Il pourrait être tentant de suggérer que l’illustration offre aux yeux du lecteur ce que le texte offre à son esprit, qu’elle rend visible ce qui a d’abord été rendu lisible. En somme, le dessin permettrait simplement de visibiliser ce que les mots ont construit patiemment en sous-sol en suivant leur chemin linéaire. Mais une telle approche serait par trop inexacte, voire simpliste, car elle ne rendrait pas justice à la profondeur de champ propre aux images. Tout d’abord, revenons sur une erreur commune. Il importe de rappeler, avec Pierre Vidal-Naquet, que « le texte lui-même est une interprétation : il n’y a pas d’un côté les images qui interprètent et de l’autre le texte qui dit1 ». L’illustration d’un texte par l’image peut donc être considérée comme l’interprétation d’une interprétation textuelle première. Il s’agit d’interprétations en chaîne, en quelque sorte et, dans le cadre qui intéresse cette publication, l’image marche dans les pas du texte de théâtre. Dans Illustration : A Theoretical and Contextual Perspective, Alan Male définit l’illustration comme le moyen de « véhiculer un message contextualisé spécifique2 ». Si toutes les images peuvent être considérées comme étant le produit d’un contexte, seules certaines d’entre elles peuvent prétendre au statut d’illustration et c’est le rapport « spécifique » à leur lieu de gestation qui permet de les distinguer des « simples » images3. L’illustration se souvient, et elle porte ostensiblement le sceau de son origine. Pourtant, malgré ce devoir de mémoire qui la relie intrinsèquement à son lieu de naissance, l’illustration jouit d’une grande liberté. Le reflet qu’elle offre aux regards peut s’arroger le droit d’être infidèle, comme le miroir qui renvoie toujours un reflet infidèle – puisqu’il inverse droite et gauche – mais dans lequel chacun reconnaît pourtant son propre visage. Qu’elle soit ou non fidèle, l’illustration trouve sa légitimité dans une forme d’échange car elle renvoie nécessairement au texte qui a présidé à sa naissance. Si avec le temps et les aléas de la vie le texte en question était perdu et son illustration subsistait, une fois sans pédigrée cette dernière deviendrait une image ordinaire.4 L’étymologie rappelle d’ailleurs que le terme latin illustrare signifie « éclairer ». Illustrer un texte c’est donc contribuer à « faire la lumière » sur une œuvre. Mais c’est aussi « faire apparaître » (le terme médiéval illustratio signifie « apparition ») une pensée souterraine contenue dans le texte, une pensée que le langage seul ne peut exprimer pleinement. On pourrait même suggérer audacieusement que l’illustration fait voir ce que certains textes ont laissé surgir seulement dans l’esprit des artistes qui pourraient alors être décrits comme des poètes visuels. À propos des personnages de Shakespeare, Stéphane Mallarmé affirmait d’ailleurs qu’ils sont « tangibles, intenses : lus, ils froissent la page, pour surgir, corporels. »5 Ainsi, l’illustration ne double pas les mots de manière servile ou didactique : elle exprime « quelque chose » qui infuse dans le texte et qu’elle seule est à même de restituer. Lire le théâtre c’est accorder aux personnages une première figuration latente.
Pour élucider la nature de ce « je-ne-sais-quoi » – pour reprendre une formule chère à Vladimir Jankélévitch – qui affleure dans les œuvres littéraires, il faut s’intéresser à son cheminement depuis la source (la vie), son déversement dans le texte, pour arriver à son illustration. La première partie de ce parcours a été très bien décrite par Robert Frost qui souligne l’importance de la poésie : « Pour que la poésie existe il faut qu’une émotion trouve une pensée et que cette pensée trouve des mots6 ». On part donc de l’émotion brute qui cherche à se couler dans une pensée afin de pouvoir s’incarner dans un texte. Ensuite, l’illustration adjoint à la pensée incarnée du texte une pensée visuelle générée par la lecture du texte. On a donc le cheminement suivant :
Vie / sensation / pensée / formulation // formulation / sensation / image.
La fabrique de l’image commence là où le texte s’est arrêté. Elle « continue ».
L’image larvée hébergée par le texte apparaît au lecteur illustrateur. Pour mieux appréhender le devenir-image du texte et les échanges subtils qui se tissent entre le bourgeon des mots et la fleur de l’image, il peut être utile d’utiliser une métaphore qu’affectionnait Gilles Deleuze. En effet, le philosophe se sert de l’extraordinaire orchidée Ophrys apifera pour établir ce qu’il appelle « le tracé d’un devenir7 ».
L’orchidée a l’air de former une image de guêpe, mais en fait il y a un devenir-guêpe de l’orchidée, un devenir-orchidée de la guêpe, une double capture puisque « ce que » chacun devient ne change pas moins que « celui qui » devient. La guêpe devient partie de l’appareil reproducteur de l’orchidée, en même temps que l’orchidée devient organe sexuel pour la guêpe. Un seul et même devenir, un seul bloc de devenir, ou, comme dit Rémy Chauvin, une « évolution a-parallèle de deux êtres qui n’ont absolument rien à voir l’un avec l’autre8 ».
