Représenter la mort violente au XIXe siècle par le texte et l’image
La guillotine, dont la dernière utilisation remonte à l’année 1977, n’est toujours pas remisée au magasin des souvenirs. Jean-Marie Carbasse, au début de son ouvrage sur La Peine de mort, publié en 2002, constate même qu’elle constitue encore un « sujet de prédilection pour les séances d’exposés faits en classes1 ». Plus de vingt ans après la parution de cet ouvrage, nous pouvons ajouter que ce n’est pas seulement dans les salles de cours que la guillotine imprime son ombre funeste. La culture populaire lui rend aussi ses hommages. L’année 2014 a vu la sortie du jeu vidéo Assassin’s Creed Unity qui met en scène plusieurs exécutions capitales. En 2020, Netflix a diffusé une uchronie de huit épisodes, intitulée La Révolution, dans laquelle Joseph Ignace Guillotin est le personnage principal. En outre, les soulèvements populaires de ces dernières années ont, eux aussi, convoqué le macabre instrument pour consolider sa place dans la conscience collective. Certains Gilets jaunes avaient ainsi bâti des guillotines de fortune sur les ronds-points, avant que la gendarmerie ne les somme de les démonter2. Plus récemment encore, l’on entendait, dans les cortèges opposés à la réforme des retraites, de menaçants slogans, présageant, à l’encontre du Président Emmanuel Macron, un destin similaire à celui de Louis XVI3.
L’imaginaire de la peine de mort ne s’est donc pas seulement nourri de faits historiques ; les arts visuels l’ont, eux aussi, enrichi. Afin de rendre compte de cette étrange fascination au long cours, nous nous proposons d’étudier deux romans illustrés du XIXe siècle : l’un, paru au début de la période ; l’autre, à la fin.
La première édition du Dernier jour d’un condamné date de 1829. Mais, comme Victor Hugo refusait qu’on illustrât les premières éditions de ses œuvres, ce n’est pas celle que nous avons privilégiée pour notre étude. Nous avons plutôt choisi l’édition d’Eugène Hugues, parue en 18834, qui présente l’avantage de proposer deux tables différentes : une « table des dessins » (fig. 1) qui vise à les mettre en valeur et une autre « table », plus classique, qui recense, pour sa part, les différents textes insérés dans le livre : une première préface, ouvertement politique, écrite en 1832, une autre, dialoguée, intitulée Une comédie à propos d’une tragédie (1829), suivent aussi les deux romans abolitionnistes : Le Dernier jour d’un condamné et Claude Gueux (1834).

En la consultant, on se rend vite compte que la guillotine et ses effets sont particulièrement mis en honneur par l’image. Le premier dessin de la liste s’intitule « La tête coupée ». Les suivants, intégrés à la préface de 1832, font tous référence à la scène d’exécution : « La charrette », « Les instruments de la loi », « L’échafaud et le mardi gras ». Mais ce n’est pas tout, sur les seize dessins qui accompagnent le récit fictionnel, quatre sont directement en lien avec la peine capitale : « Le condamné », « Les spectres sans tête », « L’autre condamné » et « Le bourreau ». Précisons que ces illustrations sont d’autant plus étonnantes que Victor Hugo ne raconte pas la décapitation de son personnage, la forme autobiographique mettant nécessairement un terme à l’écriture du journal avant la montée sur l’échafaud.
La notoriété de ce court roman, considéré comme une œuvre matricielle en matière de littérature abolitionniste, conduit parfois à oublier qu’il n’est pas seul en ce domaine. C’est pourquoi nous mettrons aussi en évidence certaines illustrations extraites d’un roman-feuilleton bien moins connu : Les Erreurs de la guillotine (1886), d’Édouard Cadol5. Contrairement à la fiction hugolienne, dès sa première publication, le livre de Cadol s’accompagne de quatre-vingt-dix-huit gravures6, réalisées par Georges Adolphe Dascher7 qui reste peu connu, malgré une œuvre assez considérable8. Il a, par exemple, proposé de nombreuses gravures pour servir de couvertures à des cahiers scolaires, mais aussi des dessins pour des romans d’aventures, des éditions musicales, des affiches, des cartes postales et, évidemment, des romans dits « populaires ». À la fin du XIXe siècle, ceux-ci étaient vendus en kiosque pour dix centimes de francs, le plus souvent, et se présentaient sous la forme de feuillets, nommés « livraisons », publiés deux fois par semaine. On comptait généralement une illustration par livraison, ce qui a évidemment fortement participé à l’essor et à la normalisation des éditions illustrées à l’époque.
Dans les lignes qui vont suivre, nous réfléchirons donc aux liens que l’illustration entretient avec la violence textuelle, mais aussi à sa dimension rhétorique, puisque nos deux œuvres littéraires ont surtout pour ambition que soit votée l’abolition de la peine de mort.
La guillotine dans Le Dernier jour d’un condamné : quand l’image montre ce que le texte ne dit pas
Voir sans dire
Dès sa parution en 1829, Le Dernier jour d’un condamné « ne laisse personne indifférent9 », notamment parce qu’il « épouvant[e]10 » les lecteurs qui réalisent pour la première fois l’expérience de pénétrer dans la conscience d’un condamné à mort.
