d'un jeu de cartes révolutionnaire
Fig. 1. Jeu des écoliers (jeu de l'oie) - Jean

 


Aux jeux de l’oie retraçant la succession des monarques se substituent les jeux de l’oie dits « nationaux », qui relatent les récents événements de la Révolution sur un modèle ostensiblement éducatif comme ses prédécesseurs, mais aussi plus explicitement engagé dans le discours politique. Le Jeu de la Révolution française (Fig. 3) mène ainsi les joueurs de la première case, « Entrée de la Liberté ou prise de la Bastille » à l’ « Assemblée nationale ou Palladium de la liberté » en énumérant les transformations apportées par la Révolution, comme l’abolition de la dîme et de la gabelle, du droit d’aînesse, la dissolution des ordres religieux et l’abolition de la noblesse française et des armoiries – en somme, l’inverse même de ce qu’entendaient faire les jeux de l’Ancien Régime5. Le Jeu national et instructif de 1791-92 (Fig. 4), présente ainsi, sous le patronage d’un Henri IV en roi proche du petit peuple, l’histoire des années qui viennent de s’écouler. Le jeu commence lorsque le « Temps délivre la France » en brisant ses chaînes, dont le dernier anneau rompu reste attaché à une concaténation de personnalités – Mirabeau, les aristocrates, le Tiers-état– de valeurs – égalité, amour de la patrie, et, de manière significative, nouvelle éducation6 et d’épisodes de la Révolution (14 juillet 1789, fuite à Varennes), jusqu’à la constitution, qui marque l’achèvement du jeu, avec le génie de la liberté éclairant les Français au centre de la planche. Paradoxalement, tout en reprenant le format des jeux historiques de l’Ancien Régime, le jeu présente la Révolution française comme une fin de l’histoire7. Cette mise en scène du temps comme source de rupture correspond à ce que Reinhardt Koselleck et François Hartog ont décrit comme une nouvelle expérience du temps, vécu comme une accélération, et un nouveau rapport à l’histoire, orientée désormais vers le futur.

Fig. 4. Jeu national et instructif ou leçons exemplaires et amusantes : données aux bons citoyens, par Henri IV et le Pere Gerard
Fig. 3. Jeu de la Révolution française, tracé sur le plan du jeu d'oye renouvelé des Grecs

 

En mettant les images de l’histoire entre les mains des joueuses et des joueurs, les jeux à thématique historique participent de cette nouvelle perception de l’histoire. Cet article examine la manière dont, à partir de la Révolution française et jusqu’à la Première Guerre mondiale, le jeu travaille de l’intérieur me récit historique qu’il est censé transmettre. Que fait le jeu à l’histoire ? Comment adapte-t-il le récit historique à ses propres fonctionnements et contraintes, et à quelles fins ? On interrogera tout particulièrement la contradiction au cœur même des jeux à thématique historique : les objets considérés ici ont l’ambition de remettre l’histoire en jeu – ambition paradoxale, puisque, par définition, le jeu comprend une part de hasard qui ne semble a priori pas compatible avec la fixité du fait historique8. Si les traces d’usage restent marginales, on voit dans le fonctionnement même des jeux se dessiner les contours d’un espace de liberté au sein duquel les joueuses et joueurs peuvent « refaire l’histoire » et prendre des latitudes avec le savoir historique qu’ils sont censés acquérir ou revoir.

Fig. 6. Pharamond (Jeu de cartes instructives - Histoire de France)
Fig. 5. Pharamond proclamé roi (Histoire de France illustrée et mise en jeu, Paris, Duru, 1840)

 

Quelle histoire ?

Entre 1789 et la Première Guerre mondiale, la vision de l’histoire de France proposée dans les jeux évolue, mais elle reste cependant assez loin des controverses historiographiques qui animent les débats entre les historiens de leur temps. Dans l’ensemble, le récit de l’histoire que les jeux déploient frappe surtout par sa continuité, avec une liste consensuelle de héros qui constituent le panthéon des manuels scolaires de l’école laïque9. Si l’on prend par exemple pour point de comparaison la question des origines de la France, dont Sylvain Venayre a montré la centralité dans l’historiographie du XIXe siècle10, on s’aperçoit que la violence des débats scientifiques et idéologiques transparaît assez peu dans les jeux, qui proposent un discours historique relativement peu engagé vis-à-vis de la science de leur temps. Pharamond est ainsi systématiquement présenté comme le premier dans l’immuable litanie des monarques français. Comme l’a montré Venayre, la légende, si elle est promue encore par François-René de Chateaubriand, perd sa crédibilité auprès les historiens dans les premières décennies du siècle, aux yeux desquels Pharamond se voit, surtout à partir de 1830, supplanté par Clovis, l’image de la fondation de la France chrétienne prenant le pas sur la question dynastique. « Nul savant ne voyait plus dans le fils de Macromir l’ancêtre de la dynastie des rois francs ni, a fortiori, le fondateur de la France. » Pourtant, la légende persiste dans les jeux. Paru en 1805, le très populaire jeu de cartes historiques consacré à l’histoire de France d’Étienne de Jouy (Fig. 5) annonce qu’il contient « un abrégé de l'histoire de la Monarchie française, depuis Pharamond jusqu'à Louis XVIII », et dit se « conformer à l'opinion de la plupart des historiens qui désignent [Pharamond] pour le premier roi de France »11. Le jeu de patience (puzzle) L’Histoire de France édité par Lion en 1850 (Fig. 6), le Jeu des Rois de France édité par l’imagerie Gangel et Didion sous le Second Empire12, le Grand jeu de loto chronologique et historique de la France édité par A. Dehors en 1875 (Fig. 7) commencent tous avec Pharamond.

Fig. 8. Jeu des Rois de France « Famille impériale » (Fabrique d'Estampes de Gangel fr. et P. Didion, à Metz)
Fig. 7. Histoire de France en 3 planches de puzzles, 1ère planche - A. Lion

 

En 1907, le Loto Historique. L’histoire de France à travers les siècles (Fig. 8) marque une légère inflexion, en indiquant Pharamond comme le premier roi de France, mais la plus grande partie du carton est consacrée à une reproduction du Vercingétorix jette ses armes aux pieds de Jules César de Lionel Royer13. Les jeux consacrés à des figures individuelles, comme Napoléon (Fig. 9), dont on observe une résurgence au début du Second empire et au tournant du XXe siècle, ou Jeanne d’Arc, dont la vie est illustrée dans de nombreux jeux aux alentours de 1900 (Fig. 10), reflètent quant à eux davantage des changements idéologiques que les fluctuations de l’historiographie savante.

