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Résumé

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Références de l’article

Stéphane Lojkine, « L'économie politique de Clarens », Julie, le modèle et l'interdit, cours d'agrégation donné à l'université d'Aix-Marseille. Séance du 20 octobre 2021.

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Ressources externes

Dans la quatrième partie de La Nouvelle Héloïse, à l’invitation de M. de Wolmar dont Julie est désormais l’épouse heureuse et comblée, Saint-Preux se rend à Clarens, où vit la famille de Wolmar. Cette invitation constitue le pivot central du roman, à partir duquel il va s’agir de réinventer l’amour de Julie, ni en dehors du mariage qui lui a été imposé, ni contre lui, mais avec lui. De ce projet, Clarens constitue le dispositif liminaire.

Le domaine de Clarens est administré d’une façon originale qui le distingue de l’ancienne propriété familiale de Vevey, où demeure toujours le baron d’Étange. Saint-Preux écrit une lettre pleine d’admiration à Milord Edouard pour décrire cette organisation. Il évoque « une maison simple et bien réglée » et entend, par cette lettre X, « en donner idée par le détail d’une économie domestique qui annonce la félicité des maîtres de la maison et la fait partager à ceux qui l’habitent » (IV, 10, 527).

Économie domestique : ce terme n’est pas lâché au hasard. Il fait référence au seul article politique que Rousseau ait écrit pour l’Encyclopédie.

L’article Economie de l’Encyclopédie

L’économie politique est aujourd’hui une discipline académique à part entière. Le terme existait à peine quand paraît, dans le volume V de l’Encyclopédie en novembre 1755, quelques mois après la diffusion en France du Discours sur l’origine de l’inégalité, l’article Économie de Rousseau, qui deviendra en 1758 le Discours sur l’économie politique. On ne sait pas si Rousseau l’écrivit spontanément ou si Diderot lui en avait fait la commande. Ce qui est sûr, c’est que dès son séjour à Venise en 1744 Rousseau avait commencé à travailler à un projet de livre, les Institutions politiques, projet qu’il abandonnera finalement pour Le Contrat social, publié en 1762 juste après La Nouvelle Héloïse.

Travail de la différence

Le point de départ de l’article repose sur une distinction :

« ÉCONOMIE ou ŒCONOMIE, (Morale​​ & Politique.) ce mot vient de οἶκος, maison, & de νόμος, loi, & ne signifie originairement que le sage & légitime gouvernement de la maison, pour le bien commun de toute la famille. Le sens de ce terme a été dans la suite étendu au gouvernement de la grande famille, qui est l’état. Pour distinguer ces deux acceptions, on l’appelle dans ce dernier cas, économie générale, ou politique ; & dans l’autre, économie domestique, ou particuliere. Ce n’est que de la premiere qu’il est question dans cet article. Sur l’économie domestique, voyez Pere de famille1. »

Il y a une économie domestique, dans l’espace privé de la maison, et une économie politique, dans l’espace public du gouvernement de l’état. Mais la notion d’économie ne se divise pas exactement en deux sous-catégories égales, ni antagonistes ; c’est plutôt une extrapolation (« le sens de ce terme a été dans la suite étendu… ») qui se fait de la première, la domestique, qui sert de modèle à la seconde, élaborée dans un second temps à partir d’elle. L’étymologie en effet ramène l’éco-nomie à l’administration, νόμος, de la maison, οἶκος, de sorte que l’expression « économie domestique » constitue une redondance, domestique répétant en latin (domus) ce qu’économie disait déjà en grec.

Pourtant, entre la première et la seconde économie, Rousseau postule « une extrême différence » :

« elles different trop en grandeur pour pouvoir être administrées de la même maniere, & il y aura toûjours une extrème différence entre le gouvernement domestique, où le pere peut tout voir par lui-même, & le gouvernement civil, où le chef ne voit presque rien que par les yeux d’autrui. »

L’économie politique est une économie aveugle : à l’immédiateté de la présence sensible du père souverain s’oppose l’administration de l’État par un chef qui « ne voit presque rien ». Deux sémiotiques s’opposent : à la scène domestique, dont le théâtre est toujours visible, s’oppose la chambre noire du pouvoir politique qui administre sans voir. Il n’y a pas deux principes de gouvernement : voir est le moyen principiel, naturel de gouverner, que l’économie politique ne peut directement mettre en œuvre et dont elle devra suppléer le défaut par « les yeux d’autrui ». Les yeux sont donc le modèle, à partir de l’interdit qui soustrait le chef aux regards dans l’économie politique : l’impossibilité de voir se renverse en effet subrepticement en interdit d’être vu, quand Rousseau passe du « chef [qui] ne voit presque rien » aux « chefs [qui] n’ont point de semblable regle », et peuvent désobéir aux règles qu’ils édictent pour autrui.