Or, de prime abord en tout cas, la guillotine semble n’y être pour rien, car, comme nous l’avons rapidement mentionné en introduction, la représentation de l’exécution du personnage principal est rendue impossible à cause de la forme autobiographique. Deuxième constat, plus surprenant encore concernant une œuvre qui prend pour thème principal la peine de mort, l’instrument n’est presque jamais nommé.
Mais, s’il est vrai que le condamné refuse d’invoquer la guillotine, pour la tenir le plus à distance possible, elle parvient malgré tout à pénétrer dans la cellule, en se manifestant, non par le biais des mots, mais par l’entremise de la représentation graphique. Au chapitre XI, le narrateur relate un événement nocturne : alors qu’il promène une lampe sur les murs de sa geôle, il découvre des écritures et des dessins, laissés par d’anciens occupants. À force de parcourir ces symboles, il tombe soudainement nez à nez avec l’objet auquel il refusait pourtant de se confronter depuis le début de sa condamnation : un échafaud11. Il nous semble que cet épisode signifie que ce n’est pas par le mot, matériau pourtant privilégié de l’écrivain, que se crée un passage entre les deux espaces du roman – celui de la prison, paradoxalement sécurisant, et celui du monde extérieur, dans lequel une guillotine est en train d’être bâtie pour lui – mais par le crayonnage12. Hugo refuse ainsi d’aborder le texte et l’image sous le signe de l’exclusion. Il montre, au contraire, comment ils peuvent tous deux engendrer des émotions extrêmement puissantes13.
L’image indicielle : raconter ce que le texte cache
La version illustrée du Dernier jour d’un condamné d’Eugène Hugues, datée de 1883, rassemble vingt-neuf compositions graphiques qui proviennent parfois d’éditions antérieures. Nous avons choisi d’en étudier quatre qui mettent particulièrement en valeur la guillotine, celle-là même que le condamné tente pourtant d’escamoter par la pratique du tabou.
L’illustration qui apparaît sur la première de couverture (fig. 2) est un dessin de Gavarni réalisé en 1853 et intitulé La Tête coupée. Nous proposons de le lire comme un signe indiciel14, puisque le signifiant – la tête coupée – entretient une relation causale avec la mise à mort qui a inéluctablement précédé, mais qui n’est représentée, ni par le texte ni par l’image. Le lecteur est donc incité à se la figurer simplement à partir de son résultat. L’ambition de Gavarni n’est alors pas seulement d’orner le roman de Hugo, elle vise surtout à révéler ce que l’auteur avait pourtant voulu garder tabou : l’exécution de son personnage.
Ce dessin ne fait pas qu’outrepasser la délimitation temporelle du récit, il la bouleverse aussi, inversant le début et la fin. Ce que l’on voit en couverture se présente bien comme un épilogue graphique, que le dessinateur se permet d’ajouter. Le bourreau, qui a déjà actionné le mécanisme permettant de faire tomber le couperet de la guillotine, a ensuite retiré la tête décollée du panier, en la saisissant par les cheveux, pour la montrer au peuple. Cette prolepse – la couverture révèle la fin de l’intrigue – a aussi la particularité de fonctionner comme une analepse, puisqu’en observant la figure crispée du personnage, on peut remonter le fil de l’histoire. La barbe et les cheveux longs annoncent ce qui va être lu : l’isolement, les privations, l’absence de soins apportés à un corps déjà réifié par tout le personnel carcéral. De plus, son visage est particulièrement expressif, comme pour témoigner de la rapidité de la mise à mort, du passage instantané de la vie au trépas. Il est d’ailleurs difficile de certifier que ce corps est bien devenu un cadavre15.
La mise en scène de Gavarni vise alors un double objectif : esthétique et politique. Esthétique d’abord, car lors d’une exécution, le couperet s’abat si vite que le public n’a presque pas le temps de le voir tomber. Monsieur de Paris, en élevant ainsi la tête coupée, dégoulinante de sang – ce qui n’est toutefois pas rendu visible par le dessin –, au-dessus d’une foule venue en nombre assister au supplice, donne au drame toute sa dimension horrifiante. C’est le clou du spectacle. De plus, cette tête fonctionne comme un véritable portrait. Aucun corps n’est visible, ni celui, vivant, du bourreau, ni celui, à l’état de cadavre, du supplicié. On pourrait d’ailleurs rapprocher cette disposition de celle du mascaron en architecture, ce qui permettrait, à la fois de rappeler l’étymologie du mot « personnage » – le masque de l’acteur – et les nombreuses représentations de Méduse étêtée, comme symbole apotropaïque. Les cheveux hirsutes du condamné ne sont, en outre, pas sans rappeler les serpents méduséens. Politique ensuite, car Daniel Arasse, dans La Guillotine et l’imaginaire de la Terreur, remarque que « les gravures d’inspiration royalistes s’attardent de préférence sur les ultimes moments de la vie du supplicié », alors que « les estampes d’inspiration révolutionnaire répètent mécaniquement le geste de la monstration16 ». L’analyse de l’historien concerne seulement les productions de l’époque révolutionnaire. À cette époque, théâtraliser l’exécution des opposants aux valeurs républicaines, témoignait bien de la force du régime terroriste et de sa vertu. Mais, en 1853, tout au début du Second Empire, le symbole a changé de signification17. Représenter la tête d’un guillotiné met désormais en lumière le fonctionnement d’un régime qui, peu légitime à cause du coup d’État, ne parvient plus qu’à imposer l’ordre par la force. En cautionnant cette image de couverture, Victor Hugo réaffirme ainsi que, depuis son élection à l’Assemblée législative en mai 1849, il vote bien aux côtés de la gauche. Pour sa part, Gavarni, collaborateur régulier du Charivari, un quotidien illustré et satirique, créé en 1832, n’a de cesse de proclamer son opposition au pouvoir, que ce soit à l’encontre de la Restauration ou de l’Empire.
