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Résumé

Cet article explore l’influence de la tragédienne Sarah Siddons (1755-1831) sur la représentation iconographique de Lady Macbeth. Le personnage regagna quelque grandeur avec la restauration presque entièrement fidèle du texte de Shakespeare par Garrick et l’interprétation qu’en fit Hannah Pritchard. Puis, Sarah Siddons lui prêta sa renommée et ses talents dramatiques exceptionnels, transformant Lady Macbeth en personnage principal de la pièce et entraînant des questionnements quant à la féminité du personnage et de l’actrice. Plus encore que pour ses autres rôles, la Lady Macbeth de Sarah Siddons inspira les artistes qui proposèrent des relectures diverses du personnage et de la tragédienne, ainsi que de l’influence réciproque que les deux exercèrent l’une sur l’autre.

Abstract

This paper examines the influence of the tragic actress Sarah Siddons (1755-1831) on the iconographic representations of Lady Macbeth. Shakespeare’s character regained some greatness in the wake of Garrick’s faithful and almost complete restoration of the text of Macbeth, and of Hannah Pritchard’s stage rendition of the part. Then, famous performer Sarah Siddons came into view with her exceptional talent as an actress, shedding full light on Lady Macbeth whom she placed stage centre and raising new questions about the character’s femininity, that did not spare the actress herself. More than her other parts, the role of Lady Macbeth by Sarah Siddons was a source of inspiration for artists that came to reconsider the character and its interpreter, along with the interactions between them.

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Références de l’article

Mathilde-Éléonore Duhot-Dacquin, , mis en ligne le 11/08/2024, URL : https://utpictura18.univ-amu.fr/rubriques/numeros/shakespeare-if-that-an-eye-may-profit-by-a-tongue/we-speak-of-lady-macbeth-while

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Ressources externes

L’influence de Sarah Siddons (1755-1831) sur la représentation iconographique de Lady Macbeth

Introduction

Le 29 juin 1812, Sarah Siddons (1755-1831) faisait ses adieux à la scène londonienne, sous les traits de Lady Macbeth, personnage emblématique de son répertoire. À l’issue de la scène 1 de l’Acte V, dernière apparition de Lady Macbeth dans la pièce, le public interrompit le spectacle, estimant que la disparition du personnage et de l’actrice devait marquer la fin de la pièce1. Le biographe de la tragédienne raconte la scène :

After the sleep-walking scene, in the tragedy, the applause of the spectators became ungovernable: they stood on the benches, and demanded that the performance of the piece should not go further than the last scene in which she appeared. As this wish seemed to be felt by the great majority, the actor Chapman came forward, and signified that it should be complied with. The curtain was dropped for twenty minutes; after which it rose, and discovered Mrs. Siddons sitting at a table, dressed simply in white. She came forward amidst the most fervent acclamations, which for several minutes prevented her from speaking2.

Cette anecdote, qui fut reprise largement dans les journaux de l’époque et qui entra dans la légende de l’actrice, témoigne de la force de la fusion, aux yeux des spectateurs, entre l’actrice et son personnage.

Le choix du personnage pour ses adieux à la scène n’était pas anodin et cet article examinera la manière conjointe dont Sarah Siddons a influencé le personnage de Lady Macbeth et dont le personnage de Shakespeare a joué un rôle crucial dans la carrière de la tragédienne, à travers les représentations iconographiques. Un élément supplémentaire distingue le rôle de Lady Macbeth dans le répertoire de la tragédienne : l’accès aux notes rédigées par l’actrice au sujet de sa conception du personnage de Shakespeare, reproduites à sa demande par Thomas Campbell, dans sa biographie de Sarah Siddons3 qui était particulièrement impliquée dans sa propre représentation iconographique4. Les éléments contenus dans l'étude du personnage rédigée par l'actrice permettent d'enrichir l’étude de certains de ses portraits, mais aussi d'établir une comparaison entre la vision qu'avait Sarah Siddons de son personnage, sa manière d'interpréter ce personnage sur scène et les choix faits par les peintres et illustrateurs représentant actrice comme personnage. 