Il est très tentant de suggérer que l’illustration, le « devenu-image » du texte, porte un devenir-texte de l’image. En effet, comme nous l’avons indiqué précédemment, elle convoque le texte qui l’a convoquée. Elle se situe au point de jonction entre deux modalités, entre l’envol de la fleur et la floraison de l’insecte. La combinaison du texte et de l’image crée un territoire intermédiaire, une zone de turbulence féconde. « Les choses ne commencent à vivre qu’au milieu9 », dit encore Gilles Deleuze. À sa manière propre, toute illustration est un palimpseste.
Accomplir un travail d’illustration c’est dont interroger un « milieu » en quête d’une pensée non verbalisée mais sous-jacente au texte. W.J.T. Mitchell a appelé cet atopos un « no man’s land » qui germe dans le mot et s’épanouit dans l’image. Il est devenu le sujet d’intenses investigations de la part des spécialistes des rapports entre mots et images qui sondent donc un lieu sans lieu, qui cartographient une absence10.
La pensée
L’illustration résulte d’un processus de visibilisation du texte qui s’accomplit dans un utopos paradoxalement propice à sa fécondation. Les mots égrenés par l’auteur germent dans l’imagination du lecteur illustrateur qui transforme son expérience littéraire en production visuelle. Pourtant le peintre et le poète peuvent aussi être perçus comme des rivaux, plutôt que comme des amants. Ainsi le sonnet 24 de Shakespeare, qui s’inscrit dans l’esprit du paragone, ce courant de la Renaissance qui poussait les pratiquants d’une discipline à affirmer la supériorité de cette dernière sur toutes les autres, se termine sur une condamnation radicale des peintres : « Eux qui ne dessinent que ce qu’ils voient, n’ont pas accès au cœur11 ». Ce vers rappelle que le regard du peintre s’arrête sur le seuil de l’épiderme. Quelques siècles plus tard, Paul Valéry a révoqué cette sentence en déclarant que « ce qu’il y a de plus profond chez l’homme, c’est la peau. » Ainsi, il est venu à la rescousse du peintre pour signaler que la surface n’est pas forcément superficielle. De plus, même si la peau ne montre que l’enveloppe de l’être, celle-ci est peut-être un gage paradoxal de profondeur, voire de fertilité : « L’histoire nous apprend que les bonnes routes n’ont pas de fondation, et la géographie, que la terre n’est fertile que sur une mince couche12 », dit Gilles Deleuze. Mais comment la surface lisse de l’image peut-être recéler le foisonnement que le philosophe lui prête ? Même si cette dernière se donne, immédiate, elle permet, comme le texte, de partager une expérience. Car la peinture pense. Cette affirmation est d’ailleurs la phrase inaugurale de l’ouvrage de George Didi-Huberman La Peinture incarnée13, et elle revient sous la plume de nombreux auteurs. Dessiner c’est, dit le poète Bernard Noël « dévier la pensée vers l’œil14 ». Quant à Daniel Arasse et Tzvetan Todorov, ils n’ont cessé d’affirmer que « montrer c’est penser15 ». La peinture est cosa mentale, disait Léonard de Vinci. Et Paul Cézanne d’affirmer : « Je pense en peinture16 ».
Alors de quel type de pensée s’agit-il ? La pensée en question est brute, directe, non filtrée par la mécanique structurante de la syntaxe. Elle se déploie dans ce que Michel Foucault appelle « l’étendue sablonneuse de la non-pensée17 ». Le silence de l’image est même, dit Jankélévitch, « la fermentation de la pensée18 ». En somme, il s’agit d’une pensée sans pensée, proche de l’émotion19. Mais cette ‘pensée non-pensée’ ne rend-elle pas compte d’une présence première qui peut se déverser dans le texte ou emplir l’espace clos de l’image afin d’accéder à la formulation ou à la visibilité ? En effet, « quand nous parlons, ce n’est pas la source qui parle », dit Pascal Quignard20. Cette présence première existe en amont de l’acte d’écriture et en amont de l’image. « Quoi que tu écrives / tu n’exprimeras point le sens, / car au commencement n’était pas le verbe / mais la joie des corps21 », dit la poétesse Aksinia Mihaylova. Poiesis est le nom que George Steiner donne à cette « puissance commune » et souterraine22. Yves Bonnefoy parle d’elle comme étant un « rien » particulier. La poésie, dit-il, « c’est découvrir (…) que ce rien, vécu comme rien, ce sera le tout, lequel n’est que somme infinie de riens semblables23 ». Pour Vladimir Jankélévitch, il s’agit d’un « je-ne-sais-quoi24 ». Peter Brook évoque « ce qui est derrière les signes25 ». Dans Le Temps retrouvé, Marcel Proust parle d’une « pénombre » qui se loge dans un « livre aux caractères figurés, non tracés par nous26 ». Pour George Borges, c’est le monde premier des rêves. Quant à Gilles Deleuze, il ne parle pas de poiesis mais renvoie directement à un « impensé » qu’il n’a pas de mal à identifier. Ainsi, dit-il, le texte et l’image « force[nt] à penser ce qui se dérobe à la pensée, la vie27 ».Car, comme le rappelle Marcel Proust, « l’habitude de penser empêche parfois d’éprouver le réel, immunise contre lui, le fait apparaître de la pensée encore28 ».