Le travail de la différence se poursuit dans les paragraphes suivants : les lois dans l’espace public suppléent la force physique du père dans l’espace domestique. L’administration domestique tend à accroître les propriétés du père ; la publique à conserver « la propriété particuliere qui lui est antérieure » : ce n’est ni une autre propriété, ni autre chose que la propriété ; il n’y a pas d’autre modèle que la propriété particulière, qui constitue le fondement originaire du politique (sans antériorité juridique possible donc) à partir d’un état antérieur (qu’il faut pourtant juridiquement supposer). C’est toujours un appareillage bancal2, dans lequel la différence proclamée revient à une similitude suppléée, et prolongée de façon à constituer le modèle à partir d’un interdit : il devient dangereux d’accroître la propriété dans l’économie politique alors même que la notion de propriété se fonde sur « la propriété particuliere qui lui est antérieure » et repose, elle, sur l’accroissement en vue du partage entre les enfants. L’accroissement est frappé d’interdit au moment où la propriété, qui repose sur l’accroissement, est érigée en modèle ; la propriété, qui fonde l’économie publique, est posée comme son principe originaire ; mais son modèle est la propriété particulière, qui lui est antérieure selon une antériorité impensable.

Toujours dans le même esprit, le pouvoir du chef diffère de la patria potestas dans l’espace privé, mais sans introduire quelque altérité conceptuelle que ce soit. Le pouvoir absolu du chef est construit sur le modèle du pouvoir absolu du père, qui a préséance sur la mère, les enfants et les domestiques. Rousseau commence bien pourtant par affirmer une différence radicale :

« Il n’y a rien de tout cela dans la société politique. Loin que le chef ait un intérêt naturel au bonheur des particuliers, il ne lui est pas rare de chercher le sien dans leur misere. » (p. 43)

Mais que désigne le cela de « rien de tout cela » ? Est-ce vraiment la triple préséance sur la mère, les enfants et les domestiques évoquée plus haut ? Rousseau évoque bien ces cas où « c’est souvent un enfant qui commande à des hommes »… Mais le principe, le modèle de commandement reste paternel, c’est bien un artefact de père qui est supposé à la tête de l’économie politique, et ne peut être fustigé comme artefact précisément que parce que le modèle n’a pas changé.

Cela de fait désigne autre chose, qui est énoncé dans la phrase qui suit immédiatement. Cela est en fait l’« intérêt naturel au bonheur des particuliers », c’est-à-dire l’amour du père pour ses enfants, alors que le chef « n’a nulle raison de vous aimer ». Mais l’amour du père est formulé comme intérêt naturel, de sorte que l’intérêt politique du chef, qui peut aller jusqu’à tirer profit de la misère du peuple, ne constitue pas à proprement parler un principe différent, mais bien un artefact de l’amour du père, une extension perverse.

Il y a plus. Le magistrat dans l’espace public ne doit pas écouter « la voix de la nature », c’est-à-dire son intérêt naturel de père pour ses enfants ; autrement dit, il ne doit pas faire passer l’intérêt de sa famille avant celui de l’état : la voix de la nature « n’est pour le magistrat qu’un faux guide » et il faut, pour ne pas se laisser influencer par elle, « la plus sublime vertu ». L’intérêt public est construit sur le modèle de l’intérêt naturel, mais en commençant par frapper celui-ci d’interdit.

La volonté générale

Vient enfin une dernière distinction, de nature différente car elle n’oppoe plus le domestique au public mais, au sein de l’espace public, le gouvernement et la souveraineté :

« Je prie mes lecteurs de bien distinguer encore l’économie publique dont j’ai à parler, & que j’appelle gouvernement, de l’autorité suprème que j’appelle souveraineté ; distinction qui consiste en ce que l’une a le droit législatif, & oblige en certains cas le corps même de la nation, tandis que l’autre n’a que la puissance exécutrice, & ne peut obliger que les particuliers. Voyez Politique & Souveraineté. » (p. 45)

En distinguant gouvernement et souveraineté, pouvoir exécutif (« puissance exécutrice ») et droit législatif, Rousseau répercute sans doute ici, à sa manière, la théorie de la séparation des pouvoirs que Montesquieu avait développée au livre XI de L’Esprit des lois (1748), en prenant appui sur la « constitution d’Angleterre » et sur la modélisation que Locke en avait faite dans son Traitement du gouvernement civil (1690). Le souci premier de Montesquieu était de prévenir l’abus de pouvoir : « Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir » (XI, 4, 1673). On ne doit donc pas concentrer tout le pouvoir dans les mains ni d’une seule personne, ni même d’un seul conseil ou corps politique. La constitution distinguera donc des types de pouvoirs différents, elle séparera des territoires hétérogènes d’exercice du pouvoir : « Il y a dans chaque État trois sortes de pouvoirs : la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil. » (XI, 6, 168)

La préoccupation et le raisonnement de Rousseau sont tout autres. Rousseau ne distingue pas des pouvoirs différents ; il n’y a qu’un seul pouvoir, qui émane de la souveraineté et s’exerce dans le gouvernement. Le gouvernement, c’est-à-dire l’économie politique qui l’intéresse ici, est un prolongement de la souveraineté, comme le corps politique est une extension du corps des particuliers, un changement d’échelle induisant, au bout du compte, une cascade de différences. L’économie politique s’exerce donc, idéalement, comme expression de la souveraineté du corps politique. Cette expression de la souveraineté, Rousseau la désigne comme « volonté générale » :

« Le corps politique est donc aussi un être moral qui a une volonté ; & cette volonté générale, qui tend toûjours à la conservation & au bien-être du tout & de chaque partie, & qui est la source des lois, est pour tous les membres de l’état par rapport à eux & à lui, la regle du juste & de l’injuste. » (ibid.)