Les représentations iconographiques de Lady Macbeth du temps de Sarah Siddons sont fortement influencées par son incarnation du personnage sur scène, même dans les gravures et tableaux d’illustration de l’œuvre de Shakespeare qui ne prennent pas la scène pour modèle5. La force de l’interprétation de Sarah Siddons sur les illustrateurs touchait son public entier. Ainsi, Charles Lamb, dans son court essai consacré au sentiment anti-théâtral, déplore-t-il la confusion, aux yeux du public, entre le personnage de Shakespeare et l’interprétation qui en était faite sur scène. Selon lui, les pièces de Shakespeare étaient par essence destinées à être lues et non jouées, et la force de la représentation scénique sur l’imagination des spectateurs faisaient obstruction au texte de Shakespeare.

Le corpus iconographique se compose de tableaux (portraits de scène ou posés) de gravures (tirées de portraits, servant d’illustrations pour des éditions de Macbeth et parfois satiriques), mais aussi de dessins et d’ébauches, représentant Sarah Siddons en Lady Macbeth. Dans un premier temps, sera retracé l’historique du personnage au dix-huitième siècle, tant dans son interprétation dramatique que dans ses représentations iconographiques. En effet, le lien entre texte, représentations picturales et représentations scéniques est crucial dans la discussion des représentations iconographiques du personnage de Lady Macbeth. Ensuite, seront analysés les enjeux de l’interprétation de Sarah Siddons sur le personnage de Lady Macbeth. Enfin, l’influence de Lady Macbeth sur la construction de la persona de Sarah Siddons sera étudiée.

Historique de la représentation de Lady Macbeth

Le texte de la pièce fut réécrit par le dramaturge William Davenant à la Restauration6. Comme ce fut le cas pour de nombreuses pièces de Shakespeare, Macbeth fut adapté aux goûts et aux normes de l’époque7. Cette version de la tragédie fut jouée jusqu’en 1744, quand David Garrick proposa une nouvelle version de Macbeth, plus proche du texte original8. La réécriture de Garrick fit regagner le personnage de Lady Macbeth en intérêt, tant pour les spectateurs que pour l’actrice qui endossait ce rôle. En ce qui concerne le personnage de Lady Macbeth, Garrick restaura le texte de Shakespeare qui avait été altéré par Davenant. Ainsi, Hannah Pritchard, qui interpréta Lady Macbeth aux côtés de David Garrick de 1744 à 1768, permit au personnage de retrouver quelque grandeur. Comme ce fut ensuite le cas pour Sarah Siddons et son frère John Philip Kemble, Hannah Pritchard et David Garrick étaient habitués à former un binôme, parfois un couple, sur scène. Le texte de Macbeth réécrit par David Garrick fut joué à partir du 7 janvier 1744, avec lui-même dans le rôle éponyme. Le 13 avril de la même année, Hannah Pritchard apparut pour la première fois dans le rôle de Lady Macbeth et, à partir du 19 mars 1748, le duo Garrick-Pritchard fut réuni. Pendant près de vingt ans, jusqu’au 25 avril 1768, le rôle de Lady Macbeth appartint à Hannah Pritchard. Lorsque cette dernière prit sa retraite, Garrick ne souhaita plus jouer Macbeth9. Dans son ouvrage Macbeth and the Players, Dennis Bartholomeusz affirme : « Mrs Pritchard’s interpretation of Lady Macbeth was necessary if his own conception of the reluctant sensitive murderer was to be fully realised. Together Garrick and Mrs. Pritchard achieved a balance of contrasts10. »