Cette poiesis (appelons-la ainsi) a un devenir-texte et un devenir-image distincts. Marcel Proust a raison d’affirmer que le peintre et le poète sont des traducteurs29 (des accoucheurs ?) qui proposent des formes de visibilités irréductibles l’une à l’autre. Ainsi, Michel Leiris souligne la difficulté à transposer l’émotion picturale en langage normé : « Si je dois (…) traduire en phrases ce qui m’a été transmis en un langage dont le propre est d’opérer bouche cousue et sur l’instant, je risque fort de m’égarer30 », dit-il. En effet, comment le bruit31 des mots pourrait-il rendre compte du silence de l’image ? Et comme le rappelle Ellen Spolsky : « Il est impossible de maîtriser le sens d’une forme32 ». L’irréductibilité d’une forme de visibilité à l’autre paraît évidente et l’avis de Michel Foucault à cet endroit semble clore le débat :
Le rapport du langage à la peinture est un rapport infini. Non pas que la parole soit imparfaite, et en face du visible dans un déficit qu’elle s’efforcerait de rattraper. Ils sont irréductibles l’un à l’autre : on a beau dire ce qu’on voit, ce qu’on voit ne loge jamais dans ce qu’on dit, et on a beau faire voir, par des images, des métaphores, des comparaisons, ce qu’on est en train de dire, le lieu où elles resplendissent n’est pas celui que déploient les yeux, mais celui que définissent les successions de la syntaxe33.
René Char n’a pas dit autre chose : « L’œil et la bouche ne vivent pas sur le même continent. Leurs sources sont d’inspiration opposée, leurs eaux de couleur différente, leurs effets variables dans leur analogie34 ». En d’autres termes, comme le dit Régis Debray, « Montrer ne sera jamais dire35 ».
La main
L'illustrateur révèle donc, par l’image, quelque chose que l’auteur a murmuré à voix basse sans en avoir forcément conscience, découvrant une part insondable du feuilleté du texte qui peut participer de ce que Roland Barthes appelle le « sens obtus », à savoir une « emphase elliptique36 ». Malgré le risque de la révélation d’une pensée souterraine, nombreux sont les écrivains qui ont accueilli avec enthousiasme la promesse d’une publication illustrée. Dans une lettre à Paul Cézanne datée du 25 mars 1860, Émile Zola raconte un rêve récent :
J’ai fait un rêve, l’autre jour. J’avais écrit un beau livre, un livre sublime que tu avais illustré de belles, de sublimes gravures. Nos deux noms en lettre d’or brillaient, unis sur le premier feuillet, et, dans cette fraternité du génie, passaient inséparables à la postérité. Ce n’est encore qu’un rêve malheureusement37.
Ce projet onirique qui aurait mêlé inextricablement la pensée littéraire de Zola et celle, visuelle, de Cézanne n’a jamais été réalisé. La pulsion fraternelle évoquée par Zola s’oppose au rejet radical exprimé par Flaubert dont on connaît la répulsion pour l’illustration qui, pensait-il, trahirait son propos. Pour lui, elle n’est pas un jeu complice mais une trahison :
Jamais, moi vivant, on ne m’illustrera, parce que la plus belle description littéraire est dévorée par le plus piètre dessin […]. Une femme dessinée ressemble à une femme, voilà tout […] tandis qu’une femme écrite fait rêver à mille femmes. Donc, ceci étant une question d’esthétique, je refuse formellement toute espèce d’illustration38.
Le paragone n’avait donc pas dit son dernier mot en ce milieu de XIXe siècle puisque « l’homme-plume39 » ne se rêvait pas « homme-pinceau ». Le courant impressionniste naissant aurait pourtant pu le convaincre de l’aptitude la peinture à représenter des individus génériques fragmentés par une lumière diffuse.
Alors pourquoi ce rejet viscéral ? Ce qui a pu faire peur à Flaubert c’était peut-être, au-delà de la « question d’esthétique » qu’il évoque, la présence d’un intrus au cœur de l’illustration. Un dialogue subtil se tisse en effet entre l’œil du peintre et un tiers : sa main. « Le peintre apporte son corps » dit Paul Valéry40. Comme toute image peinte ou dessinée, l’illustration est produite par l’inévitable tension picturale entre un œil et une main.
Je dis qu’il y a toujours un moment dans la peinture ou un aspect dans un tableau où la main et l’œil s’affrontent comme des ennemis. C’est peut-être un des moments très intéressants de la peinture41.
Il est difficile de déterminer précisément si l’œil et la main de l’illustrateur sont engagés dans un combat, comme l’affirme Deleuze, ou bien dans une étreinte amoureuse. En d’autres termes, une illustration est-elle produite par des coups ou par des caresses ? L’Éloge de la main d’Henri Focillon présente une intuition intéressante. À propos de la main, le critique dit qu’« elle prend, elle crée, et parfois on dirait qu’elle pense42 ». La main n’est pas servile : « Elle construit la vision, elle lui donne corps, elle en agrandit les perspectives. La main n’est pas la serve docile de l’esprit, elle cherche, elle s’ingénie pour lui, elle chemine à travers toute sorte d’aventures, elle tente sa chance43 ». La force de cette pensée haptique – qui peut aussi donner naissance à la musique et qui vient souvent à la rescousse de la parole – a été évoquée par le personnage du peintre Frenhofer dans Le Chef d’œuvre inconnu de Balzac (1831)44. La main ne pourrait-elle pas être cet intrus qui s’invite dans l’illustration et, telle la sage-femme avec le corps de la parturiente, accompagne la naissance de l’image ? Cette hypothèse semble brouiller les pistes. Elle implique qu’à leur manière la main qui dessine « voit » et le regard « touche ». D’ailleurs, Maurice Merleau Ponty dit que « la vision est palpation par le regard45 ». Et il ajoute que « le regard enveloppe, palpe, épouse les choses visibles46 ». Cette complémentarité a poussé le philosophe à parler d’une forme de transsubstantiation opérée par le regard47. « Des choses aux yeux et des yeux à la vision il ne se passe rien de plus que des choses aux mains de l’aveugle et de ses mains à sa pensée48 ». Dans l’élaboration de l’image graphique, la main et l’œil pensent l’image tout en la composant. C’est une pensée performative49. Mais lorsqu’il est question de l’illustration, la main doit penser le texte avec l’œil pour composer l’image. Là encore apparaît un « milieu », une zone de tension entre le corps et l’esprit, qui relève de ce que Vladimir Jankélévitch appelle le « se faisant50 ». L’illustrateur lecteur voit mentalement une image, puis sa main en compose une autre, plus ou moins ressemblante à son prototype en fonction de son talent. La visibilisation du texte se double donc de la visibilisation d’une image mentale suscitée par le texte et appropriée par la main. C’est elle qui mène la barque vers le rivage de la visibilité.