La volonté générale est la notion directrice de l’article Économie et sans doute l’invention théorique la plus importante de Rousseau dans le domaine politique. Il y a évidemment une différence entre l’économie politique réelle et la volonté générale, pour toute une série de raisons que Rousseau énumère dans l’article. Mais l’essentiel est qu’avec la volonté générale, Rousseau établit un critère, un point d’appui depuis lequel opérer la critique de l’économie politique, elle-même comprise comme travail de la différence, entre économie domestique et économie politique, entre souveraineté et gouvernement. Par cette critique, le travail de la différence peut s’ériger en discours. La politisation du discours passe par la confrontation de son économie à la volonté générale.

Théoriquement, idéalement, la volonté générale préside à l’établissement des lois, par lesquelles s’exerce la souveraineté ; puis l’application des lois constitue le gouvernement, ou l’économie politique. Mais Rousseau suppose également un rapport direct entre l’économie politique et « la volonté générale, source et supplément de toutes les lois » : toutes les fois que l’administration des affaires publiques n’est pas absolument spécifiée par une loi, le bon gouvernement consiste à suppléer la volonté générale, à choisir « le parti le plus favorable à l’intérêt public ». C’est là que s’exerce la véritable action politique.

Dans la pratique, l’efficacité de la loi en soi est faible : lorsque la loi est édictée contre la volonté générale, et s’applique par contrainte, sans une persuasion intime des citoyens, « l’ordre et la paix » qu’elle instaure sont vains : « c’est beaucoup que l’état soit tranquille & la loi respectee mais si l’on ne fait rien de plus, il y aura dans tout cela plus d’apparence que de réalité, & le gouvernement se fera difficilement obéir s’il se borne à l’obéissance. » Et plus loin : « le plus grand ressort de l’autorité publique est dans le cœur des citoyens ».

C’est là la conséquence décisive d’une théorie du politique fondée sur la volonté générale. La souveraineté ne se représente pas par la loi ; elle s’exprime par la volonté générale. On retrouve ici le saut épistémologique qui, au début de l’Essai sur l’origine des langues, permet à Rousseau de définit le langage non comme un système de représentation des choses (une sémiotique), mais comme un mouvement d’expression des sentiments (un langage de l’accent poétique). Comme le langage de l’accent, la volonté générale émane des cœurs et s’imprime en eux, elle se communique bien plus qu’elle ne se vote ou s’explique :

« Ce n’est pas assez de dire aux citoyens, soyez bons ; il faut leur apprendre à l’être ; & l’exemple même, qui est à cet égard la premiere leçon, n’est pas le seul moyen qu’il faille employer : l’amour de la patrie est le plus efficace ; car comme je l’ai déja dit, tout homme est vertueux quand sa volonté particuliere est conforme en tout à la volonté générale, & nous voulons volontiers ce que veulent les gens que nous aimons. » (p. 55)

Bien sûr, on peut comprendre cela comme un programme, comme l’injonction d’éduquer le peuple et l’intention de réformer les méthodes d’éducation4. Incontestablement, ce sujet est brûlant à l’époque et Rousseau s’y est intéressé de près, dans La Nouvelle Héloïse à propos des enfants de Claire et de Julie, puis dans l’Émile. Mais surtout ici il s’agit de théoriser la volonté générale, beaucoup plus que de la manipuler. La volonté générale est l’expression naturelle de l’intérêt général, qui préexiste donc à l’institution politique, et en même temps la volonté générale est le produit d’une éducation par l’exemple et par la communication idéologique de l’amour de la patrie : elle est donc une construction politique. Contradictoirement originaire et construite, la volonté générale est littéralement impensable. Elle est le nœud conceptuel problématique, le point aveugle à partir duquel se déploie le discours, l’œuvre de Rousseau comme un seul discours, le système de la pensée de Rousseau.

Il ne suffit pas de dire, il faut apprendre à être : le discours est une critique du langage au nom de la présence. Cette critique est opérée par la mise en place d’un dispositif social de communication de la volonté générale. Celle-ci est enseignée par l’exemple, propagée et collectivisée comme amour de la patrie, par lequel elle commence à exister à proprement parler. Mais où cet exemple se situe-t-il d’abord, sinon dans l’économie domestique dont l’économie politique a pourtant soigneusement été distinguée ? Il y a là une mise en œuvre conceptuellement ambivalent, dont l’épisode, ou l’expérience de Clarens constitue, dans La Nouvelle Héloïse, le programme fictionalisé.

