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Résumé

Notre article propose d'examiner le rôle d'Auguste Vinchon (1786-1855) dans l'écriture du « roman national » à travers sa peinture d'histoire et son métier d'imprimeur. Deux œuvres illustrent nos propos : Jeanne d'Arc blessée sur les murs d'Orléans (1824) et les Enrôlements volontaires, 22 juillet 1792 (1850). Elles témoignent de l'efficacité de la rhétorique du peintre et de son effet spectaculaire dans l'imaginaire collectif.

Abstract

Our article aims to examine the role of Auguste Vinchon (1786-1855) in shaping the « national narrative » through his history painting and his work as a printer. Two works illustrate our analysis: Joan of Arc Wounded on the Walls of Orléans (1824) and The Voluntary Enlistments, July 22, 1792 (1850). They demonstrate the effectiveness of the painter’s rhetoric and its spectacular impact on the collective imagination.

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Références de l’article

Charlotte Laurens de Waru,

Auguste Vinchon (1786-1855) peintre et imprimeur du « roman national » français

, mis en ligne le 06/04/2025, URL : https://utpictura18.univ-amu.fr/rubriques/numeros/roman-national/auguste-vinchon-1786-1855-peintre-imprimeur-roman-national

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Ressources externes

Auguste Vinchon (1786-1855) peintre et imprimeur du « roman national » français

Fig. 1. Autoportrait présumé d'Auguste Vinchon

Né à Paris en 1786, à l’aube de la Révolution française, Jean-Baptiste Auguste Vinchon exprime dès l’âge de 16 ans le désir de devenir peintre [Fig. 1]. Fort des encouragements, du soutien moral et financier, et du capital culturel hérité de sa famille, il entre en 1805 dans l’atelier de Gioacchino Giuseppe Serangeli, peintre italien venu à Paris, en pleine tourmente révolutionnaire, pour rejoindre l’atelier de David. La réputation des ateliers parisiens faisait de Paris une destination privilégiée des artistes européens.

Soutenu par son maître, Vinchon entre à l’école des Beaux-arts en 1810 où il découvre une concurrence rude rythmée par les concours qui sont pour lui une source d’émulation permanente. L’École continue de dominer tout le système de la peinture française du XIXe siècle, par son histoire et par les maîtres qui y enseignent mais aussi à travers le concours du Prix de Rome organisé chaque année. En 1814, tiré de la Description de la Grèce de Pausanias, son Diagoras porté en triomphe par ses fils [Fig. 2] obtient le premier grand prix1 :

On dit que Diagoras se trouvant une fois à Olympie, avec Acusilas et Damagitus, ses fils, ces deux jeunes Grecs, après avoir remporté la victoire, le portèrent par toute l’assemblée, au milieu des acclamations de tous les assistants qui lui jetaient des fleurs et le félicitaient d’avoir de tels fils2.

Fig. 2. Diagoras porté en triomphe par ses fils - Auguste Vinchon

L’œuvre est empreinte de l’enseignement de David, du style simple et pur de la statuaire grecque mais aussi du modelé doux et harmonieux de Poussin et Raphaël. Vinchon démontre sa maîtrise du nu et du drapé antique, selon les modèles pratiques et théoriques néoclassiques. Compte tenu des bouleversements politiques que traverse l’Europe, Vinchon ne rejoint la Villa Médicis qu’en 1816 pour trois années [Fig. 3], riches d’enseignement et d’amitié3.

Fig. 3. L'artiste dans sa chambre à la villa Médicis, Rome - Auguste Vinchon

De retour à Paris, le peintre sait s’adapter à son époque mouvementée, obtenir de nombreuses commandes, publiques et privées, et devenir un peintre d’histoire érudit sous la Restauration et la monarchie de Juillet. En ce début du XIXe siècle, l’État assure la plus grande part du soutien économique et structurel nécessaire à des peintres de plus en plus nombreux4. Dès ses débuts, Vinchon bénéficie de cette protection royale et de son administration, il ne cesse de leur témoigner toute son allégeance et sa reconnaissance :

Ce sont le Ministre de l’Intérieur pour toute l’étendue de la République et le Préfet de la Seine, pour la ville de Paris, qui sont chargés, chaque année, de commander les travaux nombreux que l’État fait entreprendre. Car on ne peut nier que jusqu’ici le gouvernement ne se soit associé à cet amour qui se manifeste en France pour les arts et principalement pour la peinture, et n’ait provoqué assez longuement l’inscription au budget de crédits destinés à pourvoir à la décoration artistique des monuments publics, ou à enrichir les musées de France5.

Jouissant d’une grande indépendance d’action, le comte de Forbin, directeur général des musées royaux, est le véritable ordonnateur de cette audacieuse politique artistique menée sous la Restauration. L’opinion publique et les artistes saluent cet « ami passionné des arts » au « goût sûr et délicat » qui ne cesse de répéter à ses collaborateurs : « Épiez le talent, soutenez-le : ne le forcez pas à faire ce qu’il ne sent pas, à obéir à votre propre inspiration. Désignez les travaux, ouvrez la carrière, montrez le but, n’imposez pas les moyens : Voilà je pense la seule marche raisonnable6. » Le jeune Vinchon tire parti de cette démocratisation des institutions et profite de la bienveillance de l’administration qui entend soutenir les espoirs nouveaux de l’école française au profit d’un « éclectisme authentiquement libéral ». Artiste habile, consciencieux et curieux, il saisit avec empressement chaque opportunité qui se présente. Il ne veut pas perdre de temps, il a cette conscience générationnelle d’une accélération du temps de l’histoire. Son atelier puis le Salon sont les lieux privilégiés de ce désir d’affirmation personnelle.

Chantre de la modernité, il participe à la diffusion massive du récit de la nation à travers ses œuvres exposées au Salon et au musée mais aussi par son second métier d’imprimeur. En 1825, à la mort du second mari de sa mère, Christophe Jean François II Ballard, il hérite de l’imprimerie tricentenaire Ballard, installée à Paris, rue Jean-Jacques Rousseau. Lieux de son quotidien, l’atelier de peinture et l’imprimerie sont au cœur du maillage culturel qui se forme au sein de l’espace urbain parisien « créant des territoires collectifs où les images du passé s’agrègent en un récit intellectuel et émotionnel partagé7 ».

Nous verrons à travers notre article comment Vinchon, peintre d’histoire, participe à l’écriture de ce roman national, comment il fait œuvre de peintre et d’historien. Deux tableaux permettront d’illustrer nos propos et d’étudier deux périodes de la carrière de l’artiste. Le premier, Jeanne d’Arc blessée sur les murs d’Orléans, peint sous la Restauration en 1824, est une œuvre politique et pédagogique, reflet d’une nouvelle inimitié avec l’Angleterre. Vinchon se met au service de la monarchie récemment restaurée avec un sujet apprécié de ses contemporains. Dans le second tableau, l’Enrôlement des Volontaires, 22 juillet 1792, peint sous la Deuxième République, entre 1848 et 1850, Vinchon présente une œuvre politique illustrant l’émancipation libérale et républicaine de l’homme et du citoyen héritée de la Révolution française encore toute proche. Ces deux œuvres mènent une réflexion sur le sens de l’histoire, elles incarnent la grandeur de la civilisation française qui triomphe des horreurs de la guerre et de la violence populaire. Pour Vinchon, la vie de Jeanne d’Arc et l’épisode révolutionnaire offrent des sujets à la dimension visuelle capable de « faire tableau pour les imaginaires ». Chacune à leur manière, ces deux œuvres témoignent de l’efficacité de la rhétorique du peintre et de son effet spectaculaire dans l’imaginaire collectif.