« La main n’appuie pas sur le pinceau : elle fait un avec lui comme l’aile fait un avec l’oiseau… La main-pinceau vole autour du poignet… Elle ne prolonge pas le bras : elle flotte au-dessous… Ce n’est pas le bras qui peint, mais la force du corps… On la sent effleurer… couler le long du bras… pénétrer l’espace du papier… s’y répandre avec le mouvement de l’encre… mouvement qui, par le poignet vide, coule dans le papier vide… le regard suit cela… ne voit rien… et pourtant voit… voit l’articulation… voit que l’organe de la peinture… l’organe de l’action de peindre… est le poignet…51 »
C’est la même main (en général) qui bâtit le tableau et qui dessine les lettres du nom de l’artiste qui signe la toile. Ce n’est généralement pas la même main qui écrit le texte et qui l’illustre52. Mais celle qui a peint a, comme le dit Henri Focillon, « tenté sa chance ». L’esprit de l’artiste a été séduit par le texte lu qui lui a suggéré des images mentales. Vues par l’esprit, ces dernières ont été confiées à la main qui, non assujettie au carcan de la pensée formelle, s’est confiée à la feuille de papier. Un échange complexe s’est établi entre l’esprit et la main, entre l’image fantasmée et la réalisation mécanique du trait53. C’est un dialogue dense, fait de corrections, de reculs et d’avancées du corps penché sur la feuille, de plissements des yeux, de frustrations et de petites victoires. Mais c’est toujours la main qui a le dernier mot. Henri Focillon conclut son éloge de la main victorieuse avec les mots suivants :
Entre esprit et main les relations ne sont pas aussi simples que celles d’un chef obéi et d’un docile serviteur. L’esprit fait la main, la main fait l’esprit. (…) La main arrache le toucher à sa passivité réceptive, elle l’organise pour l’expérience et pour l’action. Elle apprend à l’homme à posséder l’étendue, le poids, la densité, le nombre. Créant un univers inédit, elle y laisse partout son empreinte. Elle se mesure avec la matière qu’elle métamorphose, avec la forme qu’elle transfigure54.
Cette eucharistie picturale a été brillamment décrite par Emmanuel Guibert dans un roman intitulé Mike et publié en 2021. L’auteur démontre que la visibilisation par le dessin rend compte d’un parcours éminemment haptique et sensuel, presque érotique :
Dessiner, ça ne sert pas à faire des dessins, ça sert à être continuellement en train de toucher, du plus proche au plus inaccessible. Si ce toucher universel ne nous enseigne pas à palper un épiderme, il est inutile. Le dessin, c’est l’école de la caresse55.
Voilà pourquoi George Steiner a pu affirmer que la manière dont Vermeer traite l’étoffe a éduqué le bout de nos doigts.56 Cette dimension charnelle, haptique, sensuelle, qui renvoie à la vieille distinction entre arts libéraux et arts mécaniques57, peut encore contribuer à dévaloriser l’illustration aux yeux d’érudits élitistes.