Mais la guillotine ne s’est pas encore rendue visible : il faut en arriver à la préface pour voir ses premières représentations. Celle qui apparaît en premier a de nouveau été réalisée par Gavarni en 1853 (fig. 3). Puis vient celle de Chovin qui date de 1883 (fig. 4).
Dans les deux cas, on ne distingue le terrible instrument que de loin. Serait-ce pour l’amputer de son pouvoir de nuisance ou, au contraire, le rendre particulièrement inquiétant, parce qu’inattaquable ? La guillotine de Gavarni (fig. 3), accompagnée d’une tête coupée, qu’on devine mal, et d’un livre, semble en tout cas s’ajouter aux éléments traditionnels d’un tableau des Vanités. La main de justice, à gauche, constitue, depuis le XIIIe siècle, l’emblème du pouvoir judiciaire incarné par les rois successifs. Selon la tradition, le pouce représente la royauté, l’index, la raison, le majeur, la charité, l’annulaire et l’auriculaire, la foi catholique. Les trois premiers doigts auraient cependant dû être ouverts pour représenter la Trinité, ce qui n’est pas le cas sur ce dessin où seul l’index est tendu. L’ouverture de la main, pourtant consacrée, se transforme alors en acte de condamnation. En outre, on ne sait pas si cet insigne royal appartient à Charles X – rappelons qu’il a reconstitué les regalia –, car lui seul aurait pu gracier le personnage hugolien, ou à Dieu puisque, comme l’indique le texte sur la page du livre, le lecteur fait, lui aussi, partie des condamnés à mort. Cette dernière interprétation a le mérite de renouer avec la vocation originelle des Vanités : conduire le spectateur à méditer sur l’aspect éphémère de toutes choses ici-bas. On retrouve bien certains éléments essentiels de ce type de tableau : le livre et le crâne – non plus celui d’Adam, mais d’un décapité – recouvert d’un linceul. L’échafaud, dont les montants touchent le ciel, pourrait avoir, quant à lui, remplacé la Croix.
La seconde illustration (fig. 4) montre une guillotine imposante dressée un jour de mardi gras. Cette mise en scène constitue, à elle seule, un argument contre la peine de mort : le spectacle de l’exécution, censé servir d’enseignement au peuple, est rendu inopérant, puisque le public s’amuse, danse avec des chapeaux à plumes et se déguise, plutôt qu’il ne prend conscience de la grave leçon dispensée par la loi. Joyeux, il se moque de ce « couperet de Damoclès ». Comme l’écrit ironiquement Hugo dans une formule resserrée de sa préface : « Faites donc des exemples ! le mardi gras vous rit au nez18 ». Cette choquante compilation antithétique, de la fête et du supplice, mise en scène par Chovin, est en réalité très courante dans les fictions abolitionnistes, ou en tout cas, dans celles qui rejettent la façon dont se déroule le rituel de l’exécution, tel qu’il était pratiqué au XIXe siècle. Le dernier jour de notre condamné est aussi jour de marché, comme ce sera également le cas dans Claude Gueux (1834) et dans Le Curé de village (1841) d’Honoré de Balzac. Dans Les Mystères de Paris (1843) d’Eugène Sue, la femme Martial et sa fille Calebasse doivent mourir le lendemain des festivités de la Mi-Carême. Andrea Rondolo et Peppino sont, quant à eux, tenus de se rendre sur l’échafaud quelques heures avant le début du carnaval dans Le Comte de Monte Cristo (1844) d’Alexandre Dumas. Et, dans Le Convive des dernières fêtes (1874) de Villiers de L’Isle-Adam, l’exécution est prévue pour le jour suivant la matinée du carnaval19.
L’autre dessin qui nous intéresse (fig. 5) est introduit en frontispice*20. Il s’agit d’une eau-forte, composée et gravée par un ancien élève d’Ingres et de l’École des Beaux-Arts, Célestin Nanteuil, qui n’a que vingt ans en 1833. Elle correspond tout à fait au modèle du genre : la scène centrale est entourée de différentes vignettes, ainsi que l’illustrateur avait déjà procédé pour réaliser d’autres frontispices commandés en 1832 par le libraire Renduel21. Dans le cas du Dernier jour d’un condamné, cette mise en scène prend un sens encore plus fort, puisqu’elle représente l’enfermement du narrateur dans sa sombre cellule.