Jeanne d’Arc, héroïne romantique du roman national

Fort de sa formation académique, Vinchon consacre sa carrière à la peinture d’histoire, la plus louée et la plus visible au Salon et au musée. À partir des années 1820, la peinture d’histoire s’ouvre à un nouveau champ iconographique, celui de l’histoire nationale. L’héroïsme sévère antique cohabite avec une histoire de France incarnée par des personnages historiques humanisés, dévoilant leurs états d’âme, leurs faiblesses et la simplicité de leur vie quotidienne. La création d’une imagerie narrativisée autour de la nation devient un véritable enjeu politique pour la récente et encore fragile monarchie restaurée. Vinchon souhaite y répondre et s’engager. Obéissant à l’exigence de vérité historique ou du moins de vraisemblance dans la peinture, encouragée par l’État, il prépare longuement ses tableaux en consultant les livres d’histoire qu’il conserve dans sa bibliothèque personnelle mais aussi en fouillant les recueils de gravures, les planches de costumes et d’ameublement. Il puise son inspiration dans toute cette documentation.

Fig. 5. Jeanne d'Arc blessée sur les murs d'Orléans - Auguste Vinchon
Auguste Vinchon, La Mort de Comala, 1824

Fig. 4. Auguste Vinchon, La Mort de Comala, 1824, huile sur toile, H. 389 cm ; L. 487 cm, Bourbon-Lancy, musée Saint-Nazaire, inv. 2013.0.53

 

 

En 1824, le jeune Vinchon présente deux œuvres au Salon : La Mort de Comala [Fig. 4], inspirée des contes d’Ossian, sujet très en vogue dans l’imaginaire des artistes, et Jeanne d’Arc blessée sur les murs d’Orléans8. De très grandes dimensions9, ce second tableau est acheté au Salon par l’État pour le musée des Beaux-arts d’Orléans, inauguré l’année suivante. L’œuvre y est conservée et exposée jusqu’à sa disparition dans un incendie lors d’un bombardement de la ville en 1940. Elle nous est néanmoins connue à travers une esquisse acquise par le musée des beaux-arts d’Orléans en 2005 mais aussi à travers une série de dessins préparatoires conservés par le musée des Beaux-arts de Tours10. Malgré l’accueil timide reçu par le tableau définitif de Vinchon, auquel certains critiques reprochent « les proportions presque colossales » et la froideur de l’exécution11, l’esquisse du musée des beaux-arts d’Orléans possède un véritable pouvoir de séduction, empreinte de vivacité et de subjectivité [Fig. 5]. Un souffle vital circule et anime cet espace de créativité et d’expérimentation. Vinchon raconte le récit de Jeanne d’Arc par une touche libre et vibrante. Déjà Diderot expliquait la séduction qu’une esquisse peut exercer :

L’esquisse ne nous attache peut-être si fort que parce qu’étant indéterminée, elle laisse plus de liberté à notre imagination qui voit tout ce qui lui plaît. C’est l’histoire de l’enfant qui regarde les nuées et nous sommes plus ou moins enfants12.

Au début du XIXe siècle, Jeanne d’Arc connaît un véritable regain d’intérêt dans le champ de l’historiographie grâce aux récentes découvertes à son sujet13. Gerd Krumeich démontre comment « des historiens qui se voulaient rénovateurs – tels Sismondi, Henri Martin, voire Michelet – ont, dans leur écriture même, lutté contre ces connaissances traditionnelles, auxquelles ils opposaient leur nouvelle sensibilité romantique. […] C’est du point de vue de cette intensité émotionnelle et politique qu’il faut considérer la redécouverte du personnage historique de Jeanne d’Arc14. » Le récit de la jeune héroïne est massivement diffusé par l’imprimé qui connaît ses heures de gloire au XIXe siècle. L’imprimé devient une présence quotidienne pour tous les Français15. Avant la parution du récit de la vie de Jeanne d’Arc par Michelet en 1841 – qui bouleversera la princesse Marie d’Orléans et l’iconographie même de Jeanne d’Arc16 – deux auteurs s’attèlent, sous la Restauration, à raconter la vie de la Pucelle d’Orléans. Philippe-Alexandre Lebrun de Charmettes publie quatre volumes en 1817, « l’ouvrage le plus complet sur le sujet », et, « plus accessible et populaire », Henry Lemaire en 1818. Dans la préface de son livre, Lemaire salue le succès et l’ambitieux travail de son prédécesseur :

Longtemps la vie de l’Héroïne qui a sauvé la France en 1429 a été … reléguée parmi les Contes de la Bibliothèque bleue. Il y a un an environ que M. Lebrun des Charmettes l’a tirée de cette humiliante proscription, en publiant sur ce sujet, cher à tout bon Français, quatre forts volumes remplis de recherches et de dissertations du plus grand intérêt. Ce livre, dont nous sentons tout le prix, nous a donné l’idée d’une composition moins étendue, moins savante, et conséquemment sous tous les rapports, bien plus à la portée du commun des lecteurs : c’est ce que nous offrons en ce moment au Public17.

N’hésitant pas à recourir aux techniques de mise en intrigue du genre romanesque pour s’attirer l’intérêt du public, l’auteur justifie son entreprise, rassure son lecteur quant à la vérité historique de son récit et l’invite même à s’engager dans l’écriture de ce récit de la vie de Jeanne d’Arc :

Nous avons puisé nos matériaux à la Bibliothèque du Roi ; nous garantissons donc leur authenticité, dont chacun d’ailleurs est maître de s’assurer par lui-même. Un récit animé et rapide, quoique renfermant tous les détails nécessaires, nous a paru convenir à ce livre …. La vie soignée de Jeanne d’Arc, ainsi rendue d’un achat facile pour tout le monde, ne saurait être présentée dans un moment plus favorable18.

Dans ces deux ouvrages, la tentative de « récupération » du thème de Jeanne d’Arc apparaît sans fard ni artifice. Dans une France fragilisée et divisée par les chaos successifs de la Révolution et de l’Empire, soldé par la défaite humiliante des armées napoléoniennes à Waterloo en 1815 qui nourrit une profonde anglophobie, le combat de Jeanne d’Arc résonne. Elle est l’héroïne qui a chassé les Anglais hors de France et restauré la monarchie française. L’art n’est pas épargné par ces tensions politiques exacerbées.

Jusqu’en 1850, une soixantaine de toiles à son effigie sont exposées au Salon, reflet de l’importance croissante d’une école qui renouvelle l’approche de l’histoire et de sa représentation. Jeanne d’Arc, malade, interrogée dans sa prison par le cardinal de Winchester de Paul Delaroche est l’une des œuvres les plus remarquées du Salon de 1824 et est caractéristique de ce renouvellement de la peinture d’histoire19. Admirée par Thiers, ladite nouvelle peinture d’histoire « opère en miroir de la nouvelle historiographie. Cette peinture n’est plus inspirée de l’art antique mais de l’art national, et ne cherche plus uniquement l’idéal mais le “pittoresque”, la “couleur locale”, et des “sentiments tendres ou énergiques”20. » Jeanne d’Arc représente l’une des héroïnes principales qui cristallisent l’identité collective des Français. Depuis la fin du XVIIIe siècle jusqu’aux années 1850, l’époque romantique abonde en histoires d’héroïnes aux multiples facettes. Jeunes et belles figures courageuses, agissantes et guerrières comme leurs homologues masculins, parfois malheureuses en amour ou emportées trop tôt par la mort, leurs histoires extraordinaires, véritables mythes, se transmettent grâce à la littérature écrite ou orale et s’inscrivent dans l’imaginaire collectif par le génie des artistes. Jeanne d’Arc, jeune femme vierge et guerrière, est un des archétypes de ces héroïnes romantiques. Elle exprime la force d’un destin et la puissance des passions humaines, un sujet rêvé pour les jeunes artistes et un modèle d’identification pour les contemporains. La jeune bergère de Domrémy s’impose comme une incarnation de la ferveur patriotique, véritable allégorie du courage. Les Bourbons voient en elle l’alliance du peuple et du trône.