En effet, l’interprétation de Hannah Pritchard connut un grand succès11. En avril 1768, un critique du périodique The Universal Museum écrit : « Her powers were so great that the deception was hardly perceived, and Lady Macbeth, not Mrs Pritchard seemed to appear before us… the audience felt at once the powers of the writer combined with those of the actress12. » L’actrice semble s’effacer au profit de son personnage, par les talents combinés du dramaturge et de l’interprète. On peut contraster ce compliment avec la critique de Charles Lamb à l’encontre de l’interprétation de Sarah Siddons, une vingtaine d’années plus tard : « It is difficult for a frequent play-goer to disembarrass the idea of Hamlet from the person and voice of Mr. K. We speak of Lady Macbeth, while we are in reality thinking of Mrs. S13. » Le talent de Hannah Pritchard est donc de savoir s’effacer au profit de son personnage et de fournir un contrepoint nécessaire à l’interprétation de Garrick. Ainsi, la renommée de l’actrice dans son interprétation de Lady Macbeth ne dépassa jamais celle de Garrick ou, du moins, celle du couple formé sur scène par les deux acteurs. Cependant, il est indéniable que l’interprétation de Hannah Pritchard, en partie grâce au texte restauré par Garrick, ouvrit la voie vers le succès que connut celle de Sarah Siddons.

Dans les années 1780, quand Sarah Siddons décida de faire sien le rôle de Lady Macbeth, l’interprétation de Hannah Prictchard était encore très appréciée et n’avait pas été remplacée dans l’esprit du public londonien. Sarah Siddons fait état de cette situation, à la fin de ses « Remarks on the Character of Lady Macbeth »: « it was with utmost diffidence, nay terror, that I undertook [the role], and with the additional fear of Mrs. Pritchard’s reputation in it before my eyes14 ». Sarah Siddons interpréta le rôle de Lady Macbeth pour la première fois à Londres le 2 février 1785, avec la version de la pièce écrite par Garrick, dans l’édition de 1774 de John Bell15. L’interprétation de Sarah Siddons s’éloigna de manière notoire de celle de Hannah Pritchard dans la dernière entrée du personnage de Lady Macbeth sur scène, à la première scène de l’Acte V, quand Lady Macbeth apparaît somnambule sur scène. Hannah Pritchard, à l’instar des actrices qui l’avaient précédée, interprétait cette scène, conservant dans la main le chandelier avec lequel elle entre en scène (« Enter Lady Macbeth, with a Taper »). Cette interprétation est immortalisée dans une gravure de 176816 publiée dans le périodique The Universal Museum. Le tableau de Fuseli représentant cette scène reprend ce geste. En revanche, Sarah Siddons décida de poser le chandelier à son entrée sur scène, afin de pouvoir se frotter les mains pour laver le sang que la conscience salie de Lady Macbeth lui fait y voir : « Out! damned spot; out, I say ».

La décision de Sarah Siddons fut considérée comme un risque, voire un possible affront à la précédente actrice qui avait fait sien le rôle. Dans son essai critique sur le personnage de Lady Macbeth, inclus dans la biographie qu’en fit Thomas Campbell, elle décrit ainsi l’appréhension de Sheridan, directeur de Drury Lane :

[Sheridan] insisted, that if I did put the candle out of my hand, it would be thought a presumptuous innovation, as Mrs. Pritchard had always retained it in hers. […] though, even then, it would have been against my own opinion, and my observation of the accuracy with which somnambulists perform all the acts of waking persons. The scene, of course, was acted as I had myself conceived it; and the innovation, as Mr. Sheridan called it, was received with approbation.17

On voit ici l’importance de l’attachement du public à l’interprétation de Hannah Pritchard et, plus largement, pour la lignée qui existe entre les acteurs et actrices qui jouent un même rôle. Cependant, le succès de Sarah Siddons dans sa décision de rompre cette lignée lui permit de s’approprier entièrement le personnage de Lady Macbeth, voire de se positionner comme première interprète du rôle.