La gravure reprend certaines séquences de l’intrigue afin de mettre à mal la légitimité de la peine de mort. L’un des jurés (celui qui se trouve en haut à gauche), par exemple, est assoupi : sa toque penche vers le bas. Sa posture désinvolte illustre ainsi un argument abolitionniste qui rejoint aussi certains topoï à l’encontre de la magistrature : ceux qui ont la lourde charge de condamner ne la prennent pas au sérieux. De plus, la foule, qui entoure le personnage de toutes parts, renforce le sentiment d’oppression qui se crée autour de lui. Elle ne correspond pas du tout à la vision idéale d’un peuple sidéré par l’application de la loi, comme la gravure de Chovin le montrait déjà. La contorsion des corps de femmes nus, enchevêtrés – scène plutôt fantaisiste de la part de l’artiste – évoque liesse et concupiscence et témoigne, sans doute, des débordements carnavalesques qui se mêlent, sur la place publique, au spectacle de la mort. Éros et Thanatos sont bien ici réunis. Par ailleurs, cette masse est majoritairement composée de personnages féminins, conformément au préjugé bien ancré dans les fictions du XIXe siècle qui consiste à penser que les femmes sont naturellement plus cruelles et avides d’exécutions capitales que les hommes22. Ces indices, concernant la représentation de la magistrature et d’une foule intéressée par le sang, rangent in fine Célestin Nanteuil du côté des artistes abolitionnistes. Cela n’est pas étonnant, car il était à la fois un grand admirateur et un ami de Victor Hugo – il prit notamment sa défense au moment de la bataille d’Hernani (1830) – ainsi qu’un membre du Petit-Cénacle.
Nous venons de le voir, le frontispice illustre bien certains moments de l’intrigue. Cependant, il entretient avec le texte un rapport de complémentarité plutôt que d’équivalence, à l’instar des gravures de Gavarni. En effet, Célestin Nanteuil, lui non plus, ne respecte pas le bornage chronologique voulu par roman. Le frontispice qu’il réalise se refuse à n’être qu’ornemental. À la tête sectionnée du condamné, restée coincée dans la lunette (en haut, au centre) fait écho celle qui s’apprête à être décapitée à la hache, par un bourreau encagoulé d’Ancien Régime (en bas, à gauche). Serait-ce pour signifier au lecteur que la Révolution n’a pas porté tort à toutes les pratiques féodales, comme le droit d’assassiner légalement son semblable ? En bas à droite, l’artiste romantique figure la Mort sous les traits d’un squelette décharné qui réceptionne le chef et semble le guider sous terre. Encore plus bas sont représentées les expériences effectuées par des médecins sur le cadavre étêté, sans doute après exhumation23. L’image nous apporte donc des informations supplémentaires par rapport au roman de Hugo, en poursuivant le devenir post mortem du personnage. Elle entretiendrait avec le texte une différence, non de nature, mais de degré, étant capable, elle aussi, de raconter des histoires.
Les Erreurs de la guillotine : du tabou au topos de la scène d’exécution.
Quand le texte ne cherche plus à voiler la guillotine…
Le projet d’Édouard Cadol, lorsqu’il rédige Les Erreurs de la guillotine, est le même que celui de son prédécesseur, Victor Hugo : dénoncer, par le biais de la fiction, la peine de mort, en vue de son abolition. Mais les moyens pour y parvenir divergent entre les deux auteurs.
Tout d’abord, les intrigues sont loin d’être similaires. Face à l’anonyme condamné hugolien dont la nature du crime n’est jamais révélée, se trouve Maxime Létang, accusé d’un triple meurtre : celui de sa tante, Mme Valph, dans le but de s’emparer de son héritage, de son valet de chambre Prosper Lami et de la demoiselle Lucie Malvet, elle aussi au service de Mme Valph, égorgée après avoir subi une tentative de viol. Si beaucoup de preuves l’accablent, le responsable est en réalité Francis Antoine, criminel, violeur et voleur multirécidiviste, qui n’a pour seule qualité que de savoir masquer son identité et ses véritables intentions. Malgré son innocence, Maxime mourra sur la bascule, à la place du vrai coupable – comme Lesurques, à qui il est régulièrement comparé –, honni de tous, sauf d’Adèle, sa femme, de Firmin, son beau-frère et de M. Oscar de la Ville-Viquiers, inspecteur général de la sûreté, qui sont les seuls à n’avoir jamais douté de son innocuité.
L’attitude devant la mort du condamné hugolien et celle de Maxime Létang sont également bien distinctes : si le premier se divertit par l’écriture et, coûte que coûte, cherche à se soustraire au châtiment qu’il a reçu – il se pourvoit en cassation, supplie à genoux qu’on le gracie – Maxime, beaucoup plus stoïcien dans son attitude, refuse d’entamer les démarches de cassation de son jugement et, plus pascalien aussi, il repousse le papier et les livres qu’on lui propose en guise de dérivatif.