Le gouvernement de Clarens

Clarens est un dispositif. Saint-Preux le décrit d’abord comme un lieu, par différence avec un autre lieu, avant de déduire de la disposition des lieux l’administration des choses, puis le gouvernement des personnes.

« Depuis que les maîtres de cette maison y ont fixé leur demeure, ils en ont mis à leur usage tout ce qui ne servait qu’à l’ornement ; ce n’est plus une maison fate pour être vue, mais pour être habitée. […] À des meubles anciens et riches, ils en ont substitué de simples et de commodes. […] Partout on a substitué l’utile à l’agréable, et l’agéable y a presque toujours gagné. » (IV, 10, 528)

A l’ancien séjour d’Étange, « château magnifique et grand », s’oppose la maison de Clarens, avec « tout l’appareil de l’économie rustique ». À Clarens, tout converge vers l’utile. Le château d’Étange était une figure de souveraineté, incartant la noble majesté de la puissance paternelle, l’ancien monde des hiérarchies aristocratiques, avec ses dorures et ses ornements. La maison de Clarens est un lieu de gouvernement, aménagé pour l’administration des biens, avec des meubles commodes permettant une gestion efficace. Étange est placé sous l’égide de l’autorité paternelle, qui édicte ses lois ; Clarens est une communauté, un corps collectif dont l’expérience de pensée permet à Rousseau de mettre à l’épreuve, par la fiction, sa théorie de la volonté générale.

Cette économie, au sens de la langue classique (ce gouvernement, cette administration, cette gestion), vise l’efficacité : elle est donc aussi une économie au sens contemporain du terme5, dont la production est régie selon une logique de rentabilité et d’efficacité :

« M. de Wolmar prétend que la terre produit à proportion du nombre des bras qui la cultivent ; mieux cultivée, elle rend davantage ; cette surabondance de production donne de quoi la cultiver mieux encore ; plus on y met d’hommes et de bétail, plus elle fournit d’excédent à leur entretien. On ne sait, dit-il, où peut s’arrêter cette augmentation continuelle et réciproque de produit et de cultivateurs. Au contraire, les terrains négligés perdent leur fertilité : moins un pays produit d’hommes, moins il produit de denrées : c’est le défaut d’habitants qui l’empêche de nourrir le peu qu’il en a, et dans toute contrée qui se dépeuple on doit tôt ou tard mourir de faim. » (IV, 10, 529)

Qu’on est loin ici des discours sur la décroissance ou du malthusianisme populiste qui ont envahi l’espace politique contemporain ! On est frappé d’abord par l’insistance sur la production : « la terre produit », « cette surabondance de production », « cette augmentation continuelle et réciproque de produit », « moins un pays produit…, moins il produit », ce sont cinq occurrences en un peu moins de dix lignes ! L’économie de Clarens est orientée tout entière vers la production intensive, vers le rendement maximal d’un terrain qui, parce qu’il est petit doit accueuillir le maximum de main-d’œuvre pour produire le maximum de plus-value. Ddu château d’Étange au domaine de Clarens, on est passé d’une logique féodale de l’apparat à une logique capitaliste du rendement, dont le principe politique est l’économie.

La refondation du politique par l’économie se fait à partir de l’espace domestique6 : Clarens est un espace privé, clos sur lui-même et limitant au maximum les échanges avec l’extérieur, par l’auto-suffisance alimentaire et par l’instauration de loisirs qui découragent les domestiques et les travailleurs du domaine de passer leur temps libre dans le monde extérieur. Cette clôture7, qui permet à Rousseau de virtualiser en pensée un terrain d’expérimentation économique, de faire de Clarens une expérience de pensée, donne au domaine le statut d’utopie et par là, paradoxalement, le politise : l’économie domestique de Clarens fictionalise l’économie politique de l’Encyclopédie et prépare le déploiement de celle-ci comme discours, portant critique sur le modèle même qu’il déploie.

Construction de l’autorité politique et falsification de la volonté générale

Très rapidement on comprend, à la lecture de la lettre X, que l’objet du discours, c’est le gouvernement, que cette lettre est un discours sur le gouvernement de Clarens, sur la stratégie mise en œuvre par le couple Wolmar pour gouverner. En ce sens, bien que l’économie dont il s’agit soit apparemment domestique, il s’agit bien d’économie politique au sens de l’article Économie de l’Encyclopédie.