Imag(in)er le théâtre
Contrairement au roman conçu pour générer des images fantomatiques et mouvantes dans l’esprit du lecteur, le texte dramatique a pour destin d’être transformé en spectacle vivant et de s’incarner devant les yeux des spectateurs venus partager une expérience fictive dans l’espace clos et protecteur du théâtre. Il relève donc du voir et de l’entendre, et il se réalise pleinement dans l’échange auquel la représentation donne lieu. Le théâtre est d’abord, dit Jacques Rancière, « l’espace de la visibilité de la parole, l’espace des traductions problématiques de ce qui se dit dans ce qui se voit58 ». La représentation montre et fait « sonner » le texte matriciel. Mais elle montre aussi les silences qui le constituent en creux. Au théâtre, la parole et le silence se déploient. Le texte devient parole et ses ondes sonores frappent les sens des spectateurs qui ouvrent la porte à la poésie pour qu’elle active leurs sens. Le simple lecteur du texte dramatique prive donc cet objet de son destin scénique au cours de la « sorte de captation intime59 » à laquelle il se livre. Quant à l’illustrateur, il substitue une visibilité de contrebande à celle, charnelle, que les mots de théâtre réclament. L’avantage qu’a ce dernier sur le metteur en scène est qu’il peut jouer à loisir avec la plasticité des personnages qui ne sont plus prisonniers d’une incarnation. D’ailleurs, le théâtre de Shakespeare compte un grand nombre de créatures dont la silhouette semble aspirer à transgresser les limites du jeu scénique. Ainsi, la figure inquiétante de la sorcière Sycorax que l’âge a modelée (il a fait d’elle un cerceau [a hoop], dit le texte. 1.2.258) et le corps hybride de Caliban dans La Tempête, les membres noueux de Richard III qui se rêve à la tête d’une horde de centaures (5.3.339-41), les yeux stellaires de la très jeune Juliette et la proue du vaisseau titanesque que Caius Martius60 porte en lui lors de l’attaque de la ville de Corioles peuvent s’émanciper des contraintes de la chair dont Hamlet regrette qu’elle soit ‘trop trop solide61’. De même, une fois le texte approprié par l’illustrateur, l’espace limité de la scène de théâtre peut céder la place à l’immensité de paysages majestueux et les lieux peuvent se déployer, non plus seulement dans l’imagination des spectateurs alchimistes, mais dans l’espace ouvert de la feuille de dessin ou de la toile. La forêt d’Arden peuplée de lions et de serpents, les canaux somptueux de Venise, la façade d’un palais de Vérone, la pénombre factice de Macbeth, à l’affût dans l’évocation textuelle, peuvent ainsi occuper un espace auquel seul le talent de l’illustrateur pourra imposer une limite. Inversement, alors que le metteur en scène pourra inscrire les corps dans des chorégraphies complexes – comme celles auxquelles se livrent les amants du Songe d’une Nuit d’Été ou les seigneurs éméchés de La Nuit des rois – ou bien donner à des personnages les gestes fluides et gracieux de la jeunesse ou la démarche osseuse du grand âge, l’illustrateur sera contraint par la fixité de la feuille de papier.
À la lumière de ce qui vient d’être dit, on peut se demander légitimement à qui est destinée l’illustration du texte de théâtre. Est-elle seulement souhaitée par le spectateur de théâtre qui, par sa décision d’assister à la représentation, exprime son désir de suspendre son incrédulité, de se laisser séduire par les effluves sonores de la poésie et les arabesques de la danse ? Et que peut-elle apporter au lecteur qui trouve dans le texte dramatique la porte d’accès à une représentation mentale dans laquelle il va composer à son gré les visages des personnages et laisser les mots élaborer les lieux ? Il semble légitime de postuler que l’illustration apporte un ‘ailleurs’ du texte car, comme le dit Edward Hopper, si les mots peuvent le dire, à quoi bon le peindre62 ? Cette interrogation ravive l’ancienne doctrine de l’ut pictura poesis63 – cette doctrine humaniste qui fait de l’image un poème silencieux et du poème une image parlante – dont les entrelacs font encore l’objet de nombreuses interrogations et d’innombrables publications académiques.
Le cas du texte de théâtre est particulièrement intéressant car il constitue un objet ‘habité’. En effet, le silence de la page lue est en instance car, comme nous l’avons vu, le texte est inévitablement tiré de son sommeil larvaire à l’occasion de la représentation. C’est alors qu’il prend vie en se faisant parole. Et cette dernière, qui a certainement présidé au choix des mots écrits et dont les ondes irradient l’espace du théâtre, est inévitablement prolongée par les actes modulés par le jeu de l’acteur. La parole imaginée par le dramaturge au travail suscite le texte qui convoque la parole (de l’acteur) qui suscite le geste. Par ce jeu de ricochets, le personnage de théâtre s’extirpe de la chrysalide du texte. D’ailleurs, si par aventure les spectateurs fermaient les yeux, cette alchimie ne leur échapperait pas totalement. À la vision optique, ils substitueraient une vision mentale nourrie par la poésie, les bruits et la musique que la soustraction au spectacle visuel pourrait peut-être rendre plus puissante encore. Ce phénomène est particulièrement probant dans le contexte du théâtre anglais de la première modernité puisque la scène était nue. De ce fait, la vision des paysages, palais, forêts, cités et autres lieux y était totalement suscitée par le texte. Ainsi « This is the forest of Arden » dans Comme il vous plaira (2.4.11) ou bien « This is Venice » dans Othello ou « This is Illyria, lady » dans La Nuit des rois (1.2.41) suffisent à faire apparaître des mondes colorés nés de la combinaison d’influences diverses. Le prologue d’Henry V, ce monument de didactique à l’intention des spectateurs, est une démonstration magistrale du pouvoir de l’imagination qui occupe une place centrale lors des représentations des pièces de Shakespeare. Le public doit voir à travers les personnages pour percevoir le monde suscité par le texte. Au théâtre, on ne voit pas ce que l’on voit.