Les choix de Sarah Siddons pour l’interprétation de la dernière apparition sur scène de Lady Macbeth différèrent aussi de la tradition au niveau du costume. En effet, sa Lady Macbeth était vêtue de blanc pour la scène du somnambulisme, ce qui déclencha un dialogue dans les journaux. Le critique de The Public Adverstiser écrivit, le 4 février 1785 : «  The White Garment in her fifth act scene seems to us a needless change, as such artificial over much, and therefore to be omitted18. » Le 7 février, une réponse à cette critique avançait :

‘Why,’ say some of the critics, ‘should Mrs. Siddons wear a white dress in her last scene of Lady Macbeth? She is supposed to be asleep, not mad.’ What reason except custom can be given for a mad heroine appearing in white, we know not. Yet there is an obvious reason why a person walking in their sleep should wear a white dress, and a dress of the loose kind worn by Mrs. Siddons on this occasion; as we presume it to be the nearest resemblance which theatrical effect will admit, to the common sort of night-dresses. Such criticisms only shew a contemptible disposition to determined cavil.

Le blanc servait alors à signifier la folie sur scène. L’argument de la contre-critique est celui de la vraisemblance du costume qui se rapproche, autant que la scène puisse l’accepter, d’une chemise de nuit.

On trouve ici la répétition de la dichotomie entre tradition et vraisemblance (le mot « accuracy » figure dans le texte de l’actrice), qui avait poussé Sarah Siddons à abandonner l’interprétation de Hannah Pritchard au profit de son idée, fondée sur son observation de somnambules réels. Ainsi, la résistance du public et de la direction du théâtre face à la nouveauté, au profit de conventions dramatiques, céda devant la puissance de la renommée et de l’interprétation de Sarah Siddons. George Henry Harlow fut inspiré par cette scène pour l’un de ses portraits de Sarah Siddons en Lady Macbeth (Fig. 1)19.

Sarah Siddons dans le rôle de Lady Macbeth - George Henry Harlow

La robe blanche de Lady Macbeth somnambule est au centre du portrait. Elle accentue la fragilité du personnage, point cher à la conception de Lady Macbeth selon Sarah Siddons, et perpétue l’effet produit par l’actrice sur scène. Dans sa biographie de l’actrice, James Boaden décrit ainsi le costume porté par Sarah Siddons dans la Scène 1 de l’Acte V :

The quantity of white drapery in which the actress was enveloped had a singular and striking effect; her person, more truly than that of Pierre, might be said to be ‘lovelily dreadful’, but extremely majestic both in form and motion, it was, however, the majesty of the tomb […] Perhaps her friend, Sir Joshua Reynolds, might have suggested the almost shroud-like clothing of this important scene. I saw him on this occasion in the orchestra, with great pleasure, sitting ‘all gaze, all wonder’.20

La qualité picturale du costume est reconnue par le biographe ; selon lui, l’idée de cette robe blanche fut celle du peintre Joshua Reynolds, président de la Royal Academy et qui devint ami de Sarah Siddons après l’avoir représentée en muse tragique. La guimpe portée par Lady Macbeth est comparée à un linceul par Boaden (‘shroud-like clothing’). L’actrice est peinte les mains jointes, pour les laver du sang que Lady Macbeth endormie y voit. La pose et le vêtement évoquent ceux d’un gisant médiéval, annonçant la mort, hors scène, du personnage.

L’engouement pour Sarah Siddons en Lady Macbeth résulta en une production iconographique abondante. Les représentations iconographiques de Lady Macbeth apparaissent dans divers contextes, à la fin du dix-huitième siècle. Les éditions des pièces de Shakespeare et, plus généralement, des pièces jouées sur scène, étaient communément accompagnées d’illustrations, donnant souvent à voir un acteur ou une actrice dans une scène marquante de la pièce. Les périodiques étaient aussi illustrés de gravures représentant d’illustres personnages de l’époque, dont les acteurs et les actrices les plus en faveur. Ces illustrations, quand elles sont complétées du nom d’un acteur, ne sont pas nécessairement inspirées de l’interprétation ou des costumes qui lui étaient propres : ainsi, en 178421 et en 1785, deux gravures montrant Lady Macbeth somnambule, avec le titre Sarah Siddons in Lady Macbeth, furent publiées22. Dans les deux cas, Lady Macbeth tient un chandelier d’une main et semble frotter l’autre main sur son bras, ce qui ne correspond pas à l’interprétation de Sarah Siddons dans cette scène. De plus, l’illustrateur à l’origine de ces gravures ne se préoccupe guère de la ressemblance physique avec l’actrice. Il s’agit ici d’une stratégie de vente, cherchant à profiter de la réputation de l’actrice et de son vif succès commercial, par la production d’images commémorant son apparition sur scène.