Enfin, le choix de la focalisation, interne, dans le premier roman, externe, dans le second, a évidemment des conséquences sur la présence de la guillotine dans les textes. Le héros du Dernier jour d’un condamné raconte sa propre histoire et n’a, bien sûr, pas les moyens de retracer jusqu’au bout sa condamnation. A contrario, dans Les Erreurs de la guillotine, le récit n’est pas soumis à l’état nerveux du personnage ou aux impératifs réalistes imposés par la narration à la première personne. Du trajet vers la grande Veuve, jusqu’à la décollation, tout peut être raconté par le texte :
En un clin d’œil, il fut bouclé sur la planche fatale.
Celle-ci bascula et d’un brusque mouvement fut poussée en avant.
Le cou du patient était engagé dans la lunette.
Un second aide placé en avant le saisit aux cheveux.
M. de Paris toucha un ressort.
Il y eut un éclair d’acier dans l’air.
Un coup sourd retentit.
Un jet de sang frappa l’aide en plein visage !
La tête tomba grimaçante.
L’Injustice des hommes était satisfaite24 !
Si l’on quitte l’économie de l’œuvre pour réfléchir en termes plus larges d’histoire littéraire, ces deux romans témoignent également des évolutions esthétiques de leur temps, en particulier en ce qui concerne la représentation textuelle de la mort violente. En 1829, exhiber le meurtre et son châtiment, surtout lorsqu’ils sont sanguinaires, n’est pas encore tout à fait admis. Bien sûr, Jules Janin dans son Âne mort et la femme guillotinée propose des descriptions de supplices bien plus crues que ce qu’on peut lire dans Le Dernier jour d’un condamné. Mais L’Âne mort ne se veut nullement réaliste dans son esthétique. Il se présente plutôt comme « quelque long rêve25 » à l’instar de Smarra ou les démons de la nuit (1821) de Charles Nodier. Le poids de la bienséance classique pèse donc encore bel et bien sur la construction des intrigues au début du XIXe siècle. En revanche, en 1886, au moment de la publication des Erreurs de la guillotine, le changement de paradigme entamé par les romantiques s’est véritablement imposé et rend compte d’un « nouveau déferlement du macabre26 », selon l’expression de l’historien Michel Vovelle. Édouard Cadol, encouragé par le goût des lecteurs, familiers des faits divers lus dans la presse, choisit, par conséquent, de ne pas voiler la violence ni de recourir à l’euphémisme ou à l’ellipse.
… et que l’image redouble sa violence
Dans Les Erreurs de la guillotine, deux illustrations seulement sur les quatre-vingt-dix-huit au total exposent le fatal instrument. Mais ce faible nombre ne signifie pas que l’artiste cherche à masquer la violence du drame, puisque beaucoup d’autres sont particulièrement sanglantes27.
La première qui nous intéresse (fig. 6) met en scène des médecins qui veulent redonner vie à la tête coupée de Maxime Létang. La seconde (fig. 7) rend compte de la réaction d’Adèle, la femme de Maxime, au moment de son exécution28. Elles ont toutes deux un rôle proleptique, puisqu’elles surviennent plusieurs pages avant la narration de la mise à mort du personnage principal et illustrent des séquences narratives bien précises. Ce dernier point, renforcé par le fait qu’on peut lire, sous chacune d’elles, une phrase extraite du roman, nous incite à nous intéresser à la notion de redoublement du texte par l’image. Dans un tel cas, ne constitue-t-elle qu’une pure répétition ? L’invention ne serait alors que du côté du romanesque. Il semble évident que non, car des supports différents – texte et image en l’occurrence – vont nécessairement offrir des résultats dissemblables. Alors, si l’on comprend le sens de « redoubler », moins comme celui de « réitérer », que de « renouveler », qu’apportent les illustrations de Georges Dascher au contenu textuel ?
En ce qui concerne la première image (fig. 6), il faut noter que l’auteur ne décrit que très rapidement la scène. La peinture des médecins est donc le fruit de l’imagination de l’illustrateur, qui choisit d’ailleurs de les représenter de façon assez topique. Les lunettes, la calvitie, la barbe, le tablier, ainsi que la multiplication des outils à leur portée : une loupe, des ciseaux, un scalpel, un flacon (de mercure liquide ?), une bassine, une pile Leclanché – dont le scientifique au premier plan tient, d’une main, l’anode, de l’autre, la cathode – forment l’attirail de ces deux galvanistes29. À l’inverse de la figure habituelle du masque mortuaire – que l’on trouve, on l’a vu, en couverture de l’édition d’Eugène Hugues du Dernier jour –, les savants ont ici défié la mort, dans la continuité de Victor Frankenstein. Le corps penché vers l’avant du plus vieux d’entre eux signale que leur libido sciendi a fait fi de tout sentiment d’empathie30, face au regard pourtant suppliant de Maxime qui exige, en versant une larme, la fin d’une torture qui se poursuit injustement post mortem31.