Nous avons vu que le texte de théâtre est une forme hybride qui peut s’accommoder du silence de l’acte de lecture ou se déployer dans l’espace sonore de la salle de théâtre. La production de l’illustration naît de la lecture qui suscite la gestation d’images mentales. Ainsi, un monde imaginaire extrêmement malléable se met en place au gré des péripéties du récit, des intonations et des sonorités de la poésie lue. Les lieux se fondent les uns dans les autres, portés par le personnage qui vient d’entrer sur scène après le départ des autres comédiens. Le lecteur, comme le rêveur, se laisse séduire par les images fugaces que le texte distille en lui « car quoi qu’on en dise, nous pouvons avoir parfaitement en rêve l’impression que ce qui s’y passe est réel64 ». C’est ainsi que fonctionne la suspension de l’incrédulité du lecteur. Il s’ensemence et le monde que compose le texte de théâtre et que le lecteur peut percevoir dans le rêve éveillé auquel il joue à croire peut être converti en images. La forme des visages des personnages, leur physionomie, les accessoires qu’ils tiennent à la main, la longueur de leurs cheveux, la présence à leurs côtés d’animaux ou d’objets sont déterminés par des éléments textuels dont la combinaison constitue un élixir générateur. Il peut alimenter le sens obtus évoqué par Roland Barthes. Isabelle, dans Mesure pour Mesure, est-elle blonde ou brune ? Ophélie cache-t-elle ses cheveux sous un voile ? Hamlet est-il mince ou joufflu ? Le Fou suit-il le roi Lear à distance sur la lande nue ou bien se tient-il tout près de lui ? L’apparence d’un personnage change-t-elle au gré des péripéties auxquelles il doit faire face ? De même que le dormeur ne maîtrise pas parfaitement la représentation privée qui s’impose à lui pendant son sommeil65, le lecteur ne fait qu’entrevoir les personnages et les couleurs qu’il rencontre et les lieux ductiles qu’il visite en imagination. Le pouvoir de sa pensée imageante est déclenché par la force évocatrice des mots, le rythme, les allitérations, et les échos. C’est la poésie qui dessine et les dessins suscités varient en fonction du monde dans lequel évolue le dessinateur. La ligne, à laquelle la gravure monochrome a longtemps donné la préséance, lui permet de rendre compte de ces visions dont l’empreinte est particulièrement profonde à l’occasion des temps forts du texte. Ainsi, l’apparition du spectre et la scène du cimetière dans Hamlet, les errances nocturnes de Lady Macbeth, la scène du balcon de Roméo et Juliette ou encore la transformation de Bottom en âne dans Le Songe d’une Nuit d’Été sont, pour l’illustrateur, autant d’invitations à saisir son pinceau ou à tailler ses crayons de couleur.
Conclusion
L’illustrateur accouche de personnages et de paysages entrevus. Ces apparitions sont des mirages dont il propose une représentation qui rend compte à la fois de moments précis de la pièce considérée et d’une présence globale à l’œuvre. Illustrer le théâtre c’est en effet partager une perception d’ensemble par l’entremise de personnages distincts et de détails textuels, comme par exemple les fraises réclamées par Richard III, la lettre fatidique que Lady Macbeth tient encore dans sa main alors qu’elle convoque les forces du Mal, ou l’anneau qu’Imogène offre à Posthumus avant son départ dans Cymbeline. Ces détails sont d’autant plus précieux qu’ils peuvent susciter, comme ceux déposés par les peintres dans les œuvres picturales, « des rapprochements incongrus et presque contradictoires66 ». À leur manière, comme le dit Daniel Arasse, ils « ouvrent des chemins de traverse67 ». Illustrer le théâtre c’est aussi rendre compte d’une réception personnelle de la pièce. Ainsi, des couleurs ont pu s’imposer au lecteur qui s’est rendu réceptif au pouvoir hypnotisant de la poésie. Les couleurs en question ne sont pas forcément mentionnées par les personnages : elles peuvent être des émanations mystérieuses du texte, un peu comme des effluves de parfums qui s’en échapperaient. C’est ce qu’Enki Bilal s’est efforcé de faire dans son ouvrage consacré au ballet d’Angelin Preljocaj, Roméo et Juliette68. Elles peuvent naître de la mention textuelle d’une odeur, de l’évocation d’une émotion, d’un geste ample, de la mention d’un souvenir, de la description du ciel ou d’un visage. Ainsi, un aspect parfois anodin du texte peut générer une couleur dans l’entreprise synesthésique engagée par le dessinateur. Ce dernier n’a d’autre choix que de présenter aux regards un monde entier dessiné par des mots sur l’écran de l’imagination. Comme le précise Jérôme Thélot, la peinture peut montrer ce qui ne peut être vu. Ainsi, elle peut donner à voir le cri69. Les couleurs résultent du dépôt sédimentaire effectué par les mots. Dans l’image, les couleurs sont leurs reflets. Il en va de même de l’éclat ou de la pénombre. Lorsqu’avant de sombrer dans les eaux froides de la Méditerranée70, Gonzalo, dans La Tempête, égrène quelques mots qui font entendre ses tout derniers battements de cœur – trois monosyllabes commençant par la lettre D71 – quelqu’un ou quelque chose, derrière nos paupières, baisse la lumière.
Bibliographie
Sources primaires
BALZAC Honoré de, Le Chef d’œuvre inconnu, Paris : Gallimard, 1994.
BILAL, Enki, Shakespeare / Bilal : une rencontre, Paris, Marie Barbier, 2023
CHAR, René, « Paul Éluard », Œuvres complètes, Paris, Gallimard Pléiade, 1983.
DIDEROT, Denis, Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient, Paris, Gallimard, 1951.
GUIBERT, Emmanuel, Mike, Paris, Gallimard Sygne, 2021.
LYLY, John, Campaspe, in Five Elizabethan Comedies, London, Oxford University Press, 1956.
MALLARMÉ, Stéphane, « Crayonné au théâtre », Paris, Poésie Gallimard, 1976.
MIHAYLOVA, Aksinia, Ciel à perdre, Paris, Gallimard, 2021.