Tout le propos consiste à démontrer qu’on ne gouverne efficacement ni par la loi, ni par la contrainte, ni même par l’intérêt. Le ressort le plus puissant du gouvernement est l’amour : c’est de l’amour que naît la volonté générale, sur laquelle l’autorité politique peut et doit s’appuyer, comme c’est dans l’amour qu’elle se résout. Encore et toujours, l’amour constitue la base du discours du maître, tendu vers le service de la Dame :

« Cependant un moyen plus efficace encore, le seul auquel des vues économiques ne font point songer, et qui est plus propre à Made de Wolmar, c’est de gagner l’affection de ces bonnes gens en leur accordant la sienne. Elle ne croit point s’acquitter avec de l’argent des peines que l’on prend pour elle, et pense devoir des services à quiconque lui en a rendu. Ouvriers, domestiques, tous ceux qui l’ont servie, ne fût-ce que pour un seul jour, deviennent tous ses enfants ; elle prend part à leurs plaisirs, à leurs chagrins, à leur sort ; elle s’informe de leurs affaires, leurs intérêts sont les siens ; elle se charge de mille soins pour eux, elle leur donne des conseils, elle accommode leurs différends, et ne leur marque pas l’affabilité de son caractère par des paroles emmiellées et sans effet, mais par des services véritables et de continuels actes de bonté. Eux, de leur côté quittent tout à son moindre signe; ils volent quand elle parle ; son seul regard anime leur zèle, en sa présence ils sont contents ; en son absence ils parlent d’elle et s’animent à la servir. Ses charmes et ses discours font beaucoup ; sa douceur, ses vertus font davantage. Ah ! Milord ! l’adorable et puissant empire que celui de la beauté bienfaisante ! » (IV, 10, 531)

Pas question ici de production, mais de service, et d’un service qui part de la dame pour revenir vers elle de la part non d’ouvriers qu’on paye, de domestiques qu’on exploite, mais d’une cour de chevaliers servants, se plaçant volontairement, gratuitement sous « l’adorable et puissant empire […] de la beauté bienfaisante ». La description du paternalisme bourgeois recycle le vocabulaire et les manières d’un service courtois collectivisé et en quelque sorte démocratisé, ou tout du moins habillé d’une façade démocratique.

L’échange des services vient en plus du travail et du salaire qui le rétribue. Dans le système de production mis en place dans le domaine, cet échange constitue à la fois un supplément et le fondement de l’autorité politique qui organise Clarens en une société politique. Le service vient après l’établissement des rapports de production, dont il efface en quelque sorte, ou fait oublier la structure mercantile et la hiérarchie brutale entre les maîtres et leurs employés. Symboliquement, moralement, le service frappe la structure d’interdit. Mieux : il informe la production même, qui devient service de la Dame en retour, en remerciement des mille petits services que Mme de Wolmar a rendus à ses gens. Le modèle de la production est le service, qui frappe d’interdit ce que modélise la production : les rapports de production, la différence des classes, la domination et la sujétion par le travail et par l’argent.

L’effacement du modèle par le processus même de modélisation construit l’autorité politique à partir d’un artefact de famille, qui naturalise le pouvoir exercé comme patria potestas. Les gens de Julie « deviennent tous ses enfants » ; « On ne les regarde point seulement comme des mercenaires dont on n’exige qu’un service exact ; mais comme des membres de la famille, dont le mauvais choix est capable de la désoler8. » (p. 532)

La formule de-la-famille-dont-le-mauvais-choix dit tout : précisément, on ne choisit pas sa famille ; cette famille n’en est pas une parce que quelqu’un l’a choisie, l’a composée. D’autre part, l’article Économie avait insisté sur la structure fondamentale de la famille naturelle, qui est une structure patriarcale, où le père doit toujours avoir préséance sur la mère. Il n’en va pas de même à Clarens, où, si M. De Wolmar a initié les lois, Julie est toujours l’instance ultime de gouvernement.

« Ai-je tort, Milord, de comparer des maîtres si chéris à des pères et leurs domestiques à des enfants ? », demande plus loin Saint-Preux : son discours porte la critique de cette comparaison.

On touche ici à la question centrale de l’interprétation du discours de Saint-Preux. Celui-ci présente sa description de Clarens comme un éloge et ne cachait pas son enthousiasme au début de la lettre. Il va pourtant décire l’art de gouverner mis en œuvre par Julie comme un art de la tromperie, dans lequel la bienveillance est machiavéliquement calculée :

« Dans la République on retient les citoyens par des mœurs, des principes, de la vertu : mais comment contenir des domestiques, des mercenaires, autrement que par la contrainte et la gêne ? Tout l’art du maître est de cacher cette gêne sous le voile du plaisir ou de l’intérêt, en sorte qu’ils pensent vouloir tout ce qu’on les oblige de faire. » (p. 542)

Quelques pages plus haut, nous l’avons vu, Saint-Preux vantait une économie du service. Il nous rappelle ici que les serviteurs sont avant tout des mercenaires, qu’on sert pour l’argent qu’on en gagne, non pour le plaisir qu’on en pourrait tirer. Le ressort fondamental du service est la gêne, dont il faut rappeler la signification dans la langue classique :