Avide de gloire et de combats, la jeune génération à laquelle Vinchon appartient s’empare avec passion de l’histoire de Jeanne d’Arc, comme elle le fera pour la cause grecque deux ans plus tard. Dans une composition parfaitement équilibrée, Vinchon préfigure la représentation de La Grèce éplorée sur les ruines de Missolonghi de Delacroix21. Sa toile offre un sujet clair tout en y associant une recherche de mouvement, de la passion et de la variété. Jeanne surgit des ruines, édifices éphémères et fragiles, autels macabres sur lesquels les victimes des combats furent sacrifiés. « Ô Jeanne, sans sépulcre et sans portraits, […] à tout ce pour quoi la France fut aimée, tu as donné ton visage inconnu22. » Le visage inconnu de Jeanne a su inspirer des générations d’artistes et voir deux modèles s’imposer jusqu’au début du XIXe siècle23. Le premier est le Portrait des échevins, étrange image hiératique d’une guerrière en costume de cour, prenant l’apparence d’une « Judith germanique24 ». Représentée debout, elle porte une robe blanche à taille haute aux manches à crevés. La taille est soulignée par une ceinture brodée d’entrelacs végétaux. L’ovale de son visage est souligné par deux colliers dorés autour du cou et un béret noir et blanc surmonté d’un panache de plumes blanches et noué sous le menton par deux rubans noirs. Telle l’allégorie de la justice inviolable de Cesare Ripa, elle lève de sa main droite son épée à la lame fleurdelisée, la pointe dirigée vers le ciel. Le second modèle est celui peint par Philippe de Champaigne, destinée à la galerie des Illustres au Palais-Cardinal à Paris25. L’élégante héroïne est représentée en pied, de trois quarts, elle porte une armure, son épée portée à l’épaule. Les lourds plis et le mouvement de la jupe traduisent une marche décidée. Disparue en 1940, l’effigie de Jeanne figurait parmi les hommes qui avaient participé à la grandeur du royaume de France, aux côtés des portraits des rois Henri IV, roi réconciliateur et fondateur de la dynastie des Bourbons et de son fils Louis XIII.

Rarement représentée sous l’Empire, l’effigie de l’héroïne se multiplie sous la Restauration26. Dans un mouvement de va-et-vient entre modèle classique et nouvelle sensibilité romantique, Vinchon s’accommode de certains codes iconographiques. L’esthétique davidienne est toujours à l’honneur et rappelle la martialité du modèle du sculpteur Edme-François Etienne Gois27. Il ajoute à sa représentation de Jeanne d’Arc un caractère empathique et spirituel, lui insuffle une nouvelle fraîcheur emblématique. Deux dessins préparatoires nous montrent que Vinchon n’a pas pensé initialement son œuvre comme uniquement centrée sur la figure de Jeanne [Fig. 6 et 7].

Auguste Vinchon, Jeanne d’Arc blessée sur les murs d’Orléans, étude de détail

fig. 7. Auguste Vinchon, Jeanne d’Arc blessée sur les murs d’Orléans, étude de détail
Image :
Auguste Vinchon, Jeanne d’Arc blessée sur les murs d’Orléans, étude d’ensemble

Fig. 6. Auguste Vinchon, Jeanne d’Arc blessée sur les murs d’Orléans, étude d’ensemble, pierre noire et craie blanche sur papier vélin bleu, H. 29,9 cm ; L. 29 cm, Tours, musée des Beaux-Arts, inv. 2000-9-42

 

Il l’imagine d’abord en pleine action, en train de prendre le fort des Tournelles, hissée au sommet d’une échelle, assaillie par les ennemis28. Finalement, le peintre recentre l’effet dramatique de sa composition sur la figure de Jeanne et choisit un autre moment du récit, comme un instant suspendu dans le temps. Jeanne est désormais le personnage unique de sa composition, et le peintre met l’accent sur l’héroïsme individuel de la jeune femme qui vient au secours de la monarchie, prônée par l’idéologie contemporaine. Coiffée de sa toque en velours noir surmontée de son panache blanc symbolique, Jeanne porte une robe courte, de couleur rouge carmin, rehaussée de franges et broderies d’or. La large chemise d’homme de toile blanche nous dévoile son cou long et fin et une épaule délicate. Le contraste du velours noir et de la toile blanche souligne l’ovale gracile et les traits fins de son visage. Sa taille est quant à elle mise en valeur par une fine ceinture noire. En lui peignant une épée au fourreau, Vinchon entend représenter une jeune femme à la fois meneuse d’homme et pacifiste : « jamais elle ne répandit le sang ». Elle brandit de sa main gauche son célèbre étendard triangulaire à la blancheur éclatante et aux bordures dorées. Annonciateur d’une victoire – repris comme symbole positif et fédérateur par la monarchie des Bourbons – il surgit dans le ciel dont le bleu réapparait derrière les nuages et la fumée des combats. La nuée théâtrale atténue la présence de l’environnement et met l’accent sur l’héroïne individuelle. Blessée à l’épaule, Jeanne s’appuie de sa main droite sur les restes d’une échelle en bois posée contre des blocs de pierre pour l’aider à se relever et à tenir debout. Au sol, au milieu des décombres et de braises encore fumantes et incandescentes, des pièces d’armure éparpillées sont piétinées par Jeanne qui avance dans un mouvement ascensionnel.

Le livret du Salon ne précise aucune source littéraire précise mais un passage de l’histoire de Jeanne d’Arc par Lemaire semble l’avoir inspiré. Lors du siège du fort des Tournelles, Jeanne est blessée par une flèche entre le cou et l’épaule. Ses hommes l’écartent du champ de bataille et lui retirent son armure :

Elle tombe presque sans connaissance… Vingt guerriers anglais se précipitent à sa suite dans le fossé, se disputant l’honneur de la faire prisonnière …. Dunois, plusieurs autres officiers, son aumônier et son page s’empressent de la secourir. … On la panse ; des larmes abondantes coulent de ses yeux et de ceux de tous les Français témoins de cette scène désespérante …. On parle de se retirer… Tout à coup elle se ranime en regardant le ciel, s’écrie : « C’est de la gloire, et non du sang qui coule de ma blessure29. »

Le plus fidèlement possible, Vinchon essaie de retranscrire l’expression du visage de Jeanne imaginée par Lemaire. Blême et affaiblie, surgissant des ruines, elle se relève pour faire fuir l’ennemi. Elle regarde droit devant elle, guidée et animée par une vision divine. Un souffle surnaturel se répand sur l’œuvre du peintre :

Arrivée près du boulevard, elle se jette en bas de son cheval, saisit son étendard, et essaie une seconde fois de gravir la redoute ennemie …. La figure de Jeanne paraît effectivement animée, mais d’une expression divine ; le désir de la vengeance ni la colère ne la décomposent : le sentiment de la victoire y règne seul. … Jeanne renverse ce qui s’oppose à son passage, mais ne donne point la mort : son épée est pure de sang ; il semble que ce soit un pouvoir surnaturel séparé de sa personne, qui terrasse soudain les guerriers qui essaient d’arrêter ses pas. … ce fantôme redoutable continue de gagner du terrain. Une partie des Anglais fuit devant lui sans combattre30.

À travers la pâleur du teint de Jeanne, Vinchon illustre une ambivalence symbolique, elle est à la fois l’expression de l’état du corps blessé et meurtri mais aussi l’incarnation de la beauté de son âme. L’apparence marmoréenne du visage participe à la construction de l’héroïne romantique ; elle associe Jeanne à la fragilité et à la précarité du destin. Sanctifiée par le pinceau de Vinchon, elle est suspendue entre terre et ciel, mi-déesse, mi-femme. Elle incarne cette idée partagée du sacrifice des corps pour la liberté, celle du peuple français contre le tyran anglais. Vinchon nous offre un portrait sensible de cet « idéal féminin » recherché par les artistes des années 1820. En renouvelant l’iconographie liée à Jeanne, Vinchon parvient à créer une œuvre dont la dimension visuelle doit frapper les mémoires de ses contemporains. Elle annonce la phrase qu’écrit Michelet vingt ans plus tard : « Souvenons-nous toujours, Français, que la patrie chez nous est née du cœur d’une femme, de sa tendresse et de ses larmes, du sang qu’elle a versé pour nous31. »

Au Salon, le tableau de Vinchon est remarqué mais timidement reçu par la critique. Le davidien Landon lui reproche ses « proportions presque colossales » qui « ont jeté un peu de froideur dans l’exécution »32. Un critique anonyme, le Masque de fer, y voit « une virago par trop assommante33 » tandis que Stendhal lui trouve quelques qualités :

La Jeanne d’Arc de M. Vinchon a quelque chose qui saisit l’attention. Ce tableau, placé à une grande hauteur dans une vaste salle, ferait plus d’effet que dans la galerie d’Apollon. Jeanne d’Arc touche peu, parce que nous vivons malheureusement dans un siècle de coquetterie, et qu’elle a un peu l’air de songer à la beauté de ses épaules, et d’avoir un corset. […] Tout ce qui rappelle la mode actuelle tue l’effet d’un tableau d’histoire34.