NOËL, Bernard, Les Yeux dans la couleur, Paris, P.O.L., 2004.
PROUST, Marcel, Albertine disparue, Paris, Gallimard, 1992.
PROUST, Marcel, Le Temps retrouvé, Paris, Gallimard, 1990.
SHAKESPEARE, William, The Tempest, London, Arden Shakespeare, 1999.
_____________________ Hamlet, Cambridge, The New Cambridge Shakespeare, 2019.
_____________________ Richard III, London, Arden Shakespeare, 2009.
_____________________ The Sonnets, Cambridge, The New Cambridge Shakespeare, 1996.
Sources secondaires
ARASSE, Daniel, Le Détail : pour une histoire rapprochée de la peinture, Paris, Champs Flammarion, 1996
BADIOU, Alain, Éloge du théâtre, Paris, Champs essais, 2013.
BORGES, George, Conférences, Paris, Folio Gallimard, 1985.
BROOK, Peter, Oublier le temps, Paris, Seuil, 2003.
CÉZANNE, Paul et ZOLA, Émile, Lettres Croisées 1858-1887, (dir. Henry Mitterand), Paris, Gallimard, 2016.
COSTA DE BEAUREGARD, Raphaëlle, Nicholas Hilliard et l’imaginaire élisabéthain, Paris, éditions du CNRS, 1991.
DEBRAY, Régis, Vie et mort de l’image, Paris, Folio Gallimard, 1992.
DELEUZE, Gilles et Parnet, Claire, Dialogues, Paris, Champ Essais, 1996.
DELEUZE, Gilles, L’Image temps, Paris, Éditions de Minuit, 1885.
______________ Logique du sens, Paris, Éditions de Minuit, 1969.
______________ Sur la peinture : cours mars-juin 1981, Paris, Les Éditions de minuit, 2023.
DIDI-HUBERMAN, Georges, La Peinture incarnée, Paris, Éditions de Minuit, 1985.
FOCILLON, Henri, Éloge de la main, Paris, Sambuc éditeur, 2019.
FOUCAULT, Michel, Les Mots et les choses, Paris, Gallimard, 1966.
________________ Philosophie, Anthologie, Paris, Gallimard, 2004.
JANKÉLÉVITCH Vladimir, La Musique et l’ineffable, Paris, Seuil, 1983.
_____________________ La Musique et l’ineffable, Paris, Seuil, 1983.
KNAPP, James A, Illustrating the Past in Early Modern England, Aldershot, Ashgate, 2003.
LEIRIS, Michel, Écrits sur l’art, édition établie par Pierre Vilar, Paris, CNRS Éditions, 2011.
MALE, Alan, Illustration: A Theoretical and Contextual Perspective, London, Bloomsbury Visual Arts, 2007.
MARTHES, Roland, L’Obvie et l’obtus : Essais critiques III, Paris, Seuil, 1982.
MERLEAU-PONTY, Maurice, L’Œil et l’esprit, Paris, Gallimard, 1964.
_______________________ Le Visible et l’invisible, Paris, Tel Gallimard, 1964.
MITCHELL, John Thomas, The Language of Images, Paris, Gallimard, 2016.
QUIGNARD, Pascal, Vie Secrète, Paris, Gallimard, 1998.
_________________ Les Ombres errantes, Paris, Grasset, 2002.
RANCIERE, Jacques, Le Destin des images, Paris, La Fabrique, 2003.
ROSTON, Michael, Renaissance Perspectives in Literature and the Visual Arts, Princeton, Princeton University Press, 1989.
SEVE, Bernard, Les Matériaux de l’art, Paris, Seuil, 2023.
SPOLSKY, Ellen, Word vs Image: Cognitive Hunger in Shakespeare’s England, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2007.
STEINER, George, Réelles présences : les arts du sens, Paris, Gallimard, 1991.
THELOT, Jérôme, La Peinture et le cri, de Botticelli à Bacon, Paris, L’Atelier Contemporain, 2021.
TODOROV, Tzvetan, Devoirs et délices : une vie de passeur, Paris, Seuil, 2002.
VIDAL-NAQUET, Pierre, Les Images de l’historien : dialogue avec François Soulages, Klincksieck, 2007.
Articles
Yves Bonnefoy, Shakespeare et la poésie. https://books.openedition.org/pufr/771?lang=en
Kenneth Garlick, « Illustrations to A Midsummer Night’s Dream before 1920 » in Shakespeare Survey 37, Shakespeare’s early comedies, (1984).
Notes
Pierre Vidal-Naquet, Les Images de l’historien : dialogue avec François Soulages, Klincksieck, 2007, p. 19.
Alan Male, Illustration: A Theoretical and Contextual Perspective, London: Bloomsbury Visual Arts, 2007, viii. ‘Illustration is about communicating a specific contextualized message to an audience.’
À propos des images Pascal Quignard affirme qu’elles « ne sont les représentations de rien. Sans langage elles ne signifient pas. Que veulent dire les scènes qu’on voit sur les parois des grottes paléolithiques ? Nous l’ignorons toujours faute des récits mythiques qu’elles prélettraient ou qu’elles condensaient. » Pascal Quignard, Les Ombres errantes, Paris : Grasset, 2002, p. 99.
On peut toutefois imaginer que si une série d’illustrations de ce texte perdu était disponible, elle permettrait d’en reconstituer – voire d’en ressusciter – la trame.