Une autre source riche en illustrations du corpus shakespearien fut le projet mené par John Boydell à partir de 1786, « The Boydell Shakespeare Gallery ». Boydell, graveur et marchand d’estampes, forma le projet culturel, artistique et commercial de créer une école anglaise de peinture historique, à travers la commande de tableaux illustrant les pièces de Shakespeare. Les tableaux furent exposés à Pall Mall et des gravures furent produites et commercialisées. Bien que les artistes peignant pour l’exposition de Boydell, par souci d’élever leur art au rang de peinture historique, aient évité les marqueurs de contemporanéité et, donc, les portraits d’acteurs23, ils furent pourtant influencés par la représentation théâtrale. Ce fut notamment le cas pour celui de Lady Macbeth par Richard Westall, conservé dans les collections du Garrick Club (Fig. 2).

Sarah Siddons - Westall
Richard Westall, Sarah Siddons dans le rôle de Lady Macbeth, 1800, Londres, The Garrick Club Collections, G0748

Le portrait, représentant la scène 5 de l’Acte I, où laquelle Lady Macbeth lit la lettre de son époux, ne fut pas conçu comme un portrait de Sarah Siddons. Cependant, la ressemblance entre le visage de la Lady Macbeth de Westall et les expressions faciales attribuées à Sarah Siddons dans Sidonnian Recollections de George Romney (Princeton University Art Museum) est frappante. Si sa Lady Macbeth n’est pas une copie conforme de la représentation de Sarah Siddons, elle s’inspire en tout cas très clairement de ses traits, de ses expressions et de ses choix de jeu dramatique. L’expression de Lady Macbeth rappelle, par ailleurs, celle de la haine proposée par Le Brun : « Cette Passion rend le front ridé ; les sourcils abattus & froncés ; l’œil étincelant, la prunelle à demi cachée sous les sourcils tournés du côté de l’objet24 ». La caractérisation du Lady Macbeth par Westall est celle d’un personnage empli d’une détermination et d’une fureur masculines. Dans son essai critique sur le personnage de Lady Macbeth, Anna Jameson décrit ainsi le jeu de Sarah Siddons dans cette scène : « those who have heard Mrs Siddons […] cannot forget the look, the tone, which seemed to give her auditors a glimpse of that awful future, which she, in her prophetic fury, beholds upon the instant25 ». Le portrait de Westall paraît illustrer parfaitement le jeu de la tragédienne dans cette scène.

D’autres portraits figurent ouvertement les acteurs qui incarnaient les héros de Shakespeare. Avant Sarah Siddons, l’interprétation de David Garrick et Hannah Pritchard fut immortalisée par Henry Fuseli dans une aquarelle en 176626. Une huile sur toile de Fuseli, dont la date de composition est inconnue mais qui fut exposée en 1812 à la Royal Academy semble être une abstraction de l’aquarelle de 176027. Fuseli peignit aussi une Lady Macbeth somnambule, présentée à la Royal Academy en 1784. Bien que le tableau fût vivement critiqué, il témoigne de l’intérêt que les artistes avaient décelé dans le personnage. De plus, ce portrait du personnage ne semble pas être directement influencé par l’interprétation de Hannah Pritchard, que Fuseli vit jouer à Londres aux côtés de Garrick. Johann Zoffany représenta le couple meurtrier en 1768 (Fig. 3) dans la scène des dagues et le tableau fut mis à jour dans une gravure publiée en 1776 (Fig. 4)

Mr. Garrick and Mrs. Pritchard in the Tragedy of Macbeth, Act II, Scene III - Green d'après Zoffany
Garrick et Mrs Pritchard dans les rôles de Macbeth et Lady Macbeth après l'assassinat de Duncan - Zoffany

Cette gravure, qui montre les acteurs vieillis et portant un costume différent de celui du portrait de 1768, témoigne de l’intérêt du public pour la représentation théâtrale de la pièce. L’effort redoublé de ressemblance en ce qui concerne les acteurs donne une dimension commémorative à la gravure.