Fig. 9. Histoire de Napoléon, puzzle en 2 planches et 24 images, A. Lion, 1855
Fig. 10bis. Jeanne d'Arc devant Orléans (La Vie de Jeanne d'Arc) - Lenepveu
Fig. 10. Jeanne d'Arc devant Orléans (Boîte de jeu - Loto Jeanne d'Arc, éd. Léon Saussine)

 

S’ils sont innovants dans leur appréhension de l’apprentissage, les jeux se contentent donc souvent d’un contenu très consensuel, articulé autour d’hommes célèbres et de batailles. Le Loto séculaire publié en 1882 par Mlle de Fontrey contient par exemple une préface d’Eugène Brouard, Inspecteur général de l’instruction publique et auteur de nombreux manuels pour les éditions Hachette14, dans laquelle celui-ci convient des limites historiographiques du récit proposé par le jeu :

Parmi les études que nous sommes obligés d'imposer à l'enfant, se trouve en première ligne celle des dates, et, en histoire de France celle de la chronologie des rois de France... Leur histoire n'est pas l'histoire de France tout entière, soit; mais ils y occupent une place si importante, ils ont si longtemps personnifié la nation et ont exercé une si grande influence sur ses destinées, que loin de les laisser dans l'ombre en écrivant nos annales, il faut au contraire mettre sans cesse leurs noms en avant, ne fut-ce que pour éclairer la marche et pour marquer les étapes à travers les siècles […].

Cette « marche » se caractérise par un présentisme partagé par la plupart des jeux, qui soulignent presque unanimement la continuité du récit historique avec leur temps, en proposant une histoire « jusqu’à nos jours », actualisée au gré des changements de régime: la dernière case du Jeu des Rois de France édité en 1871 par Paulin Didion15 présente ainsi Adolphe Thiers comme dernier monarque en date, supplantant la famille impériale du même jeu édité sous le Second Empire. Le collectionneur Alain Rabussier note que le créateur de lotos Rosenfeld adapte son Histoire de France en loto en remplaçant le portrait du prince impérial de l’édition de 1870 par celui d’Adolphe Thiers en 1871, par le simple ajout d’un carré de papier collé sur les planches d’origine16. L’illustration de la boîte de jeu de loto historique L’Histoire de France à travers les siècles (Fig. 11) résume quant à elle la liste bien établie des héros nationaux, mais en les présentant en deux camps, dans une balance qui penche nettement en faveur de l’histoire contemporaine. À gauche de l’illustration figurent pêle-mêle les représentants de l’histoire jusqu’à la Révolution : Vercingétorix, Charlemagne, saint Louis, Henri IV, Richelieu, et Louis XIV. Napoléon trône au centre, doublement couronné par la bannière de Jeanne d’Arc et par les lauriers tendus par la figure allégorique de la République. À droite de Napoléon s’accumulent en revanche les personnalités marquantes du XIXe et des premières années du XXe siècle: Louis-Philippe, Napoléon III, Gambetta, Foch, et Victor Hugo. À la fin de la période qui nous intéresse, le Jeu Fin de siècle (Fig. 12) illustre bien l’aboutissement de ce présentisme. « Ne m’oubliez pas S.V.P. » demande, comme une aumône, un vieux colporteur représentant le XVIIIe siècle emportant avec lui tout un matériel obsolète, tandis qu’une femme et un jeune garçon se penchent sur le berceau du XIXe siècle nouveau-né, marquant la première case du parcours de jeu de l’oie. Ce dernier mène les joueuses et joueurs à travers le siècle, en énumérant les progrès et grands événements qui l’ont ponctué pour aboutir – avec un brin de nostalgie anticipée, puisque le jeu paraît en 1891 – à une pierre tombale où l’on lit « Ci-gît le XIXe siècle ». L’entrée dans l’histoire est ici indissociable de la promesse des progrès futurs, symbolisés par un embarcadère pour un « Paris-Marseille en 5 minutes » et par une tour surmontée d’un puissant éclairage électrique aux côtés de laquelle la tour Eiffel semble minuscule.

Fig. 12. Jeu fin de siècle (Jeu de l'oie, Paris, Léon Saussine, 1891)
Fig. 11. La France bénissant ses héros à travers les siècles (Loto historique, Saussine, 1907)

 

Le jeu de société dans le sillage de l’image de masse

Les jeux eux-mêmes témoignent des évolutions applaudies par le Jeu fin de siècle. Les premiers jeux de la période, comme les cartes à jouer éditées par Jouy en 1805-1808 et illustrées de gravures de Pierre-François Godard sont relativement austères et saturés de texte. La lithographie et la redécouverte de la gravure sur bois dans les premières décennies du siècle amènent une « popularisation des images17 » sous la Monarchie de Juillet, et l’avènement d’une culture visuelle dans laquelle les artistes embrassent l’innovation technologique avec une créativité débordante18. De manière significative, ces transformations de l’image tiennent une place de choix dans le plateau du Jeu Fin de siècle, dont les vignettes font la part belle à des événements éminemment visuels : panorama (1805), chromolithographie (1830), daguerréotypie (1839) puis photographie (1844), carte postale (1873), et même, juste avant le trépas du siècle, une très expérimentale photographie en couleurs (1891). Les jeux s’insèrent dans cette culture visuelle, et contribuent à une intense circulation des images. Autour de la production des jeux se déploie un réseau d’artistes, typographes et imprimeurs très solide. Les illustrations, parfois signées, témoignent de collaborations souvent pérennes entre éditeurs et illustrateurs : Ludovic Lévy (qui signe « Ludovic ») travaille ainsi régulièrement pour Mauclair-Dacier, tandis que Saussine emploie pendant de longues années Eugène Serre19 et Bernard Coudert, qui collabore également avec la maison A. Lion20. De même, les noms d’imprimeurs comme Jannin, Cresson et Roche frères apparaissent fréquemment sur les illustrations des cartons de jeux. S’appropriant de manière fluide toutes les ressources iconographiques de leur temps, les illustrateurs et éditeurs n’hésitent pas à copier la grande peinture d’histoire. La Galerie des Batailles de Versailles, et les publications qui en reprennent l’iconographie21, fournissent un riche répertoire pour les illustrateurs.

Fig. 13bis. Le comte Eudes défend Paris contre les Normands, 885 - J. V. Schnetz
Fig. 13. Saint Louis défait les Sarrasins devant Tunis (Histoire de France, jeu magnétique, Paris, Léon Saussine, 1885)

 

Fig. 14bis. Bataille de Tolbiac, 496 - Ary Scheffer
Fig. 14. Vœu de Clovis à la bataille de Tolbiac (Grand loto des mots historiques, Paris, Saussine, 1875)

 

Ces derniers n’hésitent pas à copier les grands tableaux historiques en en déformant le contenu, comme le fait Bernard Coudert pour l’illustration du coffret du jeu magnétique Histoire de France édité par Saussine en 1885 (Fig. 13). La légende indique que la bataille représentée est la défaite des Sarrasins par Louis IX devant Tunis, alors que la composition renvoie très clairement au tableau de Victor Schnetz, Le Comte Eudes défend Paris contre les Normands (Fig. 13bis). Les illustrateurs hybrident également leurs sources iconographiques : la vignette centrale du coffret de Grand Loto des mots historiques (Fig. 14) s’inspire à la fois de La Bataille de Tolbiac d’Ary Scheffer (Fig. 14bis) et de celle de Joseph Blanc22, puisqu’elle reproduit la composition de Scheffer, mais affuble Clovis, comme le fait Blanc, d’un incongru casque gaulois. Les artistes employés par les fabricants de jeux puisent également aux sources du livre illustré : si le Loto Jeanne d’Arc (Fig. 10) emprunte son illustration de couvercle à la Jeanne d'Arc en armure devant Orléans peinte par Jules-Eugène Lenepveu pour le décor du Panthéon (Fig. 10bis), les planches (Fig. 15) reprennent quant à elles les illustrations de Félix Philippoteaux pour l’Histoire populaire de la France de Charles Lahure (Fig. 16).

