Aller au contenu principal
×
Recherche infructueuse
×

Résumé

×

Références de l’article

Stéphane Lojkine, « Gravures performatives », Le Roland furieux de l’Arioste : littérature, illustration, peinture (XVIe-XIXe siècles), cours donné au département d’histoire de l’art de l'université de Toulouse-Le Mirail, 2003-2006.

×

Ressources externes

Édition Rampazetto, 1570, gravure du chant III
Édition Rampazetto, 1570, gravure du chant III

Le plus ancien type sémiologique de gravure qu’on rencontre est le type performatif. La gravure représente la performance du héros : son combat face à un autre chevalier, ou à un adversaire moins attendu (monstre ou fée), ou bien la récompense qui lui est accordée (bénédiction, acceptation, consécration). Parfois enfin la performance n’est pas singulière, mais collective : elle cimente la collectivité dans l’accomplissement d’un rituel.

L’espace d’une gravure performative obéit à une logique qui n’est pas géométrale, mais symbolique. Il n’y a pas de profondeur de champ (ou très sommaire), pas de spectateurs, pas de théâtralisation. Dans les configurations les plus simples, cet espace symbolique s’ordonne soit selon une confrontation, un agon (il est alors scindé en deux par un axe de symétrie vertical, parfois carrément avec deux fonds distincts) soit comme réunion, comme communion, par exemple autour du banquet : c’est alors la disposition respective des personnages qui fait sens.

Quoi qu’il en soit, que l’espace soit scindé selon une bipartition agonistique ou qu’il soit homogène, l’agon comme le banquet mettent en œuvre un système différentiel de type syntaxique : la disposition de l’espace n’imite pas un espace réel, ni même vraisemblable, mais agence des éléments de signification. Les subdivisions de l’espace correspondent à des articulations logiques (mais, pendant ce temps, alors que...).    Les gravures sont rarement purement performatives car cette organisation sémiologique de l’image constitue déjà un archaïsme au moment où l’Arioste écrit le Roland furieux. C’est ce qui rend difficile l’analyse de ces images mixtes, où plusieurs modèles sémiologiques coexistent et interfèrent.

Bradamante dans la caverne de Merlin : de la performance à la scène (chant III)

Comparons les différentes illustrations auxquelles le chant III du Roland furieux a donné lieu. Nous pouvons commencer par la gravure sur bois de l’édition Valgrisi, exceptionnelle pour sa taille et le luxe des détails qui y sont représentés (Voir la gravure). Cette gravure propose un parcours dans le sens des aiguilles d’une montre, depuis la trahison de Pinabel à droite, en passant par l’évocation des esprits en bas, jusqu’à la rencontre avec Brunel en haut à gauche (Voir la notice). Il ne s’agit déjà plus d’une gravure purement performative, sélectionnant le ou les hauts faits chevaleresques, ou les rituels célébrant les valeurs et la communauté de la chevalerie dans un espace symbolique, comme c’est le cas par exemple dans l’édition Rampazetto, qui représente l’évocation des esprits à la manière d’un banquet médiéval, ou d’une réunion des chevaliers de la table ronde, ou dans l’édition Giolito de Ferrari, qui coupe le cheval de Bradamante en deux sans se soucier de sa seconde moitié : ce qui importe, c’est d’opposer à droite la lignée chevaleresque qui donnera naissance aux ducs d’Este, et à gauche la lignée anti-chevaleresque des ducs de Mayence, dont Pinabel est l’ancêtre et l’emblème.
    Dans l’édition Franceschi, la gravure sur cuivre de Girolamo Porro, qui s’inspire nettement de celle de l’édition Valgrisi, accentue l’intégration spatiale de la narration : dans l’espace de la gravure, G. Porro conduit le regard du spectateur du bas vers le haut, accentue les effets de perspective. Surtout, il transforme la chapelle souterraine en estrade de théâtre et, par l’effet de coupe que produit la jetée de roche au centre, il suggère la présence d’un « quatrième mur » entre le spectateur, figuré sur la gravure par Bradamante en prières, et la scène proprement dite : nous ne devrions pas voir ce que nous voyons, qui se trouve sous terre et est recouvert par les rochers ( Voir la notice).

Les éditions du dix-huitième siècle, édition Zatta de Venise, édition Brunet de Paris, dont les gravures sont reprises dans l’édition Plassan, un seul épisode est sélectionné dans le chant, et ordonné pour constituer un dispositif scénique, c’est-à-dire une mise en scène théâtrale du regard des personnages. Cette mise en scène du regard articule les deux espaces fondamentaux constitutifs du dispositif scénique classique, l’espace restreint de la scène proprement dite, et l’espace vague où se déploient le lointain, le réel, les effets de perspective, les éléments extra-scéniques de la représentation.

Voir toutes les notices correspondant au chant III.

Référence de l'article

Stéphane Lojkine, « Gravures performatives », Le Roland furieux de l’Arioste : littérature, illustration, peinture (XVIe-XIXe siècles), cours donné au département d’histoire de l’art de l'université de Toulouse-Le Mirail, 2003-2006.

DOSSIER :
DANS LE MÊME NUMÉRO

Arioste

Découvrir l'Arioste

Épisodes célèbres du Roland furieux

Editions illustrées et gravures

Le cycle d'Effiat