« Gêne. Quelques-uns écrivent Gehenne. s. f. Question, torture, tourmens que l’on fait souffrir à un criminel pour lui faire dire la vérité. […] Ce mot commence à vieillir en ce sens. […]
☞ Gêne se dit par extension de tout ce qu’on fait souffrir à quelqu’un, pour lui faire faire ou dire quelque chose. Les Soldats mettent les Paysans à la gêne, pour leur faire avouer où est leur argent.
☞ Ce terme est souvent employé dans un sens figuré pour exprimer la peine de l’esprit, un effort pénible. […] Se donner la gêne, mettre son esprit à la gêne, c’est se tourmenter beaucoup, faire de grands efforts d’esprit. » (Dictionnaire de Trévoux, éd. 1771, IV, 456b)

Par la gêne, Rousseau ramène le travail à sa signification étymologique de torture, de violence exercée pour faire faire. La gêne, c’est la réalité torturante du travail. Cette gêne, il s’agit de la cacher en donnant l’impression aux employés de Clarens qu’ils ne travaillent pas, que c’est par plaisir et par intérêt qu’ils font ce qu’ils font : encore cet intérêt n’est-il pas mercenaire, pas pécunier ; c’est l’intérêt qu’ils prennent à Julie, par le lien d’échange de services qu’elle a tissé avec eux et qui leur donne l’illusion d’être une seule famille.

L’opposition affirmée entre les rapports sociaux dans la République (qui permettent à l’économie politique de fonctionner) et l’administration de Clarens (qui est une économie domestique) ne doit pas nous leurrer : nous avons vu comment Rousseau procède dans l’article Économie de l’Encyclopédie. La différence dissimule toujours une extension, une extrapolation (ici, de l’espace privé vers l’espace public, des intérêts particulier vers l’intérêt général), qui recouvre une similitude. Ce qui diffère, ce ne sont pas « les mœurs, les principes, la vertu », mais l’artifice qui permet de les promouvoir : l’objectif est « qu’ils pensent vouloir tout ce qu’on les oblige de faire » ; il s’agit de forger une volonté, ce qu’on voit ici à l’œuvre est la fabrique idéologique de la volonté générale.

Dans l’article Économie, Rousseau avait suggéré que la falsification de la volonté générale était une pratique courante :

« …la volonté la plus générale est aussi toûjours la plus juste, & […] la voix du peuple est en effet la voix de Dieu.
Il ne s’ensuit pas pour cela que les délibérations publiques soient toûjours équitables ; […] il n’est pas impossible […] que le conseil d’une démocratie passe de mauvais decrets & condamne les innocens : mais cela n’arrivera jamais, que le peuple ne soit séduit par des intérêts particuliers, qu’avec du crédit & de l’éloquence quelques hommes adroits sauront substituer aux siens. Alors autre chose sera la délibération publique, & autre chose la volonté générale. »

Les employés de M. et Mme de Wolmar croient vouloir ce qui est de l’intérêt de la communauté de Clarens quand en fait ils servent les intérêts particuliers de leurs maîtres. La volonté qu’ils expriment est donc une volonté générale falsifiée, même si la vertu de Julie s’efforce de faire coïncider au mieux son intérêt de chef d’entreprise avec celui de l’artefact de famille qu’elle a créé avec ses gens. Cette falsification n’est pas nécessairement perverse, elle ne l’est même pas du tout ici du point de vue de Saint-Preux, qui défend l’idée d’un intérêt bien compris des domestiques, bernés pour leur bien. C’est-à-dire qu’au bout du compte cet intérêt particulier (de Julie), qui diffère de la volonté générale (des gens de Clarens), la supplée d’une manière qui n’est jamais condamnée ouvertement par Saint-Preux, de même que cette économie domestique (que fictionalise le domaine de Clarens), qui diffère de l’économie politique (de la République), la supplée et en déploie le discours, sans pour autant en assumer pleinement l’implication proprement politique.

Le simulacre d’égalité

Coexistent donc, dans la lettre X, la description, nette et sans appel, d’une fraude, et même d’une série de fraudes de Julie, et l’exaltation de sa vertu, pour le plus grand bonheur de la communauté familiale qu’elle a construite autour d’elle.

La fraude est inhérente à la manière même dont Julie exerce l’autorité politique à Clarens. Je parle d’une autorité politique, et non domestique, parce que la famille dans laquelle elle s’exerce est une famille forgée, extrapolée, un artefact de famille, ce qui définit exactement le corps politique par différence avec la famille naturelle. L’autorité n’est d’ailleurs pas à proprement parler exercée, mais dissimulée et suppléée par l’exemple :

« Les valets imitent les maîtres ; et, les imitant grossièrement, ils rendent sensibles dans leur conduite les défauts que le vernis de l’éducation cache mieux dans les autres. […] En toute chose l’exemple des maîtres est plus fort que leur autorité, et il n’est pas naturel que leurs domestiques veuillent être plus honnêtes gens qu’eux. » (p. 553)