Fig. 16. Procès de Jeanne d'Arc (Lahure, Histoire populaire de la France, t2, p. 16)
Fig. 15. Jeanne d'Arc devant ses juges (Boîte de jeu - Loto Jeanne d'Arc, éd. Léon Saussine)

 


 

 

Au-delà de l’iconographie, les jeux adaptent aussi les nombreux dispositifs visuels de leur époque, en s’inspirant par exemple du théâtre, des panoramas, et du théâtre d’ombres, parfois en les entremêlant, comme le fait Jean Kerhor pour Saussine avec sa série des Ombres héroïques en 1909 (Fig. 17). Ajoutant au foisonnement des formes, beaucoup de jeux combinent eux-mêmes plusieurs formats ludiques : on voit ainsi des cartons de loto réemployés sous forme de jeux de patience ou en forme de cubes. La notice incluse dans la boîte d’un jeu de loto classique précise par exemple que ce dernier est disponible sous trois formes, en jeu de patience, en jeu de cubes et en loto (Fig. 18). Il y a là une forme d’inventivité sans doute aiguillonnée par la concurrence entre éditeurs de jeux, mais aussi une forme d’économie. Les contraintes matérielles liées à la fragilité et l’encombrement des pierres lithographiques encouragent en effet les éditeurs à réutiliser les planches disponibles et à exploiter les illustrations produites par les artistes sur le plus grand nombre de supports possibles23

Image :
Notice jeu
Fig. 18. Histoire de France, Paris, Saussine, 1890. Papier imprimé sur carton, 40,5 x 31,7. Collection Alain Rabussier
Image :
Jean Kerhor, Ombres héroïques. Théâtre d'ombres chinoises
Fig. 17. Jean Kerhor, Ombres héroïques. Théâtre d'ombres chinoises ("L'épopée de Jehanne d'Arc"), Paris, Saussine, 1909, Musée du jouet de Poissy MJ.998.51.1.

 

 

L’industrie du jeu de société

Les quelques exemples cités ci-dessous montrent comment l’édition de jeux de société s’intègre au marché des images, dont l’épanouissement économique de la filière est indissociable. Le Second Empire voit ainsi, parallèlement à l’essor de l’imagerie populaire, fleurir l’industrie française du jouet et du jeu de société24 : en 1868, Henri Nicolle note qu’elle emploie environ 40000 ouvriers à Paris, où elle représente un chiffre d’affaires annuel de 25 millions de francs25. Les expositions universelles sont l’occasion de montrer la vivacité du secteur, auquel une classe spécifique est consacrée à partir de 1900 (« jouets et articles de Paris »)26, mais aussi de faire l’épreuve de la concurrence internationale, notamment anglaise et allemande. Il est fréquent que les fabricants français produisent des jeux destinés à un public européen, comme en attestent les nombreux cartons et règles de jeux édités en plusieurs langues. Les grands magasins prennent à partir de la deuxième moitié du siècle une place structurante dans le développement de l’industrie : en 1891, le sociologue Pierre du Maroussem note que le Bazar de l’Hôtel de Ville « traite à peu près 100000 francs d’affaires de gros sur l’article jouet »27, et souligne la concentration des ateliers de fabrication de jouets sous la pression imposée par la concurrence étrangère (il décompte 59 patrons et 503 ouvriers dans la catégorie « cartonnage, groupement des objets les plus disparates dans un carton ou boîte ») mais aussi la chute des prix, qui « ont mis le jouet de l’enfant riche de jadis aux mains du petit métayer et des fillettes de manœuvre 28 ». Néanmoins, pendant la plus grande partie du XIXe siècle, les fabricants de jeux s’appuient sur le travail d’ « ouvriers en chambre » : en 1860, par exemple, le fabricant Léon Saussine rachète l’affaire de l’éditeur de jeux Hugues Duru, et ce faisant reprend un bail comprenant à la fois l’entreprise et l’appartement parisien situé à la même adresse29. Le domaine emploie majoritairement des femmes, qui selon Maroussem constituent 60% de la force de travail30, et qui œuvrent le plus souvent à domicile pour colorier au pinceau ou au pochoir les illustrations et les coller aux cartons ensuite emballés et montés en boîte en cartonnage. Ce n’est que dans les dernières décennies du siècle que, profitant des progrès apportés par la chromolithographie et la mécanisation, se dessine une production plus centralisée. Le fabricant comme Lucien Mauclair-Dacier peut ainsi se vanter que « l'extension constante et considérable de [s]es affaires, depuis dix ans, [l]'a obligé de monter, en outre de [s]es magasins de vente de la Rue des Haudriettes, une Usine modèle, outillée et agencée avec les derniers perfectionnements, et installée spécialement et exclusivement pour la fabrication de tous [s]es articles31. » Entre 1898 et 1902, il publie dans son catalogue une illustration de cette usine, dans laquelle est résumée toute la chaîne de production, depuis les scies actionnées par une machine à vapeur et les presses jusqu’aux locaux de stockage et d’expédition, en passant par le coloriage et cartonnage (Fig. 19). L’accent mis par Mauclair-Dacier sur le progrès technologique et industriel se retrouve dans de nombreux jeux, dont les éditeurs vantent les procédés innovants, qui font souvent l’objet de dépôt de brevets, notés par la mention « Breveté S.G.D.G. » [« Sans Garantie du Gouvernement32 »]. En 1901, pour tenter de canaliser la production et la vente de jeux et jouets par les bimbelotiers qui envahissent les trottoirs de la ville aux périodes de fêtes, le préfet de police de Paris Louis Lépine propose l’instauration d’un concours initialement conçu pour les seuls fabricants de jouets33. S’il est ensuite élargi à d’autres secteurs de production, le concours suscite l’adhésion des fabricants de jeux et jouets, qui n’hésitent pas à signaler sur ces derniers les récompenses obtenues.