Enfin, le critique M*** reconnaît « un beau corps de femme, une belle nature et de belles lignes » mais s’interroge :

On ne peut méconnaître sans doute dans ce peintre le goût du grand et du beau, et un choix heureux de natures et de lignes ; on trouve même dans ses ouvrages des détails d’ajustement qui pourraient lutter de délicatesse et de goût avec ce que M. Guérin (Pierre) peut avoir fait de mieux en ce genre ; mais, il faut le dire, qu’est-ce que tout cela en peinture, sans la vie et la chaleur, et si l’on n’aperçoit après cela que de grandes natures froides et sans expression ? On aura beau nous vanter ce prétendu style, je préférerai toujours, quant à moi, des compositions dans lesquelles il sera moins grand, mais où l’on trouvera la vie et le mouvement. […] Où est l’expression de cette tête ? Que dit-elle ? Et puis comme toute cette figure est dessinée et peinte froidement ! Ensuite, ses carnations sont de la craie, comme disait Diderot, ou du plâtre, et le tout est peint avec un contraste de couleurs qui peut plaire à la multitude, mais dont le goût doit faire justice35.

La figure de Jeanne d’Arc jalonne la carrière de Vinchon, il s’y intéresse dans deux autres de ses œuvres. Au Salon de 1838, elle apparaît au centre du Sacre de Charles VII à Reims, tableau commandé pour le musée de l’Histoire de France, créé et installé par le roi Louis-Philippe au château de Versailles36. Vinchon respecte là encore l’iconographie traditionnelle, mêlant style troubadour et détails réalistes [Fig. 8].

Fig. 8. Sacre de Charles VII à Reims, 17 juillet 1429 - Auguste Vinchon

En février 1848, Vinchon peint Louis-Philippe et la famille royale visitant les galeries historiques de Versailles37. La scène se passe peu de temps après la mort tragique et précoce de la fille de Louis-Philippe, élève du peintre Ary Scheffer et artiste de talent. Le véritable sujet du tableau est la Jeanne d’Arc sculptée par la princesse Marie d’Orléans. Sa Jeanne pacifique, en prière, mains jointes, simple et vraie, deviendra le prototype iconographique dont l’exemple le plus achevé sera celui d’Ingres38. À travers cette émouvante scène nocturne [Fig. 9], Vinchon peint le dernier portrait du roi des Français et de sa famille, aux côtés de celle qui s’inscrit dans la mémoire collective comme la « fille du peuple ».

Fig. 9. Louis-Philippe et la famille royale visitent les Galeries Historiques de Versailles, 1848 - Vinchon

Les Enrôlements volontaires : l’exaltation du patriotisme collectif sous la Deuxième République

La Révolution fascine en tant qu’expression puissante d’une volonté de changement politique, social et économique. Les artistes fixent le récit iconographique fortement inscrit dans la mémoire collective. Cette iconographie se construit autour de la notion d’événement et de collectif39. À l’instar du récit de Jeanne d’Arc, récit et image fonctionnent ensemble : « Le récit explicite les événements dans leur dimension idéologique, lorsque l’illustration se concentre principalement sur la dimension actionnelle […] se nourrit du spectaculaire avant tout40. » À partir des années 1820, les historiens livrent les premières études systématiques sur la Révolution de 1789, qui fait « l’objet d’une actualité politique renouvelée41 ». Dans ce premier quart du XIXe siècle, l’historiographie cherche à replacer la Révolution dans le temps long de l’histoire de France. Adolphe Thiers publie son Histoire de la Révolution en 1823, puis en 1847-1848, quatre autres livres paraissent : l’Histoire de la Révolution de Michelet, l’Histoire des Girondins de Lamartine, l’Histoire de la Révolution de Louis Blanc et l’Histoire des Montagnards d’Alphonse Esquiros. Vinchon participe à ce projet en illustrant deux épisodes de la Révolution française. Le grand homme est mis en avant dans son Boissy d’Anglas saluant la tête du député Féraud à la séance du premier Prairial an III [Fig. 10], vainqueur du concours de 183042.

Fig. 10. Boissy d’Anglas saluant la tête du député Féraud à la séance du premier Prairial an III - Auguste Vinchon

Par un arrêté du 25 septembre 1830, l’État organise un concours public pour l’exécution de trois tableaux et ainsi reprendre la décoration de la salle des Séances de la Chambre des députés, interrompue par les soulèvements de juillet 1830 et la chute du roi Charles X : « Des tableaux d’un intérêt aussi national ne peuvent être proposés par le gouvernement sans exciter la rivalité des artistes les plus distingués. Un concours public peut seul prévenir les réclamations et satisfaire l’ambition de tous43. » Aux côtés du Serment de Louis-Philippe Ier à la Charte constitutionnelle, le 9 août 1830, les deux autres tableaux visent à honorer deux grands hommes : Mirabeau et Boissy d’Anglas. Cent-vingt artistes participent au concours. Cinquante-trois participent à celui du Boissy d’Anglas, c’est le plus plébiscité par les peintres. Boissy d’Anglas doit illustrer l’autorité de l’Assemblée constituante face aux excès et aux violences révolutionnaires. Le Ier prairial an III, le 20 mai 1795, des émeutiers envahissent la salle des Séances alors présidée par Boissy d’Anglas. Pendant l’émeute, le député Féraud est abattu, et sa tête présentée au bout d’une pique à Boissy d’Anglas. Le président se lève, salue la tête du député et parvient à empêcher la dissolution de l’Assemblée jusqu’à l’arrivée de la garde nationale44. À l’instar de Pierre Serna, nous pouvons nous interroger sur l’événement représenté : s’agit-il de l’émeute de 1795 ou de celles vécues quelques semaines plus tôt, en juillet 183045 ?

Vinchon s’impose à d’autres artistes tels Delacroix46 ou Alexandre-Évariste Fragonard47. Selon Marrinan, toutes ces esquisses forment « une synthèse originale des forces sociales et artistiques au début des années 1830 […] ce même ensemble de forces avait conduit à une dissolution des hiérarchies traditionnelles de la peinture dans lesquelles les hautes aspirations de la peinture d’Histoire étaient en fin de compte fusionnées aux préoccupations documentaires particulières des images-types du genre historique48. »

Fig. 11. L'enrôlement des volontaires devant l'Hôtel de Ville de Paris, 22 juillet 1792 - Vinchon

Dans les Enrôlements volontaires49, le collectif triomphe [Fig. 11]. Il aborde le thème narratif et iconographique des masses et essaie de comprendre cet enchaînement d’actes et de faits, où l’émotionnel est l’un des moteurs principaux. Le 11 juillet 1792, l’Assemblée législative déclare « la Patrie en danger ». La France est en guerre contre l’Autriche et la Prusse. Il s’agit d’une date clé de l’histoire révolutionnaire. Depuis le 15 juin 1791, un registre d’inscription des Volontaires est ouvert dans chaque district. L’appel renouvelé du 11 juillet 1792 incite tous les Volontaires à affluer vers Paris afin d’organiser les corps armés. Quarante-deux nouveaux bataillons sont attendus. Exposé au Salon de 1850, le tableau de Vinchon est accompagné de la description suivante :