L’exemple des maîtres est plus fort que leur autorité, c’est-à-dire qu’il ya deux formes d’autorité, une autorité politique, ou calquée sur le politique, qui est ce que Rousseau nomme ici autorité, et une autorité économique, proprement domestique, qu’il désigne ici comme exemple. L’autorité économique s’exerce par la contagion de l’exemple, par la dissémination dans la communauté d’une manière de vivre dont les maîtres donnent l’exemple, par différence avec l’autorité proprement politique, qui s’exerce par la loi, par la contrainte qu’exerce la loi sur les administrés, en prévoyant sanctions, punitions et amendes en cas d’infraction. A défaut d’une loi qui fixe les règles de vie, l’autorité économique supplée un modèle qui irradie, c’est-à-dire la communication sensible de ce modèle.

Mais dans le cadre domestique qui nous intéresse ici, il n’y a pas de loi au sens juridique du terme. Ce qui tient lieu de loi dans cet espace qui échappe au politique mais le mime, le singe, c’est le discours des maîtres. L’autorité du maître se manifeste par le discours qu’il tient. Et là le rapport de l’essentiel et du supplément s’inverse : ce n’est plus l’exemple qui supplée l’autorité, c’est « le vernis de l’éducation » qui, artificieusement, supplée le défaut d’exemple. Ce vernis désigne le discours du maître, pure parade rhétorique, pur ornement décorrélé des pratiques de vie et de l’exemple qu’elle donnent. Pour les maîtres, ce vernis rend acceptable leur conduite, la justifie même, ou feint de la justifier ; pour les valets, dépourvus de vernis, inaccessibles à l’artefact du discours, le modèle se manifeste dans son insoutenable abjection et sa perverse efficacité corruptrice.

Rousseau ne tente pas de réhabiliter, à Clarens, un discours du maître qui exprimerait l’autorité politique. Le discours du maître y est frappé d’interdit, Julie et M. de Wolmar n’exercent leur souveraineté qu’à la condition de ne pas en tenir le discours d’autorité.

Le monde de Clarens est le lieu et le moyen de ce renversement, de cette critique du discours et de son dépassement. C’est ce qu’exprime cette formule en chiasme de Saint-Preux :

« N’est-il pas bien simple que les enfants du même père se traitent en frères entre eux ? C’est ce qu’on nous dit tous les jours au Temple sans nous le faire sentir ; c’est ce que les habitants de cette maison sentent sans qu’on le leur dise. » (p. 552)

Le discours paulinien, qui prêche l’égalité des hommes devant Dieu, n’est qu’un discours que dément la réalité d’une société fondamentalement inégalitaire : c’est pourquoi ce qui est prêché au Temple n’a pas d’écho sensible en nous et demeure vaine parole ; en revanche, cette égalité est ressentie par la communauté de Clarens et, parce que les maîtres en donnent l’exemple, ils n’ont pas besoin d’en tenir le discours. Mais comment peut-on donner l’exemple de l’égalité quand on est le maître, surtout si cet exemple a pour but d’asseoir et de perpétuer l’autorité des maîtres ?

C’est qu’il ne s’agit réellement ici ni d’égalité ni de justice, mais d’efficacité dans l’exercice de l’autorité : l’autorité économique, domestique de l’exemple est plus efficace que l’autorité du discours, de la loi, du politique. Elle marque aussi un changement de régime : l’ancien régime est vertical, structurée par la différence radicale des seigneurs et des domestiques, de ceux qui détiennent le vernis du discours et de ceux qui en sont dépourvus. Dans cet ancien régime, le discours règne, les articulations rhétoriques de l’éloquence des maîtres sont le miroir et la justification des ordres et des places dans la société. C’est ce que Jacques Rancière définit comme le régime poétique.

Le nouveau régime au contraire est horizontal, fondé sur la communauté formée par les maîtres avec leurs domestiques, à la manière d’une famille. Dans ce nouveau régime, le discours est frappé d’interdit, l’interdit du discours devient le modèle : c’est le fait même que les maîtres s’interdisent le discours qui les érige en modèles par l’exemple sensible de leur vie, qui donne confiance dans cet exemple, qui permet que cet exemple se communique et fasse contagion. Ce nouveau régime n’est nullement égalitaire : mais son inégalité tire sa légitimité de ce qu’elle est régulièrement niée par l’exemple des maîtres, et qu’elle est sans cesse réaffirmée par les domestiques eux-mêmes renouvelant leur confiance, leur dévotion envers leurs maîtres. C’est-à-dire que le discours n’est plus le ressort de ce régime, mais la sensibilité, qui devient le vecteur fondamental de communication du modèle. Parce que le ressort du nouveau régime est la sensibilité, Jacques Rancière le définit comme régime esthétique9.