 

Image :
Loto artistique
Fig. 20. Loto artistique - Géographie - Histoire. Paris : Jullien, vers 1900. Coffret cartonné 36 x 30 6 cm. Musée national de l’éducation, Rouen, 1979.07771.
Fig. 19. Vue de l’usine et des ateliers de la fabrique de jeux et jouets Mauclair-Dacier

 

Le jeu dans les réseaux éducatifs

Cet engouement pour le progrès technologique si caractéristique du XIXe siècle va de pair avec une volonté de s’approprier le prestige des institutions éducatives. L’affiliation au domaine de l’éducation est perceptible, en premier lieu, dans la carrière et la biographie de certains éditeurs parfois très proches de milieux enseignants : Watilliaux élabore ses jeux instructifs en collaboration avec des professeurs34, Hugues Duru exerce le métier d’instituteur à la pension Cécile-Margarita dans le Marais à Paris35. Dans le même quartier, le créateur de lotos instructifs Rosenfeld édite ses jeux chez Gedalge, maison spécialisée dans l'édition de livres de prix pour établissements scolaires, et requiert l’aide de l’Abbé Lambert, aumônier de l’Institut impérial des sourds et muets36. Les éditeurs de jeux misent aussi sur le lien avec l’imagerie scolaire, faite à la fois de tableaux affichés en classe et de bons points, buvards et couvertures de cahiers illustrés, ou encore de livres de prix, qui, comme les jeux, traversent les espaces scolaires et domestiques. Certains éditeurs profitent de cette affiliation avec les images de l’école, en proposant des lotos historiques dans des coffrets en forme de grands livres rouges à la tranche dorée, rappelant les livres de prix distribués aux élèves méritants (Fig. 20)37. De nombreux jeux incluent, dans leur notice, des recommandations adressées autant aux familles qu’aux enseignants. La préface au Loto séculaire publié en 1882 par l’inspecteur et auteur de manuels Eugène Brouard explique avec toute l’emphase du pédagogue la règle du jeu, et vante ce dernier comme un « progrès pédagogique ». La boîte du Loto historique, scientifique et littéraire créé par J. Rodier, « directeur de l’école communale St. Thibéry, lauréat de la Société pour l’Instruction Élémentaire » comprend quant à elle une série de lettres de recommandation préimprimées, qui assurent aux enseignants et aux parents que

Cette nouvelle méthode permettra aux élèves avancés de faire une rapide et amusante révision, elle contribuera à donner du goût pour l'étude de l'Histoire aux débutants et aux indifférents, et assurera à la famille, groupée autour de la lampe hivernale, des soirées aussi instructives qu’agréables.

On y trouve en outre un rapport rédigé par M. Brun, « docteur d’université » pour la Société pour l’Instruction élémentaire, dans lequel « l'auteur conseille de lire tout haut, après chaque partie, les faits qui ont été notés par le gagnant, afin que le souvenir en reste ainsi gravé. » L’éditeur prend également le soin de préciser :

[le Loto historique ]« figure sur la liste des ouvrages qui peuvent être suivis dans les Écoles. Nos collègues de l'Hérault, du Gard, du Cantal, de la Vendée, de la Haute-Marne, des Vosges, de Belfort, etc., etc., ont accueilli avec faveur cette innovation que nous recommandons avec la plus entière confiance. Toute facilité pour le paiement est accordée aux Membres de l'Enseignement. 

Dans son Histoire de France illustrée et mise en jeu , Duru encourage une pratique scolaire du jeu, dans laquelle les élèves-joueurs progressent de la lecture jusqu’à la récitation par cœur :

Lorsqu'on aura exercé les élèves pendant plusieurs jours sur la première série, et qu'ils sauront par cœur le contenu des cartes, alors on les fera jouer sans les laisser lire sur les cartes, c'est-à-dire, qu'aussitôt qu'on entendra nommer la carte interrogative de celle qu'il faut donner, on présentera la répondante à son voisin de droite, ou à la personne qui surveillera les joueurs.
Cette seconde manière de jouer se nomme jouer en récitant, et la première jouer en lisant.

Pratique des jeux

Les usages effectifs des jeux restent peu documentés et difficiles à restituer. Les traces d’usage, comme les réparations des papiers, les signatures parfois apposées par les enfants sur les boîtes de jeux leur appartenant, ou l’insertion d’éléments hétérogènes comme des pions (par exemple des pions en plastique ou des pièces de monnaie anglaises dans des jeux édités en France à la fin du XIXe siècle), restent relativement rares. Inversement, la conservation exemplaire de certains jeux, comme c’est le cas des plus austères, laisse deviner le peu d’enthousiasme que ces derniers ont pu susciter auprès de leurs publics. Pour tenter de cerner les usages, on peut s’appuyer sur les livrets accompagnant les jeux et les recommandations qu’ils formulent à l’égard des joueurs. Comme on le voit dans le rapport sur le Loto Historique cité plus haut, les textes encouragent certaines pratiques, comme la lecture à voix haute d’un livret accompagnant le jeu. Le Jeu des sentences et citations. Mots historiques et littéraires suggère, dans la brochure explicative associée au jeu de loto, une collaboration intergénérationnelle :

Loin de vouloir donner trop d’étendue à la brochure qui accompagne ce Jeu et qui en est le complément nécessaire, l’éditeur a dû la restreindre dans des limites qui l’ont souvent empêché de donner certains détails. Pour combler cette lacune, les personnes plus âgées et plus instruites, que le hasard amènerait à prendre part à ce divertissement, feraient bien, tout en badinant, de guider la jeunesse à travers les péripéties du fait dont il s’agit, ce serait à notre avis un excellent moyen de propagation historique et littéraire38.

Ces indications confirment la pratique attendue des jeux instructifs, qui dans le cadre familial sont censés rester soumis à la supervision d’adultes. Une préface ultérieure, également incluse dans la brochure, insiste sur l’importance du texte, permettant d’adosser le jeu à une forme d’étude plus classique, ancrée dans le texte au moins autant que l’image:

On ne manquera pas, non plus, d’engager, de temps à autre, une discussion sur l’origine de tel ou tel mot historique. Si l’on n’en connaît pas la source exacte ou la circonstance dans laquelle il a été prononcé, on consultera avec fruit la brochure dans laquelle les faits ont été résumés39.

S’il concède que, pour les besoins du jeu et de sa rapidité, la véracité historique doiveparfois être sacrifiée, l’auteur de la préface souligne que « certains mots historiques, attribués à tel ou tel personnage, ont bien été donnés sous son nom pour éviter d’éveiller les confusions dans l’esprit des joueurs ; mais dans la partie explicative de la brochure, les faits se trouvent ramenés à leur réalité ». Ainsi pour l’entrée correspondant à la case numéro 28, représentant Cambronne défiant : « La garde meurt et ne se rend pas », le livret précise « Paroles prononcées à la bataille de Waterloo, le 18 juin 1815. Mais on en conteste la paternité à Cambronne qui, du reste, s’est rendu tout de même 40». Ici l’éditeur met au jour l’écart paradoxal entre les représentations familières de l’histoire sollicitées par le jeu, et la version sanctionnée par le texte. Ce dernier oriente évidemment l’interprétation des faits historiques relatés : Jean Kerhor, dans le livret qui accompagne son théâtre d’ombres consacré à l’histoire de Napoléon (Fig. 17), annonce :

Instruire en amusant, faire de l'histoire populaire, - sans parti pris, - facile à apprendre grâce aux décors et aux défilés, développer le culte de ceux qui ont contribué à rendre grand dans le monde notre pays de France, - c'est là le seul but que je poursuis dans ces « Ombres héroïques »41.