Des partis opposés divisaient l’assemblée législative ; presque toute l’Europe s’était liguée ou avait pris les armes contre la France. Déjà les troupes étrangères s’avançaient en grand nombre vers les frontières et les menaçaient de toutes parts. En présence de cette situation alarmante, le président de l’assemblée législative prononça la formule solennelle : Citoyens ! la patrie est en danger ! Dès cet instant, les séances sont déclarées permanentes ; on tire des coups de canon de moment en moment pour annoncer la crise ; des amphithéâtres sont élevés sur les places publiques et principalement sur la place de l’hôtel-de-Ville. Là, des officiers municipaux inscrivent le nom des citoyens qui viennent s’enrôler volontairement pour se porter aux frontières. Dans cette grave circonstance, d’après l’impulsion donnée par l’assemblée législative, toutes les animosités s’oublient, les opinions les plus opposées se réunissent dans l’intérêt commun. Vergniaud, Barbaroux, Brissot et d’autres Girondins, ainsi que Marat, Camille Desmoulins, Robespierre et André Chénier, animent par leur influence ce dévouement patriotique. En avant de l’amphithéâtre, le général Dumouriez encourage les citoyens dans cet élan national, et près de lui, Pétion, maire de Paris, promet aux mères éplorées que la Ville subviendra aux besoins de leurs enfants, en l’absence de leurs pères. Les tribunes, remplies de femmes, parmi lesquelles on remarque Mme Roland, applaudissent à ce noble entraînement. Plus loin, on distribue des armes. À la tête de cette jeunesse qui part, si ardente, si courageuse, si unanime quand il s’agit de l’honneur du pays, on distingue le jeune Gouvion Saint-Cyr, alors officier, plus tard, nommé général en 1794. Ce sont ces enrôlements volontaires, c’est l’élan patriotique de cette époque, qui contribuèrent si puissamment à sauver la France de l’invasion étrangère et à porter si haut la gloire des armes françaises50.

En octobre 1848, le gouvernement de la IIe République commande à Thomas Couture un grand tableau pour la salle des séances de l’Assemblée nationale représentant La Patrie en danger (Enrôlements des volontaires), en remplacement du portrait de Louis-Philippe, souverain déchu. L’enjeu de cette commande est de promouvoir les valeurs républicaines mais aussi de soutenir les artistes durement touchés par la crise économique engendrée par l’actualité politique. À la suite du coup d’état impérial du 20 décembre 1851, l’œuvre reste inachevée51. Au même moment, et sans avoir reçu aucune commande publique, Vinchon travaille sur le même sujet, semblant tirer profit de ce climat particulier en France après la proclamation de la IIe République. Marie-Claude Chaudonneret nous décrit ce véritable tournant dans la société :

Les premières semaines de la Deuxième République furent euphoriques et particulièrement pour les artistes. La très grande majorité des citoyens furent unis par le même rêve d’une République juste, fraternelle et pacifique. Cet « esprit 48 » resta et demeure un symbole. […] Dans le monde des arts, plus rien ne devait enfreindre le grand principe d’égalité. « La Révolution du 24 février nous a ouvert les portes d’un monde nouveau, tout radieux d’espérances. Le génie de la Liberté a ravivé les flammes éternelles de l’art. » Il n’était plus question de favoriser quelques privilégiés mais de permettre à tous les artistes de s’exprimer52.

Inspiré par le récit de Thiers, Vinchon fige la narration dans la temporalité de l’époque. L’éditeur Lecointe loue le projet de l’historien et cette nouvelle vision qu’il souhaite transmettre aux Français :

C’est surtout à cause de son influence sur les esprits, que ce livre mérite d’être remarqué entre beaucoup d’autres. La Révolution française, mal connue des générations nouvelles, ne leur apparaissait, dans le nuage du passé, que comme un rêve sanglant et terrible. […] L’Histoire de M. Thiers, en expliquant, en justifiant et réhabilitant le passé, fit comprendre le présent et l’avenir53.

Vinchon s’insère dans ce projet de valorisation de l’épisode révolutionnaire et souhaite rejoindre cette nouvelle génération de peintres que Thiers soutient avec ardeur :

J’ai désigné MM. Delacroix, Scheffer, Sigalon, Schnetz, Delaroche, comme étant sur une route nouvelle, sur la route de la véritable histoire, j’ai dit que, malgré des défauts, ils donnaient de l’expression sans manquer de noblesse ; qu’ils savaient être exacts et quitter les costumes grecs sans manquer de style ; que leurs compositions n’étaient ni maniérées, ni triviales54.

Sa toile est dotée de la même efficacité visuelle que le Allons ! de Scheffer, illustration de l’Histoire de Thiers. Évoluant dans le milieu libéral du Paris des années 1820 autour de La Fayette et du duc d’Orléans, Scheffer représente un départ de volontaires chantant sous le drapeau tricolore. Peuple et armée se mêlent dans cette marche joyeuse et patriote. Il jette les bases d’une iconographie qui irrigue le siècle55. Un sentiment plus pacifiste anime la composition de Vinchon pour mieux répondre aux attentes du public républicain de 1848. À droite, une compagnie de Volontaires se met en marche, elle suit avec ordre et dévouement le commandement du jeune Gouvion Saint-Cyr qui arbore un grand drapeau tricolore. La dignité classique de sa posture et sa position sur l’axe central de la perspective en font le véritable point de ralliement de cette jeune assemblée. Vêtus de bleu, blanc et rouge, ils défilent fièrement devant la tente dressée sur la place de l’Hôtel de ville pour inscrire les noms des nouveaux volontaires. À gauche, Vinchon représente Jérôme Pétion de Villeneuve, maire de Paris, et le général Dumouriez, futur vainqueur de Valmy et Jemmapes, mais aussi Marat et Robespierre.

Vinchon essaie de saisir cette époque révolutionnaire, dont la violence a bouleversé son enfance. Les nombreux dessins préparatoires conservés à Tours et son Boissy d’Anglas dévoilent la réflexion qu’il mène sur les notions de foule et de journée, d’énergie et de violence. L’idée de temps est fondamentale pour aborder la représentation de l’événement :

Auguste Vinchon, Les Enrôlements volontaires, 22 juillet 1792, études de femmes

Fig. 13. Auguste Vinchon, Les Enrôlements volontaires, 22 juillet 1792, études de femmes, vers 1848-1849, crayon, fusain et craie blanche sur papier gris-bleu, H. 31,4 cm ; L. 46 cm, Tours, musée des Beaux-Arts, inv. 2000-9-82
Image :
Auguste Vinchon, Les Enrôlements volontaires, 22 juillet 1792, études de soldats

Fig. 12. Auguste Vinchon, Les Enrôlements volontaires, 22 juillet 1792, études de soldats, vers 1848-1849, crayon et craie blanche sur papier gris-bleu, H. 31,5 cm ; L. 26 cm, Tours, musée des Beaux-Arts, inv. 2000-9-89

 

Les dessins préparatoires nous montrent que la composition de l’artiste s’élabore lentement, selon un rythme qui lui est personnel57. Les acteurs représentés sont minutieusement choisis pour s’approcher d’une vérité historique [Fig. 12 et 13]. Le but principal de Vinchon est de chercher à dégager le sens profond de l’événement. Dans l’angle inférieur gauche de la composition, réservé aux femmes et aux enfants des Volontaires, Vinchon confère à ces personnages une portée universelle. La fiancée éplorée, la mère portant son enfant dans les bras sont dotés d’une puissante force dramatique et d’un grand pouvoir d’identification :

Le peintre d’histoire qui plaçait à l’avant-scène de sa composition une figure populaire, même anonyme, lui procurait une identité forte simplement par sa présence picturale. Les idéaux révolutionnaires donnaient à ces figurations anonymes une dignité chargée de revendications58.