La deuxième image (fig. 7), située quelques pages plus loin, apporte de nombreuses indications sur le rituel de l’exécution, qui a bien changé depuis l’époque du condamné hugolien.
À droite, on remarque les murs de la Roquette et non plus ceux de la prison de Bicêtre, transformée en hospice depuis 1836. Outre cela, depuis 1851, les échafauds sont dressés dans la cour des prisons, afin de leur faire perdre en visibilité. Terminé, donc, le trajet sur la charrette d’infamie qui avait conduit le personnage du Dernier jour de Bicêtre à la place de Grève. Un autre élément de cette gravure permet de dater l’époque du drame : l’échafaud a été destitué de ses dix marches. Il est vrai que depuis l’adoption par décret de la suppression de l’échafaud le 25 novembre 1870, on raccourcit à même le sol, au grand dam d’un pamphlétaire comme Villiers de L’Isle-Adam qui s’en offusque dans Trente têtes sur la planche (1885) ou dans Le Réalisme dans la peine de mort (1890). Enfin, la lueur du ciel situe l’action à l’aube32, comme cela doit être le cas depuis l’année 1848. Tous ces indices nous conduisent à affirmer que Georges Dascher a pris pour modèle une guillotine Berger, utilisée entre 1872 et 1977, plus sophistiquée que la précédente, celle de Tobias Schmidt. Aussi, on remarque trois hommes vêtus de noir tout près de la machine. Celui, placé le plus à gauche, baisse la manette qui permet de faire tomber le couperet : c’est le bourreau. À côté de lui se trouvent ses aides. L’un est positionné en face de la guillotine : il se nomme le photographe (un nouveau lien avec l’image !), puisqu’il voit à travers la lunette. Il s’agit souvent du premier adjoint du bourreau. Son travail est loin d’être évident : il s’assure que le condamné se place convenablement et doit parfois, pour cela, le tirer brutalement par les épaules, afin d’éviter que le couperet ne s’abatte au niveau de sa mâchoire. Enfin, à droite, on note la présence du panier qui permettra de transporter le cadavre jusqu’au cimetière de Clamart.
La peinture de la foule est ici beaucoup plus réaliste que celle représentée par Chovin. Le peuple qui se rend à une exécution au XIXe siècle ne voit généralement rien du spectacle. Si l’on n’est ni bourreau, ni aides, ni prêtre, ni journaliste et si l’on ne fait pas partie des forces de l’ordre33, on doit se tenir très éloigné de la machine. La mise à mort est aussi invisibilisée à cause de son instantanéité : le temps de coupe d’un cou standard de treize centimètres d’épaisseur est de 2/100ème de seconde. Il s’écoule donc moins d’une demi-seconde entre le déclenchement du couperet et la fin de la décollation. Afin de rester fidèle au texte toutefois, l’illustrateur rend compte de la réaction d’Adèle, qui, grâce aux ressorts de la fiction, a pu assister aux premières loges à la mort de son époux. Elle est tragiquement soutenue par le véritable coupable, venu s’assurer, par lui-même, de l’efficacité de son macabre stratagème. Il est intéressant de noter qu’il ressemble étrangement au bourreau – ils portent tous deux un habit noir et un chapeau melon – et paraît lui répondre en miroir. Serait-ce pour signifier que le bourreau est, lui aussi, un criminel, mais du côté de la légalité ? L’évanouissement de la veuve renoue avec un autre cliché misogyne qui consiste à peindre les femmes, non plus comme des êtres assoiffés de sang, dans la lignée des « tricoteuses » et autres « lécheuses de guillotine », mais particulièrement sensibles, hystériques même, puisqu’Adèle sombre dans la folie dans la suite du roman, se prenant tout bonnement pour Marie-Antoinette.
La fonction de cette image est donc, de prime abord, informative. Elle représente la scène d’exécution et son personnel de façon plutôt réaliste, afin de renseigner le lecteur sur son déroulé. La littérature et l’image se font alors le relais d’une information devenue de plus en plus inaccessible à cause d’une guillotine qui ne cesse de se cacher. Mais peut-être que cette gravure, tout comme le roman de Cadol, a aussi une fonction émotive : ils régalent les lecteurs en leur offrant, grâce à la fiction, ce plaisir de l’effroi que la réalité leur refuse toujours plus. D’ailleurs, en 1899, treize ans après la publication des Erreurs de la guillotine, une campagne débutera pour que les exécutions n’aient plus lieu devant les prisons, mais dans leurs enceintes. Le roman et son illustration nous rappellent finalement que ce n’est pas parce qu’on ne la voit plus que la guillotine a été abolie, et que, si elle a honte de se montrer, elle ferait sans doute mieux de disparaître complètement ; d’autant plus que ces supports de l’imagination que sont le texte et l’image ont prouvé leur efficacité en matière de frissons. Ils sont tout à fait à même de prendre le relais des véritables spectacles sanglants.