On perçoit sans peine le grand écart que supposerait cette histoire « sans parti pris », mais promouvant le « culte » de la grandeur de la France. Au dernier tableau, lorsque le récit conclut « L’Empereur laissait la France plus petite qu’il ne l’avait reçue42 », la grandeur historique est finalement évaluée à l’aune de l’expansion territoriale. Kerhor conclut avec une formule dont les accents nationalistes et moralisateurs rappellent le Cours élémentaire d’Ernest Lavisse43 : « Le premier intérêt d’une nation, c’est de rester toujours maîtresse de ses destinées : elle ne doit jamais s’abandonner aux mains d’un homme, quel que soit le génie de cet homme44 ».

Les textes dirigent, enfin, les gestes mêmes du jeu, comme en témoigne la mise en page du livret de Kerhor, pensé pour accompagner à haute voix le défilé des scènes du théâtre d’ombres. La page du « prologue » spécifie, en didascalie, que ce dernier « se lit le rideau baissé ». Le « Premier tableau : Le Pont d’Arcole » détaille les gestes à accomplir par « le machiniste » :

Le rideau se lève en pleine bataille. Le machiniste avance et recule, pendant le commencement du récit, le canon mobile. On peut au besoin articuler l’artilleur et avec un tube quelconque faire sortir de la fumée de la gueule du canon. – Puis, pendant la suite du récit, tourner d’abord la manivelle de gauche pour faire marcher l’armée autrichienne vers le pont, puis, celle de droite, pour figurer cette armée battant en retraite, et faire venir – plus vite – Bonaparte et ses soldats sur le pont45.

Refaire l’histoire : gestes de jeu

En dépit des tentatives de cadrage décelables dans les textes et règles de jeux, et malgré le nombre limité de traces d’usage effectif, il reste possible d’esquisser quelques hypothèses sur les rapports à l’histoire que ces derniers induisent potentiellement, en s’appuyant sur la structure même des jeux.

Fig. 22. Galerie historique des souverains de France (puzzle)
Image :
Domino historique
Fig. 21. Domino historique - N° 907. 1890. Musée national de l’éducation, Rouen, 2001.00083.

Rebattre les cartes, prendre l’histoire en main

Certains jeux, dans leur forme même, adhèrent assez aisément à la conception de l’histoire qui domine au XIXe siècle – le jeu de l’oie s’accorde ainsi particulièrement bien à une vision progressiste de l’histoire, et nombreux sont les exemples dans lesquels le chemin univoque du parcours de jeu contribue à un récit téléologique. Mais même ces jeux de parcours comprennent une part de hasard : les plateaux sont tous ponctués d’une série de cases dont la fonction est par définition disruptive, obligeant les joueurs à revenir en arrière ou passer leur tour, introduisant de force l’aléatoire dans un parcours qui serait autrement trop monotone. Le Domino historique créé en 1890 par une autrice inconnue propose quant à lui une traversée de l’histoire depuis les temps bibliques jusqu’à Napoléon sur un modèle labyrinthique : chaque fait historique est formulé en une question et sa réponse, réparties sur deux cartes à assembler, avec une seule combinaison possible. Une fois rétablies toutes les correspondances, le parcours complété (Fig. 21) offre une vision de l’histoire très éloignée de la progression linéaire des récits développés dans les manuels scolaires. Le savoir historique est ici fragmenté, dispersé, et même lorsque les joueurs ont répondu correctement à toutes les questions, il se trouve réarrangé dans un circuit qui, s’il est visuellement cohérent, rompt avec l’approche traditionnelle de l’enseignement de l’histoire. Les chronologies de l’histoire de France proposées en jeux de patience (Fig. 22), très populaires sous le Second Empire, fonctionnent sur le même principe : tout le jeu repose sur l’introduction du désordre et de la rupture dans un récit ailleurs présenté comme une continuité relativement fluide, ou du moins logique. Si le but du jeu reste de remettre de l’ordre dans cette confusion, on peut s’interroger sur la perception de l’histoire que provoque la manipulation des pièces disjointes, avec par exemple les possibilités de substitution d’un monarque à l’autre qu’offrent les pièces découpées de manière très régulière. On peut également douter que les joueurs aient passé autant de temps à contempler le plateau achevé qu’à éprouver toutes les combinaisons offertes par l’encastrement des fragments. Le grand nombre de lotos historiques, enfin, est ironiquement emblématique de cette tension entre la chronologie établie et le sens du hasard, qui, on peut le supposer, contamine aussi la vision de l’histoire, elle-même perçue comme une forme de loterie46. Le hasard réside aussi dans la destination même de certains jeux, parfois plus proches du jouet dans leur pratique, puisque livrés sans règle du jeu. Parmi les divertissements les plus amplement diffusés à partir de la seconde moitié du XIXe siècle figurent en effet les découpages, petites et grandes constructions de l’imagerie Pellerin à Épinal et de ses imitateurs. Par leur prix modique et leur caractère éphémère, ces planches mettent littéralement les sujets historiques entre les mains du plus grand nombre. À mi-chemin entre le jeu et le jouet, elles constituent sans doute aussi l’exemple le plus extrême de la liberté de réinterprétation de l’histoire offerte par le jeu. Si la précision des tableaux historiques tels que la prise du moulin de Valmy47 nécessite une minutie et un respect consciencieux des instructions de montage, une fois passée l’étape de la construction, le jeu peut se poursuivre hors du cadre du récit historique accepté. Contrairement aux jeux de société plus onéreux vendus en boîte, ces feuilles volantes ne s’accompagnent pas de textes détaillés pour guider les mises en scène auxquelles les joueurs s’adonnent. On peut cependant voir dans l’édition de séries, comme la série de tableaux consacrés à Jeanne d’Arc48, comme un moyen de jalonner, et par là de cadrer, les remises en scène du récit historique.

Commémorer, mobiliser, railler

Certains exemples cités plus haut témoignent d’un rapport particulier à l’histoire : tout en reprenant le vocabulaire et le panorama familiers de l’histoire de France, ils établissent une continuité avec le présent, que le récit historique vient légitimer. Plus radicalement encore, les jeux consacrés à une période, une figure, ou un épisode particuliers semblent privilégier la mémoire sur le savoir, en manifestant une volonté d’appuyer l’entrée dans l’histoire de certains événements, souvent relativement récents. Ces jeux s’adaptant avec une grande fluidité aux aléas de la vie politique nationale et internationale paraissent le plus souvent dans des formats éphémères, et s’adressent à un public aussi bien enfantin qu’adulte. C’est le cas par exemple du Jeu des héros des mémorables journées de 1830, publié en 183149. Le jeu célèbre les actrices et acteurs de la révolution de Juillet, parfois anonymes, mais dont les noms figurent aussi parfois au bas des cartes. Il existe ainsi, au sein du corpus des jeux à thématique historique, toute une catégorie de jeux qui traitent, avec le vocabulaire des jeux historiques (et notamment le jeu de l’oie), de l’actualité politique. Léo Clarétie note cet engouement pour l’actualité de l’industrie du jouet et des jeux, qui illustrent par là la pertinence de leur description comme « nouveautés » :