À l’arrière-plan, la silhouette des tours de Notre-Dame, la façade discrète de l’ancien Hôtel de ville et le bureau de recrutement placé sous une tente finissent de former un cadre convaincant. À l’instar du Dix août 1792 de Jacques Bertaux59, Vinchon fait le choix de minorer l’architecture. L’attention est dirigée sur le cortège et les costumes des personnages représentés. L’œuvre de Vinchon est une construction imaginaire élaborée à partir de motifs qui mêlent diverses conceptions pour traiter de l’événement : le portrait collectif, l’héroïsation à la manière de la scène classique, l’esprit de reportage de la scène de bataille, la vision topographique, l’anecdotisme de la scène de genre, l’allégorisation historique cohabitent sur la toile. Philippe Bordes met en avant la force de ces images sur le public :

Faute d’avoir autre chose à se mettre sous les yeux, le spectateur qui souvent est un lecteur face à des illustrations, se laisse volontiers désarmer par ces reconstitutions graphiques et peintes, tant l’illusion d’avoir affaire à un témoignage véridique et fidèle est séduisante. C’est par cette action sur les perceptions historiques que les images agissent sur les comportements, en mobilisant à partir d’un événement fondateur et sur les valeurs collectives60.

Dans la lignée de la Distribution des Aigles61, fidèle à l’enseignement de David, Vinchon parvient à trouver un équilibre dynamique en disposant ses différents groupes dans un lieu clos, comme sur une scène de théâtre. Il célèbre l’héroïsme individuel et collectif promu par le gouvernement pour rallier à lui les citoyens. Philippe Bordes explique cette recherche d’un art véritablement nouveau, propre à la Révolution :

Cela passe par un registre dont l’intensité dramatique est empruntée à la scène de bataille : mais aux figures types de guerriers et de cavaliers engagés dans des mêlées sans desseins apparents se substituent des citoyens ordinaires, dont l’anonymat est pris en charge par leur identification avec la République pour laquelle ils prennent les armes et sont prêts à sacrifier leur vie62.

L’iconographie se teinte d’un nouvel esprit militaire. Soucieux de suggérer le caractère uni de la mobilisation des volontaires, Vinchon respecte l’unité du temps de l’action. À la suite de Cogniet dans la Garde nationale de Paris part pour l’armée, septembre 179263, l’élan collectif, caractérisé par l’expression outrée des gestes et des visages, porte loin. Le paysage urbain, les vêtements contemporains ne retirent rien à l’impression d’une scène glorieuse. En accordant un rôle essentiel aux femmes et aux familles qui encouragent leurs maris et leurs frères à s’enrôler, Vinchon et Cogniet, dans un esprit romantique, lient l’expression des affections privées à celle des sentiments patriotiques. À propos de ces soldats de la Révolution, Louis Madelin écrit :

Tous garderont cette vision transportante de leur propre héroïsme et de l’émouvant départ. On s’arrachait des bras des parents avec des larmes. « Le bruit du tambour, écrira l’un d’eux, le futur général Lejeune, les cris d’allégresse de la population qui accourait à notre passage en chantant l’hymne de la Marseillaise dissipaient notre émotion, nous nous écriions tous avec joie : Nous voilà soldats64 ! »

Illuminant le visage des Volontaires, Vinchon symbolise le mysticisme qui les anime :

Leur âme était toute aux principes qui avaient triomphé en 1789 : la Liberté, l’Égalité et la Fraternité. Ils avaient adopté les amours et les haines, les enthousiasmes et les préjugés de la Révolution […]. Révolution, République, Patrie, ils les aiment avec exaltation65.

Auguste Vinchon, Les Enrôlements volontaires, 22 juillet 1792, détail de Gouvion Saint-Cyr

Fig. 14. Auguste Vinchon, Les Enrôlements volontaires, 22 juillet 1792, détail de Gouvion Saint-Cyr, vers 1848-1849, huile sur toile, H. 470 cm ; L. 778 cm, Vizille, musée de la Révolution française, inv. D 1988-1

Le jeune Gouvion Saint-Cyr traverse le temps, sans relâche [Fig. 14]. C’est Vinchon, lui-même, qui par son pinceau s’évertue à s’approcher de la vérité, honnête et sincère. Il met son art au service de la défense de la République, dans l’esprit pacifique du début de la IIe République. Résonnent en lui les paroles de Lamartine, ministre des Affaires étrangères, prononcées le 4 mars 1848 : « La guerre n’est pas le principe de la République française comme elle en devint la fatale et glorieuse nécessité en 1792. » Il exerce également son métier d’imprimeur au profit du Gouvernement provisoire et de la mairie de Paris66. Il partage l’idée de Théophile Thoré d’un art utilitaire et pédagogique, un art social qui peut être compris de tous et devenir un « moyen d’amélioration morale et d’éducation sociale67 ».

Malgré le sentiment patriotique et la visée éducative que Vinchon souhaite insuffler à sa toile, la critique est sévère et incisive. Elle lui reproche la théâtralité et la convenance de sa composition :

Cette toile tiendra bien sa place dans un de nos musées ; nous regrettons seulement de lui trouver plutôt l’aspect d’une représentation théâtrale que d’une scène populaire ; la réalité manque ; puis tous ces jeunes gens se ressemblent, et, pour faire sans doute opposition à la laideur de Marat, M. Vinchon les a faits trop gentils. Nous aimons bien à voir beaux ces nobles défenseurs de la patrie menacée, mais nous regrettons de les voir jolis68.

Un autre critique surenchérit : « il est dommage que M. Vinchon nous ait gâté ces Enrôlements de 1792 en les habillant à la façon de l’Opéra-Comique. Quelle appétissante jeunesse aux joues blanches et roses ! Voilà des chérubins qui feront bien des ravages partout où on les conduira69. » Seul le davidien critique Delécluze semble prendre sa défense en louant la juste interprétation que l’artiste donne de cet événement historique même s’il regrette la pâleur de sa palette :

Mais quittons ces tristes souvenirs de nos discordes civiles, et tournons nos regards vers un tableau qui constate et célèbre au moins un des beaux mouvements qui honorent les commencements de la révolution française, les Enrôlements volontaires en 1792. […] M. Vinchon s’est proposé, dans sa grande composition exposée en ce moment, de donner à cette scène un caractère plus grave, en la rattachant d’une manière plus intime et plus éclatante à ce grand élan de la France entière en 1792, pendant lequel les partis, déjà divisés d’opinions sur les grandes questions politiques, firent taire un instant leurs passions, pour ne s’occuper que du salut du pays, menacé d’être envahi par les puissances étrangères. […] Toutefois l’ensemble de ces personnages ne forme que l’entourage du groupe principal qui anime et écrit nettement le sujet. Du milieu de ces hommes, dont j’ai déjà nommé quelques-uns, s’avance avec joie et ardeur la tête d’une colonne de jeunes volontaires armés et équipés en guerre, conduits par un officier aussi jeune qu’eux et levant avec enthousiasme le drapeau tricolore. À l’air radieux et déterminé de la troupe et de celui qui la commande, Gouvion de Saint-Cyr, on devine qu’il y a là une pépinière de soldats, d’officiers, de généraux et de maréchaux qui défendront la France contre les ennemis du dehors, et rachèteront de leur sang glorieux celui qui fut lâchement versé au sein de leur patrie.

Cette composition, belle et bien expressive, fait honneur au talent de M. Vinchon, et me paraît

être une des mieux conçues de celles que l’on voit à l’exposition. L’exécution en est recommandable et elle ressortirait bien davantage si l’auteur, faisant quelques retouches à son tableau, donnait plus d’éclat à son coloris et de solidité à ses ombres. Il est vrai que la plupart des tableaux qui entourent le sien dans le grand salon se sentent tellement du ragoût si épicé de l’école espagnole, que cette comparaison lui nuit. Mais sans se laisser aller aux exagérations de la peinture à la mode en ce moment, M. Vinchon fera bien de remonter tant soit peu son tableau de ton70

Exposée de nouveau à l’exposition universelle de 1855, après l’avoir retouché sur les conseils de Delécluze, l’œuvre est achetée par l’État auprès de sa veuve en 1856. Elle servira à promouvoir diverses causes patriotiques et figurera sur les souscriptions nationales émises jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale aux côtés du Départ des Volontaires de 1792 de François Rude et de Rouget de Lisle chantant pour la première fois la Marseillaise chez Dietrick, maire de Strasbourg d’Isidore Pils71.