À travers ce parcours, qui avait pour vocation de mettre en valeur deux éditions illustrées du XIXe siècle ayant pour sujet commun le meurtre légal, nous avons établi différentes relations entre la littérature et l’image. Dans le premier cas, celui du Dernier jour d’un condamné, les dessins ont été réalisés a posteriori de la première publication, révélant un nouveau rapport à la violence entre le début et le milieu du XIXe siècle. En 1886, représenter une exécution dans ses plus sanglants détails ne semble plus du tout contrevenir à la bienséance. L’image n’est alors plus là pour compléter l’intrigue, mais plutôt pour redoubler sa violence, d’une façon beaucoup plus immédiate. Ces évolutions disent aussi quelque chose du rapport de la population à la machine de mort. Toujours marquée par l’imaginaire de la Terreur au début du siècle, elle est perçue de façon beaucoup plus technique vers la fin. Ce qui se fige cependant, c’est son omniprésence, aujourd’hui encore, dans nos imaginaires, et ce, malgré son abolition.
Pour aller plus loin
CLAIR, Jean, Crime et châtiment : 1791-1981, Catalogue de l'exposition du musée d'Orsay, 16 mars-27 juin 2010, Paris, Gallimard, 2010.
DELECROIX, Marion, DOURNEAU, Loreline, Le Temps d'une décapitation. Imaginaire d'un instant imperceptible. Peinture, Littérature, Aix-en-Provence, P.U.P., 2020.
DOMINGUEZ LEIVA, Antonio, Décapitations. Du culte des crânes au cinéma gore, Paris, P.U.F., 2004.
REVERSEAU, Jean-Pierre, « Pour une étude du thème de la tête coupée dans la littérature et la peinture dans la seconde partie du XIXe siècle », Gazette des Beaux-Arts, Paris, P.U.F., sept. 1972, p 173-184.
Notes
Jean-Marie Carbasse, La Peine de mort, Paris, P.U.F., 2002, p. 1.
https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/ille-et-vilaine-une-guillotine-installee-par-des-gilets-jaunes-retiree-d-un-rond-point-a-redon_3106967.html (consulté le 29 août 2023).
https://www.lefigaro.fr/social/mort-au-roi-guillotine-dans-les-corteges-les-slogans-anti-macron-se-durcissent-20200125 (consulté le 29 août 2023).
Victor Hugo, Le Dernier jour d’un condamné, [1829], Paris, E. Hugues, 1883. Exemplaire consulté : Bnf, RES M-Y2-135. Disponible sur Gallica.
Édouard Cadol, Les Erreurs de la guillotine, Paris, [s.n.], 1886. Exemplaire consulté : Bnf, 4-Y2-1272. Disponible sur Gallica.
Pas de « table des dessins » cependant : elles sont tout simplement numérotées sous l’image.
Le nom de l’artiste apparaît généralement, en bas, à gauche ou à droite, de son dessin. Sur quelques-uns son nom n’apparaît pas ou est illisible, sur la couverture notamment, mais aussi sur les illustrations suivantes : 21, 70, 71, 75, 83, 85. Comme la plupart des ouvrages auxquels Dascher participa étaient illustrés par plusieurs dessinateurs, nous ne pouvons pas affirmer que celles-ci soient bien de lui. D’ailleurs, un autre nom apparaît quelquefois à côté du sien. Mais il n’est pas lisible, nous n’avons donc pas pu retrouver son identité.
Un site internet lui est en outre dédié : https://gdascher.jimdofree.com/ (consulté le 19 septembre 2023)
Loïc Pierre Guyon, Les Martyrs de la Veuve. Romantisme et peine de mort, Berne, P. Lang, 2009, p. 10.
Le mot est de Jules Janin dans son article « Le Dernier jour d’un condamné », paru dans la revue La Quotidienne, n°54, 3 fév. 1829 : « Or, ici, le succès ne peut pas justifier un écrivain, le talent ne peut pas le rendre excusable, rien ne peut lui faire pardonner son acharnement à flétrir une âme d’homme, à effleurer la paix d’une nation qui certainement, après ce qu’elle a vu, devrait se croire habituée à l’échafaud, et qui, en lisant le Dernier Jour d’un Condamné, reculera d’épouvante », p. 4.
Cette séquence narrative est mise en valeur par le frontispice de Célestin Nanteuil (qui sera étudié plus bas), ce qui renforce, à nouveau, le lien de complémentarité entre le texte et l’image : Victor Hugo donne de la place au dessin à l’intérieur de son intrigue et Célestin Nanteuil, illustre son roman.
Victor Hugo n’est d’ailleurs pas seulement un écrivain, mais aussi un dessinateur, notamment de guillotines.
Son personnage, après avoir vu le dessin de l’échafaud, tombe évanoui.
Voir à ce propos la typologie entreprise par Charles Sanders Peirce, Écrits sur le signe, Paris, Seuil, 1978. Le signe renvoie à son objet de manière indicielle lorsqu’il est affecté par lui. Ici, la tête décapitée est l’indice de l’exécution.