Mais la source la plus féconde, c’est l’actualité, que le jouet met à profit avec un esprit, un à-propos et une malice qui le rendent des plus attrayants. A peine un événement occupe-t-il l’opinion, le camelot s’élance sur le macadam à la recherche du client avec le petit objet de zinc découpé et verni qui fixe pour l’enfance les menus détails de l’histoire : une grenouille perforant l’isthme de Panama, ou Behanzin sortant d’une boîte, ou le jeu de Chicago, ou la question de la Triple-Alliance, ou l’Alliance Franco-Russe, sous les espèces d’un casse-noisettes symbolique50.

l’Alliance franco-russe donne en effet lieu à de nombreux jeux, qui marquent du sceau prestigieux de la grande histoire l’événement contemporain, en exhortant par exemple les joueurs à crier « Vive la France ! » ou « Vive la Russie ! » au gré du parcours de jeu51. On voit également se multiplier les jeux consacrés aux « guerres lointaines52 » comme la guerre des Boers et le conflit sino-Japonais53, mais aussi des jeux de l’oie permettant de rejouer une actualité nationale tourmentée, comme la crise boulangiste54, l’affaire Dreyfus (Fig. 23), ou encore l’affaire des fiches55. Le jeu invite ici ses joueurs à prendre parti, ne serait-ce que symboliquement, dans les débats agités, et aspire à les mobiliser.

Fig. 24. Couvercle du « Jeu des manifestants » (casse-tête, 1895)
Fig. 23. Jeu de l'Affaire Dreyfus et de la vérité (Sceaux, Imprimerie E. Charaire)

 

Le Jeu de cartes patriotiques diffusé par Le Monde Illustré56, dont le journal précise bien qu’il est « non autorisé par le gouvernement », engage son public, ne serait-ce qu’en découpant les cartes dans la page du journal, à prendre parti activement. Le Jeu de la Vérité prétend quant à lui amener progressivement ses joueurs vers la conviction de l’innocence de Dreyfus. Le Jeu des 36 Têtes qui lui répond quelques mois plus tard adopte plus décisivement le ton de la caricature, et fait du format ludique le moteur de la satire57. Au tournant du siècle, dans une période d’intenses conflits sociaux, dans le Jeu des Manifestants (Fig. 24), petit jeu de stratégie où le joueur ou la joueuse sont censés endosser le rôle de la police, la Chambre des députés58 ou encore le petit jeu d’adresse Messieurs ! La séance continue, publié au lendemain de l’attentat anarchiste d’Auguste Vaillant (Fig. 25) dans lesquels les joueurs manipulent des billes représentant les députés, on sent à la fois le poids de l’actualité récente, mais aussi un nouveau rapport au pouvoir politique, et à une histoire en train de se faire, dans laquelle chacun pourrait avoir sa part à jouer. Les illustrations de ces jeux reprennent celles de la presse sensationnaliste, principalement celles du Petit Journal dont s’inspire par exemple l’illustrateur de la boîte du Jeu des manifestants59. Chevillé à l’actualité, le jeu apparaît presque comme un média parmi d’autres, forme d’image d’actualité attirante dans un marché de l’image déjà très riche et compétitif, et se démarque des autres images par sa capacité à engager ses publics dans un rapport actif.

Fig. 26. Couvercle du jeu magnétique « Le petit professeur d'histoire » (Paris, Saussine, 1900)
Fig. 25. Messieurs, la séance continue ! (Jeu Simonin-Cuny, Paris, 1893)

 

 

Domestiquer le spectacle de l’Histoire

Ces derniers exemples invitent à se pencher sur une autre forme d’engagement, bien plus prononcée à la veille de la Première Guerre mondiale. Alors qu’au début de la période envisagée ici, on proposait d’ « instruire en s’amusant », le jeu et son plaisir prennent progressivement le pas sur le sérieux de l’apprentissage. Le jeu magnétique du Petit professeur d’histoire (Fig. 26) fait par exemple endosser le vêtement historique à l’enfant, qui prend la place centrale sur l’illustration du couvercle de la boîte de jeu. Le bicorne à cocarde napoléonien et le costume manifestement encore un peu trop grands pour l’enfant soulignent avec un peu d’auto-dérision le décalage entre l’autorité conférée au petit garçon par le jeu, et la référence réelle à l’autorité scolaire, redoublée de l’autorité politique incarnée par les rois de France dont il commente les portraits. Ce petit garçon déguisé en Napoléon montre bien combien la perception de la figure de l’Empereur, et avec elle une forme de révérence envers l’histoire de France, a évolué au cours du siècle. La carte-réclame « Manœuvre Savante » (Fig. 27) illustre la place centrale que l’enfance a pris dans le récit historique : l’image montre un Napoléon agenouillé, grand héros du roman national mis littéralement à hauteur d’enfant, pour transmettre un « savoir » à mi-chemin entre narration historique et pratique ludique. Le petit empereur du jeu de Saussine participe d’ailleurs d’une imagerie publicitaire familière, que l’on retrouve par exemple les affiches publicitaires créées pour les grands magasins avant Noël, ou encore dans les cartes-réclame, comme celle dessinée pour le tapioca de l’Etoile H. Sicard entre 1884 et 1890, qui représente Napoléon Bonaparte enfant faisant des boules de neige dans la cour de l'école militaire de Brienne60. Le héros national est ici vu par la lorgnette de la petite histoire, et mis à la portée d’enfants qui, plus d’un siècle après lui, peuvent s’identifier à lui puisqu’ils partagent sans doute les mêmes jeux. Cette vision d’un grand homme envisagé à la lumière de l’enfance se retrouve également dans les portraits de petits garçons réalisés dans des studios qui proposent des costumes de Napoléon, avec bicorne et galons miniatures, ces mêmes portraits étant parfois par la suite diffusés sous forme de cartes postales. En 1908, l’illustrateur Job, à qui l’on doit Le Grand Napoléon des petits enfants61, illustre une publication destinée à la jeunesse intitulée Jouons à l’Histoire : la France mise en scène avec les joujoux de deux petits Français62. Dans le texte, deux enfants prennent en charge le rôle de narrateurs de l’histoire en recréant des épisodes-clefs du récit de l’histoire nationale à l’aide de leurs jouets. Une poupée figure ainsi Jeanne d’Arc sur son bûcher qu’embrase un diable sorti de sa boîte, tandis que Vercingétorix chevauche un cheval à roulettes et dépose ses armes devant un César pantin (Fig. 28). C’est autant l’image de l’histoire que le récit historique lui-même que les enfants s’approprient, dans une mise en scène qui redouble la médiation, puisque ce sont des images d’enfants jouant avec des images d’histoire que Job offre ici à ses jeunes lectrices et lecteurs. Ici, on voit l’aboutissement d’un processus de mise à l’échelle de l’histoire de l’histoire, ramenée aux proportions du monde de l’enfance. Les enfants sont devenus, au moins symboliquement, maîtres du récit historique.