L’objectif de notre travail était de démontrer que l’écriture du roman national aspirait à retrouver les racines auxquelles se nourrissent les Français, au-delà de leurs ressemblances et de leurs divergences, en choisissant les moments fondateurs d’une histoire dont ils sont imprégnés. Vinchon s’inscrit pleinement dans ce projet par son métier d’imprimeur et sa peinture d’histoire : « Loin de ne représenter qu’une scène d’histoire, ces tableaux disent une révolution en marche, celle d’une sensibilité transformée par la violence de l’histoire et par la volonté de réinventer un regard politique sur l’art capable de rendre performative l’œuvre72. »

Notre étude permet également la redécouverte d’un corpus mal connu et la réappréciation d’un artiste oublié pour ainsi compléter notre vision de l’art de la première moitié du XIXe siècle français. Elle redonne vie à un artiste. Elle démontre combien Vinchon croit à l’histoire et comment il fait revivre le passé, les hommes et les événements, avec ardeur et passion créatrice.

1 Huile sur toile, H. 115 cm ; L. 146 cm, Paris, musée de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts, inv. PRP 52. Jean Alaux et Louis-Edouard Rioult obtiennent le second grand prix. Les autres participants sont Joseph Albrier, Jean-Bruno Gassies, Charles-Achille d’Hardiviller, Joseph-Ferdinand Lancrenon, Jean-Victor Schnetz, Antoine-Jean-Baptiste Thomas et Thomas Degeorge. Seul le tableau de Degeorge est actuellement connu (huile sur toile, H. 114,5 cm ; L. 146,5 cm, Clermont-Ferrand, musée d’art Roger Quilliot, inv. n° 2435). Voir Philippe Grunchec, Le grand prix de peinture. Les concours des Prix de Rome de 1797 à 1863, Paris, Éditions de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts, 1983, p. 156-157.

2 Pausanias, Description de la Grèce, Livre VI, chapitre VII, « Statues de Diagoras de Rhodes et de sa famille ».

3 À Rome, Vinchon rencontre Léon Cogniet (1794-1880), David d’Angers (1788-1856), Michel-Martin Drölling (1786-1851), Achille-Etna Michallon (1796-1822), Jean Alaux (1786-1864) mais aussi Ingres et Géricault. Il voyagera avec ce dernier pendant plusieurs mois jusque dans le sud de l’Italie.

4 Sur ce sujet, voir Marie-Claude Chaudonneret, L’État et les Artistes. De la Restauration à la monarchie de Juillet (1815-1833), Paris, Flammarion, 1999.

5 Tours, Archives Départementales d’Indre-et-Loire, AD37 120J152, « Des commandes générales ».

6 Marie-Claude Chaudonneret, op. cit., p. 155.

7 Margot Renard, Aux origines du roman national, Le Kremlin-Bicêtre, Mare et Martin, 2023, p. 45.

8 Salon de 1824, n°1734 et n°1735. La Mort de Comala, 1824, huile sur toile, H. 389 cm ; L. 487 cm, Bourbon-Lancy, musée Saint-Nazaire, inv. 2013.0.53.

9 H. 336 cm ; L. 280 cm.

10 1824, huile sur toile, H. 33 cm ; L. 24 cm, Orléans, musée des Beaux-Arts, inv. 2015-1-1 ; Tours, musée des Beaux-Arts, inv. 2000-9-42, 2000-9-54 à 2000-9-58.

11 Charles-Paul Landon, Annales du Musée et de l’École Moderne des Beaux-Arts. Salon de 1824, Paris, C. Ballard, 1824, tome II, p. 75.

12 Cité dans Sophie Eloy (dir.), Esquisses peintes de l’époque romantique (cat. exp., Paris, musée de la Vie romantique, 17 septembre 2013 – 2 février 2014), Paris, Éditions Paris-Musées, p. 23.

13 Sur ce sujet, voir Images de Jeanne d’Arc : hommage pour le 550ᵉ anniversaire de la libération d’Orléans et du sacre (cat. exp., Paris, hôtel de la Monnaie, juin-septembre 1979), Paris, Imprimerie nationale, 1979 ; Jeanne d’Arc, les tableaux de l’Histoire, 1820-1920 (cat. exp., Rouen, musée des Beaux-Arts, 30 mai – 1er septembre 2003), Paris, Éditions de la Réunion des musées nationaux, 2003 ; Gerd Krumeich, Jeanne d’Arc à travers l’histoire, Paris, Belin, 2017.

14 Gerd Krumeich, op. cit., p. 52-53.

15 Sur ce sujet, voir Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant (dir.), La Civilisation du journal. Histoire culturelle et littéraire de la presse au XIXe siècle, Paris, Nouveau Monde Éditions, 2012.

16 Sur ce sujet, voir Anne Dion-Tenenbaum, « La princesse et son héroïne », dans Marie d’Orléans (1813-1839), Princesse et artiste romantique, (cat. exp., Paris, musée du Louvre, 18 avril – 31 juillet 2008 et Chantilly, musée Condé du château de Chantilly, 9 avril – 31 juillet 2008), Paris, Somogy et Musée du Louvre éditions, 2008, p. 146-161.

17 Henry Lemaire, Vie de Jeanne d’Arc surnommée la Pucelle d’Orléans, Paris, Le Prieur, 1818, p. 5-6.

18Ibid., p. 5-6.

19 Huile sur toile, H. 277 cm ; L. 217,5 cm, Rouen, musée des Beaux-Arts, inv. 1982.6.1. Sur ce sujet, voir Marie-Pierre Foissy-Aufrere, La Jeanne d’Arc de Paul Delaroche, Salon de 1824, dossier d’une œuvre, Rouen, Musée des Beaux-Arts, 1983.

20 Margot Renard, op. cit., p. 61.

21 1826, huile sur toile, 213 x 142 cm, Bordeaux, musée des Beaux-Arts, inv. Bx E 439.

22 André Malraux, discours du 31 mai 1964, Rouen. Cité dans Marie-Pierre Foissy-Aufrere, op. cit., p. 35.

23 Françoise Michaud-Frejaville, « Jeanne d’Arc aux panaches romantiques », dans Bulletin de la Société archéologique et historique de l’Orléanais, n.s., 16/131, 2002.

24 Anonyme, 1581, huile sur toile, 128 x 80 cm, Orléans, Musée historique et archéologique de l’Orléanais.

25 École de Philippe de Champaigne, huile sur toile, 215 x 87 cm, inv. B2553. Concédé par décision du 4 février ou du 4 juillet 1824 à Orléans, non localisé depuis les bombardements et les pillages qui ont suivi la destruction du musée Jeanne d’Arc en 1940.

26 Trois tableaux ayant pour sujet la vie de Jeanne d’Arc sont exposés au Salon de 1817, dix au Salon de 1819, deux au Salon de 1822 et quatre au Salon de 1824.

27 Jeanne d'Arc guerrière, 1804, bronze, 260 cm, Orléans, square de la Pucelle.

28 Pierre noire et craie blanche sur papier vélin bleu, H. 29,9 cm ; L. 29 cm, Tours, musée des Beaux-Arts, inv. 2000-9-42 et crayon et fusain sur papier gris-bleu, H. 29,6 cm ; 45,4 cm, Tours, musée des Beaux-Arts, inv. 2000-9-57.

29 Henry Lemaire, op. cit., p. 108.

30 Ibid., p. 108-113.

31 Cité dans Marie-Pierre Foissy-Aufrere, op. cit., p. 39.

32 Charles-Paul Landon, op.cit., p. 75.

33 Cité dans Diederik Bakhuÿs, « Entre drame romantique et histoire de France, de Delaroche à Thirion », dans Jeanne d’Arc, les tableaux de l’Histoire, 1820-1920 (cat. exp., Rouen, Musée des Beaux-Arts, 30 mai – 1er septembre 2003), Paris, Editions de la Réunion des musées nationaux, 2003, p. 38.