Il s’agit en outre d’une préoccupation qui occupe tout le siècle dans le cas des guillotinés et à laquelle le personnage hugolien n’échappe pas. Il remarque, par exemple, à propos de l’argument qui consiste à défendre la guillotine en assurant qu’il s’agit d’un châtiment indolore : « Et puis, on ne souffre pas, en sont-ils sûrs ? Qui le leur a dit ? Conte-t-on que jamais une tête coupée se soit dressée sanglante au bord du panier, et qu’elle ait crié au peuple : Cela ne fait pas de mal ! », Victor Hugo, Le Dernier jour d’un condamné, op. cit., p. 64. Nous verrons plus loin que la souffrance liée à la survie de la tête, après son exécution, apparaît aussi dans Les Erreurs de la guillotine.
Daniel Arasse, La Guillotine et l’imaginaire de la Terreur, [1987], Paris, Flammarion, 2010, p. 184.
Charles Sanders Peirce signale en effet que la signification symbolique d’un signe dépend de conventions contingentes qui évoluent nécessairement en fonction des époques et des territoires. Voir Écrits sur le signe, op. cit.
Victor Hugo, Le Dernier jour d’un condamné, op. cit., p. XIII.
On pourrait étudier avec des élèves cette illustration de Chovin accompagnée d’un extrait du chapitre III, de la 10ème partie des Mystères de Paris d’Eugène Sue, afin de montrer en quoi cette mise en scène constitue une argumentation favorable à l’abolition de la peine de mort.
Pour plus d’informations concernant le frontispice, consulter l’article : « Frontispice » de Florence Bouchet et Marine Le Bail sur le site : https://blogs.univ-tlse2.fr/questions-d-images/2023/03/27/frontispice/ (consulté le 31 août 2023).
À ce sujet, voir le portrait de Victor Hugo (#023413), le célèbre frontispice dit « à la cathédrale » (#017078), celui pour le roman Bug-Jargal (#023424) par exemple.
C’est aussi un public féminin que Hugo met en valeur dans son intrigue, que ce soit au moment du jugement : « je distinguai deux jeunes filles qui me suivaient avec des yeux avides », ou le jour de l’exécution du personnage principal : « il y a des cabarets, dont les entresols étaient pleins de spectateurs heureux de leurs belles places, surtout des femmes », Ibid., p. 7 et 78.
La destinée post mortem du condamné est seulement brièvement évoqué dans le roman : « encore six heures, et je serai mort ! je serai quelque chose d’immonde qui traînera sur la table froide des amphithéâtres ; une tête qu’on moulera d’un côté, un tronc qu’on disséquera de l’autre ; puis de ce qui restera, on en mettra plein une bière, et le tout ira à Clamart », Victor Hugo, Le Dernier jour d’un condamné, op. cit., p. 49.
Édouard Cadole, Les Erreurs de la guillotine, op. cit., p. 294.
Jules Janin, L’Âne mort et la femme guillotinée, [1829], Paris, Garnier, 2019, p. 50.
Michel Vovelle, La Mort et l’Occident de 1300 à nos jours, [1970], Paris, Gallimard, 1983, p. 12.
L’image de couverture, tout d’abord, met en scène un féminicide ; l’illustration n°10, ensuite, reproduit la violente bagarre entre Maxime et Crève-la-Gueule ; l’illustration n°12, enfin, témoigne de la scène durant laquelle Francis tue la mère d’Eulalie en la ruant de coups, Édouard Cadol, Les Erreurs de la guillotine, op. cit., p. 49, 73 et 89.
Cette analepse est construite par l’intrigue romanesque.
Le mot « galvanisme » vient du nom du physicien italien Luigi Galvani. C’est lui qui a découvert, grâce à l’électricité, qu’un muscle se contracte lorsqu’il est stimulé par un courant électrique. Des expériences ont ensuite été menées sur des guillotinés. Elles avaient pour but de vérifier si la décapitation entraînait une mort instantanée et définitive, ou si le condamné pouvait être ramené à la vie grâce à des stimulations électriques et sensitives.
L’historienne Anne Carol explique d’ailleurs que les premiers soucis d’ordre éthique apparaissent à la même période que la parution des Erreurs de la guillotine. Ainsi, le 11 juillet 1885, le président de la Société de biologie, Paul Bert pose des limites déontologiques aux expériences réalisées par le physiologiste Laborde sur le corps des suppliciés, comme la transfusion sanguine, dans le but de faire revenir à la vie, la tête des décapités. Voir à ce propos l’article d’Anne Carol « La question de la douleur et les expériences médicales sur les suppliciés au XIXe siècle », dans Bertrand Régis et Carol Anne (dir.), L’Exécution capitale. Une mort donnée en spectacle XVIe-XXe siècle, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2003, p. 71-81.
L’extrait du roman, retranscrit sous l’image, est le suivant : « Alors une légère contraction crispa ses traits. La bouche s’ouvrit comme pour parler ; les yeux roulèrent hagards et une larme déborda des cils », insiste lui aussi sur la dimension pathétique de la scène, Édouard Cadol, Les Erreurs de la guillotine, op. cit., p. 281.
En outre, le texte le confirme : « L’aube arrivait sinistre et froide », Édouard Cadol, Les Erreurs de la guillotine, op. cit., p. 291.
La police montée et armée est visible à l’arrière-plan.
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