Fig. 28. La Gaule romaine. Reddition de Vercingétorix à Alésia (Montorgueil, Jouons à l'Histoire !) - Job
Fig. 27. Napoléon intime. Scène VII. – Faisons donner l'artillerie


 

Les jeux à thématique historique incarnent trois tendances profondes de la période : en eux convergent la popularisation de la discipline historique, l’essor de l’image de masse, et la généralisation de l’enseignement. Profondément ancrés dans la culture visuelle de leur temps, ils s’insèrent dans une culture éducative dont ils reprennent les préceptes, mais dont ils débordent le cadre. On voit combien le jeu, sous ses diverses formes, peut subvertir la transmission linéaire des savoirs historiques. Et ce faisant, il place le roman national au point de rencontre paradoxal entre le compte-rendu rigide des faits historiques, et la liberté des hasards du jeu.

Les multiples exemples qui illustrent à la fois les limites d’un récit historique « scolairement conforme » que les jeux revendiquent ostensiblement, et la liberté offerte aux joueuses et joueurs de « refaire l’histoire » livrent cependant un dernier enseignement. Le « jeu », comme le jour entre des pièces de puzzle qui ne s’encastrent pas comme on l’attendrait, constitue une lacune, un écart au regard de la norme du discours historique. Mais on pourrait aussi lire dans cet écart un potentiel supplémentaire, et le voir comme le champ d’une forme nouvelle d’appropriation du discours historique par celles et ceux qui d’ordinaire n’ont pas autorité sur ce dernier.

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Notes

1

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2

Notice #024434, Le Jeu du Monde dédié à Monsieur, Monsieur le Comte de Vivone, premier gentilhome de chambre du Roy par son très humble et très obéissant serviteur Duval, Paris, P. Du Val d'Abbeville, 1645. Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, RESERVE QB-201 (38)-FOL.

3

Sur le jeu de l’oie et son histoire, voir Henry-René d’Allemagne, Le Noble jeu de l’oie en France de 1640 à 1950. La vie quotidienne à Paris de 1820 à 1824. Paris : Gründ, 1950 ; Baron De Vincq d’Orp, Iconographie du noble jeu de l'oye : catalogue descriptif et raisonné de la collection de jeux formée par le Baron de Vinck, Bruxelles, Fr.-J. Olivier, 1886 ; Alain Girard et Claude Quétel, L’Histoire de France racontée par le jeu de l’oie, Paris, Balland-Massin, 1982 ; Abdelmajid Arrif, Julien Baudry, Emmanuelle Chapron Pierre-Marie Delpu, Laurent-Sébastien Fournier, et al., Jeu de l’oie : Histoire et métamorphoses. 2019.

4

James Leith, « La pédagogie à travers les jeux. Le jeu de l’oie pendant la Révolution française et l’Empire », dans Josiane Boulard-Ayoub, dir.,Former un nouveau peuple ? Pouvoir, Éducation, Révolution, Presses de l’Université de Laval, L’Harmattan, 1996.

5

Rolf Reichardt, « Populariser les principes de la Révolution. La sémantique figurée du Jeu national de Paul-André Basset », Bulletin du Vieux papier 442 et 443, (octobre 2021 et janvier 2022) p. 538.

6

James Leith, op.cit. p. 172. 

7

Sophie Wahnich, « Terminer la Révolution française, en finir avec la révolution », Écrire l'histoire, 15 | 2015.

8

Johan Huizinga définit en effet le jeu comme « une action libre, sentie comme « fictive » et située en dehors de la vie courante, capable néanmoins d’absorber totalement le joueur ; une action dénuée de tout intérêt matériel et de toute utilité ; qui s’accomplit dans un temps et un espace expressément circonscrits, se déroule avec ordre selon des règles données et suscite dans la vie des relations de groupes s’entourant volontiers de mystère. » (Johan Huizinga, Homo Ludens, Paris, Gallimard, 2011 [1938], p. 35)

9

Christian Amalvi, Les Héros de l'histoire de France, Paris, Privat, 2001.

10

Sylvain Venayre, Les Origines de la France. Quand les historiens racontaient la nation, Paris, Seuil, 2013.

11

Voir notice #024440 et série. Étienne de Jouy (concepteur), Pierre-François Godard (illustrateur), Jeux de cartes instructives 2, Histoire de France , 1805-08. Jeu de 48 cartes : typographie et gravure sur bois ; 10,4 x 6,9 cm. Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, BOITE 4-KH-384 (21, 13).

12

Voir notice #024444. Jeu des Rois de France. Metz : Gangel et Didion, 1860-1870, gravure sur bois ; 35,8 x 49,2 cm. Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, RESERVE FT 4-QB-370 (147)

13

Voir notice #022776. Lionel Royer, Vercingétorix jette ses armes aux pieds de César, 1899, huile sur toile, 321x482 cm Musée Crozatier, le Puy-en-Velay.

14

Dont par exemple, Eugène Brouard, Leçons d'histoire de France à l'usage des petites classes, 1878 ; Leçons d'histoire de France à l'usage des écoles primaires, 1880 ; Histoire de France racontée à l'aide des tableaux des peintres les plus renommés, à l'usage des écoles maternelles, des écoles enfantines et des petites classes, 1892.

15

Voir notice #024455. Jeu des Rois de France, Metz, Paulin Didion, 1871, estampe, 44,8x53,5 cm, Musée Carnavalet.

16

Alain Rabussier, billet de blog « Panorama des lotos Rosenfeld », 6 mars 2015.

17

Gabriel Weisberg et Petra Ten-Doesschate Chu, dir.,The popularization of Images. Visual Culture Under the July Monarchy, Princeton, Princeton University Press, 1994. 

18

Patricia Mainardi, Another World: Nineteenth-Century Illustrated Print Culture, Yale University Press, 2017.

19

Aurélie Desachy, Conservation - restauration d’un corpus de trois jeux de l’oie, mémoire de fin d’études, école de Condé, 2022, p. 80-83.

20

SNR 3 COUDERT, Bibliothèque nationale de France, département des estampes.

21

Margot Renard, « Pages d’histoire : le livre illustré dans le sillage du musée historique de Versailles », Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles, 19 | 2021.

22

Voir notice #024461. Joseph Blanc, Bataille de Tolbiac, vers 1881. Fresque murale, Panthéon de Paris.

23

Pour d’autres exemples, voir Alain Rabussier, « Faire d’une pierre deux coups », billet de blog, 13 septembre 2012.

24

Michel Manson, Hélène Meyer-Roudet, Le Jouet et la culture enfantine : guide du musée du jouet de Poissy, Paris, Mare & Martin, 2019.

25

Henri Nicolle, Les Jouets, ce qu’il y a dedans, Paris, 1868, p. 6.

26

Musée rétrospectif de la Classe 100. Jeux à l'exposition universelle internationale de 1900 à Paris, Rapport présenté par M. Henry-René d’Allemagne, 1901.