Le discours comme critique

Rousseau pour autant ne renonce nullement au discours : mais à Clarens, ce ne sont pas les maîtres qui le tiennent, c’est Saint-Preux décrivant leur économie domestique. Ce discours est épidictique : mais l’éloge même introduit déjà la dimension critique. Quand le discours cesse d’être performatif (le discours du maître qui par le seul fait de s’énoncer refondait la hiérarchie légitimant le maître comme maître), quand le discours se dissocie de son objet pour le considérer à distance de lui-même, la première forme de la distanciation critique est l’éloge.

On touche là à l’enjeu essentiel de cette lettre X de la quatrième partie, dans le grand projet de développement du discours qui structure et innerve l’ensemble de La Nouvelle Héloïse. Par l’économie domestique de Clarens et par sa description, c’est une relation critique qui se met en place. Elle n’est jamais complètement jouée ni assumée : il demeure indécidable si Saint-Preux est partie prenante de la communauté ou un observateur extérieur qui la décrit.

Dans la lettre X, Julie prend tout d’un coup le relais de Saint-Preux, qui n’est plus la première personne qui parle : « Je le dis à Julie ; et voici à peu près ce qu’elle me répondit. La pure morale… » (p. 545) ; puis « Encore une coup, continua Mad.e de Wolmar d’un ton plus tranquille, ce n’est point dans les assemblées nombreuses… » (p. 547) ; puis « Voilà, Milord, ce que me dit Julie au sujet de la danse… » (p. 548). En principe, après cette phrase, c’est bien Saint-Preux qui reprend la parole à son propre compte. Comment comprendre cependant le « nous » de « c’est ce qu’on nous dit tous les jours au Temple sans nous le faire sentir » et le « cette » de « c’est ce que les habitants de cette maison sentent », où « cette » ne peut guère se lire que comme un latinisme pour notre (hæc domus). Saint-Preux s’inclut clairement dans le nous, mais sans doute aussi dans le cette, et peut difficilement mettre à distance cette maison après avoir invoqué ce qu’on nous dit.

Le discours de Saint-Preux est en train de basculer vers un discours critique mais il commence par suppléer le défaut de discours de Julie, dont l’autorité se fonde désormais sur la mise en interdit du discours. Il faudra deux parties encore pour que cette distanciation critique s’opère complètement, pour que Saint-Preux dise non à Julie en refusant le mariage avec Claire, et précipite par ce refus l’effondrement du modèle ici décrit.

Notes

1

Discours sur l’économie politique, éd. B. Bernardi, Vrin, 2002, p. 41. Voir également la note 1 : s’il n’y a pas d’article Père de famille dans l’Encyclopédie, il y a bien un article Père, du Chevalier de Jaucourt, écrit sans nul doute beaucoup plus tardivement et publié en tous cas en 1765. Cet article se conclut ainsi : « Quant à l’origine & à l’étendue du pouvoir paternel, voyez Pouvoir paternel ; c’est une matiere délicate à traiter. » De la même manière, il n’y a pas d’article Pouvoir paternel, mais un article Pouvoir, qui en traite.

2

Plus loin Rousseau écrit : « Qu’on me permette d’employer pour un moment une comparaison commune & peu exacte à bien des égards, mais propre à me faire mieux entendre. » La comparaison (en l’occurence du corps politique à un corps vivant) appareille, mais elle est peu exacte, bancale, elle fait travailler une différence. C’est le mode de raisonnement proprement rousseausite.

3

Je donne les références à Montesquieu dans l’édition Derathé en 2 volumes de L’Esprit des lois, Garnier, 1973.

4

Voir sur cette question Ghislain Waterlot, « Les conditions de la vertu. L’éducation publique », Jean-Jacques Rousseau. Discours sur l’économie politique, éd. B. Bernardi, Vrin, 2002, p. 155-172.

5

Pour une approche thématique des thèses économiques développées dans la IVe partie de La Nouvelle Héloïse, voir Céline Spector, Rousseau, éthique et économie. Le modèle de Clarens dans La Nouvelle Héloïse, Cahiers d’économie politique, 2007 | 2, n°53, p. 27-53.

6

Voir à ce sujet les analyses de Jürgen Habermas, L’Espace public [1962], trad. Marc B. de Launay, Payot, 1992, chap. 1, « De la sphère publique bourgeoise ».

7

Julie évoque, à propos du « choix des Sujets » (du recrutement du personnel) « une maison dont ils ne sortent jamais et où ils sont toujours vis-à-vis les uns des autres » (p. 552).

8

C’est-à-dire : on les regarde comme des enfants de la famille qui, si on les a mal choisis en les recrutant comme ouvriers ou comme domestiques, risquent de porter la désolation dans la famille que constitue Clarens, risquent de détruire cette famille.

9

Jacques Rancière, Le Partage du sensible, « Des régimes de l’art et du faible intérêt de la notion de modernité », La Fabrique, 2000, p. 26-45.

Référence de l'article

Stéphane Lojkine, « L'économie politique de Clarens », Julie, le modèle et l'interdit, cours d'agrégation donné à l'université d'Aix-Marseille. Séance du 20 octobre 2021.

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