C’est une métaphore qui lui permet de rendre compte de sa définition du devenir. Gilles Deleuze et Claire Parnet, op. cit., p. 8-9. Deleuze confond ici la guêpe avec l’abeille à laquelle il pense.
Dialogues, op. cit., p. 69. « L’intéressant, c’est le milieu », ajoute-t-il. Dialogue, op. cit. p. 50. Pour expliquer cet entre-deux, James A. Knapp cite Marian Rothstein qui évoque la situation de voyageurs partageant le même lit dans une auberge : cette proximité n’implique ni contamination ni intimité. James A. Knapp, Illustrating the Past in Early Modern England, Aldershot: Ashgate, 2003, p. 26.
“There comes a point, of course, when the no-man’s-land between disciplines becomes so heavily cultivated that it begins to look like a ‘field’ in its own right”. J.T. Mitchell, The Language of Images, Paris: Gallimard, 2016, p. 133.
À moins qu’il s’agisse de sensations, comme le suggère Paul Cézanne dans une lettre à Émile Zola (Lettre du 20 nov. 1878).
George Steiner, Réelles présences : les arts du sens, Paris : Gallimard, 1991, p. 225. À cette vue s’oppose l’hypothèse selon laquelle le langage serait « le langage de tous les langages, langage rassemblant originairement la puissance d’incarnation de chaque langage particulier. » (Rancière 2010, 34)
Michel Leiris, Écrits sur l’art, édition établie par Pierre Vilar, Paris : CNRS Éditions, 2011, p. 475.
Ellen Spolsky, Word vs Image: Cognitive Hunger in Shakespeare’s England, Basingstoke: Palgrave Macmillan, 2007, p. 67. ‘There is no way to police the meaning of a form.’
Paul Cézanne, Émile Zola, Lettres Croisées 1858-1887, (dir. Henry Mitterand), Paris : Gallimard, 2016, p. 133
Cité par Maurice Merleau-Ponty, L’Œil et l’esprit, op. cit., p. 16. À ce sujet, voir l’analyse de Bernard Sève dans Les Matériaux de l’art, Paris : Seuil, 2023. (Chapitre III.4. « Le corps de l’artiste et ses gestes ».)
Gilles Deleuze, Sur la peinture : cours mars-juin 1981, Paris : Les Éditions de minuit, 2023, p. 107.
« Une main ne tient pas seulement au corps, elle exprime et continue une pensée qu’il faut saisir et rendre. » Honoré de Balzac, Le Chef-d’œuvre inconnu, Paris : Gallimard, (1831) 1994, p. 37.
L’Œil et l’esprit, ibid., p. 41. On peut aussi penser à la Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient de Denis Diderot.
Il y a bien entendu des contre-exemples célèbres comme Victor Hugo, Virginia Woolf ou Boris Vian.
Le dialogue entre le peintre Campaspe et Alexandre le Grand dans Campaspe de John Lyly (1584) met en évidence l’indispensable adéquation entre la main, les yeux et l’esprit. (3.4.123-138)
Réelles présences, George Steiner, op. cit., p. 88. « Vermeer’s treatments of fabric have schooled our fingertips’.
Arts libéraux : grammaire / dialectique / rhétorique puis arithmétique / géométrie / astronomie / musique.
Arts mécaniques : la fabrication de la laine, l'armement, la navigation, l'agriculture, la chasse, la médecine et le théâtre.
‘too too solid flesh’ (1.2.129). C’est du moins l’une des variations du texte qui propose parfois « solid » (Folio) et parfois « sallied » ou « sullied » (Quarto 2). Sullied renvoie à l’idée de souillure. J’aurais pu aussi mentionner la déesse Hymen dans As You Like It ou Minerve dans Cymbeline.
C’est une idée que développe George Borges dans Conférences, Paris : Folio Gallimard, 1985, p. 45. L’auteur affirme que les rêves sont l’activité esthétique la plus ancienne (p. 46).
Daniel Arasse, Le Détail : pour une histoire rapprochée de la peinture, Paris : Champs Flammarion, 1996, p. 17.
Shakespeare / Bilal : une rencontre, Paris : Marie Barbier, 2023, p. 18. « Il faut dire que je ne suis pas vraiment un grand spécialiste de Shakespeare. C’est plus le ‘parfum’ qui l’entoure qui me fascine. »
Voir Jérôme Thélot, La Peinture et le cri, de Botticelli à Bacon, Paris, L’Atelier Contemporain, 2021. « En peinture, on voit le cri », p. 28.
Shakespeare, ´if that an eye may profit by a tongue’
2|2024 - sous la direction de Jean-Louis Claret
Shakespeare, ´if that an eye may profit by a tongue’
Du texte de théâtre à l'image
Quelques pièces et leur/s image/s
L’âne et la fée : la métamorphose de Nick Bottom dans le Songe d’une nuit d’été
‘This is a strange thing as e’er I look’d on’
‘We speak of Lady Macbeth while in reality we are thinking of Mrs. S.’
Le regard de Fuseli
Fuseli’s Macbeth: bringing « the unclear » to light
The Shakespearean painter Johann Heinrich Füssli defying French classicism in theory and practice
En passant par le cinéma
Champ de blé aux corbeaux: The Tragedy of Macbeth (2021) by Joel Coen
The unsettling mise-en-scène: Shakespeare’s Macbeth as seen through Kurosawa’s and Welles’s lenses