27

Pierre du Maroussem, la Question ouvrière, cours libre professé à la Faculté de droit de Paris. Le jouet parisien, grands magasins : "sweating-system", Paris, A. Rousseau, 1891-96.

28

Ibid., p. 69-73.

29

Gwenaël Beuchet, Dossier de recherche sur un fabricant de jeux en cartonnage, mémoire de DESS, Université Paris 13, 1992, et L'Aventure des jeux Saussine : de L'Uzège à Paris. Exposition, 19 mai-16 septembre 2018, Musée Georges Borias, Uzès.

30

Du Maroussem, op.cit., p. 6.

31

Catalogue Mauclair-Dacier, Paris : Mauclair-Dacier, 1898-1902, n.p., collection Alain Rabussier.

32

La loi du 5 juillet 1844 art. 33, dispose que les brevets recevant cette mention sont délivrés « sans examen préalable, aux risques et périls des demandeurs, et sans garantie soit de la réalité, de la nouveauté ou du mérite de l’invention, soit de la fidélité ou de l’exactitude de la description. »

33

Jacques et Anne-Marie Porot, Du concours de jouets au concours Lépine : 1901-1990, 1990.

34

Eugène Lacroix, Études sur l’Exposition de 1878 : annales et archives de l’industrie au XIXe siècle, Paris, 1878, p. 97. 

35

Gwenaël Beuchet, Dossier de recherche sur un fabricant de jeux en cartonnage, mémoire de DESS, Université Paris 13, 1992, p. 36.

36

François Theimer, Les Jeux anciens. Dictionnaire des fabricants de jeux de 1750 à 1914, Toucy, François Theimer, 2007, p. 83. Alain Rabussier, « Panorama des lotos Rosenfeld », billet de blog, 6 mars 2015.

37

Sur l’imagerie scolaire, voir Annie Renonciat, « L’Art pour l’enfant : actions et discours, du XIXe siècle aux années 1930 » dans Annie Renonciat, dir., L’Image pour enfants : pratiques, normes, discours ; Annie Renonciat, dir., Voir/Savoir : La pédagogie par l'image au temps de l'imprimé Canopé – CNDP, 2012.

38

Livret du Jeu des sentences et citations. Mots historiques et littéraires, Paris, 1901, Musée national de l’éducation, Rouen, inv. 1984.00966, p. 4.

39

Ibid., p. 10.

40

Ibid., p. 30.

41

Jean Kerhor, livret de Ombres héroïques. Théâtre d'ombres chinoises (L'Empereur : ombres en 8 tableaux), Paris, Saussine, 1909, collection privée, np.

42

Ibid.

43

Sur la portée moralisatrice et patriotique des manuels de Lavisse, voir Suzanne Citron, Le Mythe national. L’Histoire de France revisitée, Paris, Éditions de l'Atelier, 1987, 2017.

44

Jean Kerhor, op. cit.

45

Ibid.

46

L’instabilité politique est d’ailleurs intimement liée à l’origine même des jeux de loterie : le gioco del seminario génois, popularisé aux XVIe et XVIIe siècles, consistait en un jeu de pari sur les noms des gouverneurs de la cité, tirés au sort deux fois par an. Giovanni Assereto, «Un giuoco così utile ai pubblici introiti». Il lotto di Genova dal XVI al XVIII secolo , Treviso/Roma, Fondazione Benetton Studi Ricerche/Viella, 2013.

47

Petite construction 32. Le Moulin de Valmy. Metz : Delhalt, 1892. Musée de l’image, Épinal, inv. 2010.5.5848 A

48

Voir notices #024476 et #024477. Grandes constructions faciles 78. Maison de Jeanne d’Arc à Domrémy. Gravure sur bois en couleur, 37x47 cm. Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, FOL-LI-59 (11) et Grandes constructions faciles 79. Jeanne d’Arc sur son bûcher. Épinal : Pellerin, 1891 Lithographie, 39,9x49 cm. Musée de l’image, Épinal, inv. D 996.1.4268 B.

49

Voir notice #024481 et série. E.F.V. Maniez (pseudonyme d’Eugène-François Vidocq), Jeu des héros des mémorables journées de 1830. Nérac - Chalonnes-sur-Loire: Hipployte Tilliard, 1831, estampe (taille-douce) et aquarelle sur carton, 8,4x5,6 cm, Musée Carnavalet, inv. OM518. Voir également ceci.

50

Léo Clarétie, « Utilité de l’ouvrage » in L’Annuaire Officiel des Jouets et Jeux , 1897, p. 8.

51

Voir notice #024491. Henri Meyer, Karl Fichot, F. Miery et G. Julien (dessinateurs), Navelier (graveur) L’Alliance franco-russe. Jeu populaire du Petit Journal et du Journal Illustré, 1892. Gravure (bois de bout) sur papier, 57,5x78,2 cm, Musée national de la Marine, inv. 2009.5.2. 

52

Sylvain Venayre, Les Guerres lointaines de la paix. Civilisation et barbarie depuis le XIXe siècle. Paris : Gallimard, 2023.

53

Voir notice #024493. « Jeu de l’espion japonais », Le Jeudi de la jeunesse, 8 décembre 1904, p. 93.

54

Voir notice #024497. « Jeu de l’oie du général ». Le Figaro, 30 Mars 1889. Impression photomécanique sur papier, 64,2x44,1 cm, Musée de l’image, Épinal, inv. 2010-5-4748.

55

Voir notice #024501. Bruno, Jeu de la casserole, Paris, A. Munier, 1905. Impression photomécanique sur papier, 55x70 cm, Musée de Bretagne, inv. 993.0002.1.

56

Voir notice #024504. « Cartes patriotiques dont la fabrication a été interdite par le gouvernement », Le Monde illustré 13 avril 1889, p. 252. Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, FOL-LC2-2943.

57

Voir notices #024498et #024499. L'Affaire Dreyfus et la Vérité, Sceaux, Charaire, 1891. Lithographie sur papier, 44,5x60,7 cm. Musée de Bretagne, 949.0401 ; A. Lambot, Le Jeu des 36 têtes, L'Antijuif, 5 février 1899. Impression photomécanique sur papier, 44x61 cm, Suresnes, Musée d’histoire urbaine et sociale, inv. 997.00.3176 ; 135.

58

La Chambre des députés, 1909, Musée du jouet de Poissy, inv. MJ. 991.52.1.

59

Notices #024502 et #024508. Henri Meyer, « Les Troubles à Paris », Le Petit Journal, supplément illustré, 22 juillet 1893.

60

H. Sicard, Tapioca de l’Etoile, 1884-1890. Chromolithographie sur carton, 11,1 x 7,6 cm. Mucem, 1994.25.164

61

Job (illustrations) et J. de Marthold (texte), Le Grand Napoléon des petits enfants, Paris, E. Plon, Nourrit et Cie, 1893

62

Job (illustrations) et G. Montorgueil (texte), Jouons à l’Histoire : la France mise en scène avec les joujoux de deux petits Français. Paris : Boivin et Cie, 1908.

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