34 Stendhal, « Salon de 1824. Musée Royal », dans Mélanges d’art et de littérature, Paris, Michel Lévy frères, 1867, p. 228.

35 M***, Revue critique des productions de peinture, sculpture, gravure, exposées au Salon de 1824, Paris, J. G. Dentu, 1825, p. 146-147.

36 Le Sacre de Charles VII à Reims, 17 juillet 1429, 1835, huile sur toile, H. 383 cm ; L. 610 cm, Versailles, musée national du château de Versailles, inv. MV 32.

37 1848, huile sur toile, H. 190 cm ; L. 150 cm, Versailles, musée national du château de Versailles, inv. MV 5695, acquis de Mme Vinchon en 1911 pour 800 francs, entré dans les collections le 14 juin 1911. Sur ce sujet, voir l’article de Bastien Coulon, « Une visite nocturne dans la galerie de pierre : Auguste Vinchon ou les deux histoires du musée Louis-Philippe », Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles, mis en ligne le 04 octobre 2021, DOI : https://doi.org/10.4000/crcv.21524.

38 Jean-Auguste-Dominique Ingres, Jeanne d’Arc au sacre du roi Charles VII, 1854, huile sur toile, H. 234 cm ; L. 163 cm, Paris, musée du Louvre, inv. MI 667.

39 Sur ce sujet, voir Philippe Bordes, Représenter la Révolution, Lyon, Fage éditions, 2010.

40 Margot Renard, op. cit., p. 173.

41 Ibid., p. 169.

42 Boissy d’Anglas saluant la tête du député Féraud à la séance du premier Prairial an III, 1834, huile sur toile, H. 460 cm ; L. 612 cm, Annonay, mairie. Voir Marie-Claude Chaudonneret, « Le concours de 1830 pour la Chambre des Députés : deux esquisses d’A. E. Fragonard au Louvre », Revue du Louvre, n° 2, 1987.

43 Pierrefitte, Archives nationales, AN F21 584 : « Rapport au roi du 25 septembre 1830 ».

44 Voir Pierre Sanchez et Xavier Seydoux, Les catalogues des Salons, « Salon de 1835 », n°2137, tome III, Paris, l’Échelle de Jacob, 2000-2002, p. 81.

45 Pierre Serna, « “Les hommes ne meurent pas libres et égaux…” ou la face cachée des tableaux du Ier Prairial en 1830 », dans La Révolution française, n°10, mai 2016, p. 7.

46 Eugène Delacroix, Boissy d’Anglas saluant la tête du député Féraud à la séance du premier Prairial an III, 1830, huile sur toile, H. 71 cm ; L. 140 cm, Bordeaux, musée des Beaux-Arts, inv. BxE820.

47 Alexandre-Évariste Fragonard, Boissy d’Anglas saluant la tête du député Féraud à la séance du premier Prairial an III, 1830, huile sur toile, H. 71 cm ; L. 140 cm, Paris, musée du Louvre, inv. RF1984-19.

48 « The winning piece in each competition displays a high regard for historical accuracy rendered in a tight, precise style and a structure that allows independent events to simultaneously accross the image. While the victorious sketches do seem to occupy a middle ground among those presented, we should recognize that the mode of painting which they represent is not simply a compromise style mediating a supposed Romantic/Classic dialectic but an original synthesis of the social and artistic forces operating in the early 1830s'. [..] this same complex of forces had led to a dissolution of the traditional hiérarchies of painting in which the higher aspirations of History paintings were ultimately fused to the special documentary concerns of the genre historique picture-type », dans Michael Marrinan, Painting Politics for Louis-Philippe. Art and Ideology in Orleanist France, 1830-1848, New Haven, Yale University Press, 1988, p. 94.

49 Les Enrôlements volontaires (22 juillet 1792), vers 1848-1849, huile sur toile, H. 470 cm ; L. 778 cm, Vizille, musée de la Révolution française – Domaine de Vizille, inv. D. 1988.1. Il existe plusieurs copies du tableau de Vinchon commandées par l’État : Philippe-Félix Dupuis, huile sur toile, H. 208 cm ; L. 256 cm, 1882, Moulins, Préfecture de l’Allier, inv. FNAC 109 ; MIHL, huile sur toile, H. 260 cm ; L. 420 cm, 1894, Dol-de-Bretagne, mairie ; une autre copie est conservée à la mairie de Bligny-sur-Ouche.

50 Explication des ouvrages de peinture, sculpture, architecture, gravure et lithographie des artistes vivants, exposés au Palais national le 26 décembre 1850, Paris, Vinchon, fils et successeur de Mme Ve Ballard, imprimeur des musées nationaux, rue J.-J. Rousseau, n° 8, 1850, n° 3081, p. 248.

51 1848, huile sur toile, H. 480 cm ; L. 915 cm, Beauvais, musée départemental de l’Oise, inv. 77.448.

52 Marie-Claude Chaudonneret, La figure de la République : le concours de 1848, Paris, RMN, 1987, p. 15.

53 Cité par Margot Renard, op. cit., p. 175.

54 Cité par Margot Renard, Ibid., p. 179.

55 1826, huile sur papier contrecollée sur toile, Vizille, musée de la Révolution française.

56 Philippe Bordes, op. cit., p. 10.

57 Tours, musée des Beaux-Arts, inv. 2000-9-25 à 2000-9-27, 2000-9-78 à 2000-9-121 et 2000-9-232 à 2000-9-259.

58 Philippe Bordes, op. cit.., p. 56-57.

59 Prise du Palais des Tuileries, 10 août 1792, 1793, huile sur toile, H. 129 cm ; L. 194,5 cm, Versailles, musée national du château de Versailles, inv. MV 5182.

60 Philippe Bordes, op. cit., p. 25.

61 La Distribution des Aigles, 1810, huile sur toile, H. 610 cm ; L. 970 cm, Versailles, musée national du château de Versailles, inv. MV 2278.

62 Philippe Bordes, op. cit., p. 100.

63 1836, huile sur toile, H. 189 cm ; L. 76 cm, Versailles, musée national du château de Versailles, inv. MV 2333.

64 Louis Madelin, « Les soldats de la Révolution », dans Les Hommes de la Révolution, 1979, p. 279-280.

65Ibid., p. 297-298.

66 Le fonds Ballard-Vinchon conservé aux Archives départementales d’Indre-et-Loire rassemble une collection de documents originaux de la révolution de 1848 : AD37 120J 103-112, « Travaux faits à l’Hôtel de Ville » : brouillons et bons à tirer d’affiches, de communiqués et de formulaires officiels.

67 Marie-Claude Chaudonneret, « Le mythe de la Révolution », dans Philippe Bordes et Régis Michel (dir.), Aux Armes et aux arts ! Les arts de la Révolution. 1789-1799, Paris, 1988, p. 331.

68 Claude Vignon, Salon de 1850-51, Paris, Chez Garnier Frères, 1851, p. 78.

69 Louis de Geofroy, Revue des Deux-Mondes, mars 1851, p. 934.

70 Etienne-Jean Delécluze, Exposition des artistes vivants 1850, Paris, Au comptoir des Imprimeurs, 1851, p. 47-50.

71 1849, Huile sur toile, H. 72,5 cm ; L. 91 cm, Strasbourg, musée historique (dépôt du musée du Louvre), inv. RF391. Voir Alain Chevalier, Fabrice Denise et Monique Fuchs (dir.), La Marseillaise (cat. exp., Vizille, musée de la Révolution française, 25 juin – 4 octobre 2021 ; Strasbourg, Musée d’art moderne et contemporain, 5 novembre 2021 – 20 février 2022 et Marseille, Musée d’histoire de Marseille, 18 mars – 3 juillet 2022), Strasbourg, Éditions des Musées de Strasbourg, 2021, p. 122.

72 Pierre Serna, op. cit., p. 8.

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