Dès l’adoption du rôle par Sarah Siddons, l’actrice inspira les artistes28 qui produisirent tableaux29, gravures (parfois satiriques30), mais aussi dessins31 et ébauches32. Les enjeux de la représentation étaient alors multiples : il s’agissait de figurer à la fois l’actrice, le personnage et, parfois, l’espace scénique, dans un moment reconnaissable de la pièce. Ces représentations articulent les codes esthétiques et culturels de l’art pictural, tout en se situant par rapport à la représentation théâtrale. Par ailleurs, les artistes adoptent un mode de représentation permettant de conjuguer les qualités masculines du personnage et de l’actrice, avec les conventions du portrait féminin et les codes sociaux de l’époque.

Les enjeux de l’interprétation de Sarah Siddons

Suite à l’exposition de la Royal Academy de 178433, la persona de Sarah Siddons fut renforcée par le succès du tableau de Joshua Reynolds, la représentant en muse tragique. Ce pouvoir d’incarnation de la tragédie, acquis grâce aux personnages qu’elle interpréta durant la saison 1782-1783, insuffla une dignité accrue aux rôles qu’elle endossa par la suite. Ainsi, l’interprétation de Lady Macbeth bénéficia du statut allégorique de l’actrice. Il n’était pas anodin de la part de Sarah Siddons de choisir le rôle de Lady Macbeth pour sa troisième saison à Drury Lane : en effet, la majorité des personnages du répertoire siddonien durant les trois premières saisons londoniennes de sa carrière était ceux issus de tragédies féminines (« she-tragedies ») écrites à l’époque de la Restauration. Ces tragédies, dont l’intrigue principale est la souffrance d’un personnage féminin, permirent à Sarah Siddons de déployer ses talents durant le début de sa carrière et d’établir la féminité honorable et vertueuse qu’elle souhaitait incarner. Ainsi, parmi les deux cent six apparitions scéniques de Sarah Siddons entre 1782 et 1785, seules vingt-neuf concernèrent des rôles shakespeariens (dont treize pour Lady Macbeth). Il fut alors reproché à Sarah Siddons, érigée au rang d’incarnation de la muse tragique, de négliger Shakespeare, dont le statut de poète national était alors bien établi. Lady Macbeth fut alors un personnage tout indiqué pour remédier à cette situation, le rôle étant le plus long et le plus complexe parmi ceux des héroïnes tragiques shakespeariennes.

Le choix du rôle, puis celui de jeu par l’actrice ne pouvaient rester sans influence sur la représentation que le public se faisait de Lady Macbeth. La dernière distribution de la pièce qui avait marqué les esprits était le couple formé par David Garrick et Hannah Pritchard dans le rôle des époux Macbeth. Cependant, c’est au binôme que le public portait son affection, et le rôle masculin ne courait alors pas le risque d’être éclipsé par celui de son épouse.

La décision de Sarah Siddons d’interpréter le rôle de Lady Macbeth transforma le personnage, qui n’était jusqu’alors perçu que comme adjuvant à son époux, en personnage principal de la pièce. En prêtant ses traits, sa voix et sa puissance interprétative au personnage, Sarah Siddons attira sur Lady Macbeth l’attention et la faveur réservées à chacune de ses apparitions. Sa renommée, déjà fermement établie en février 1785, lui permit d’insuffler une autonomie au personnage, dont la grandeur avait commencé à être restaurée par le texte de David Garrick et par l’interprétation de Hannah Pritchard.

Cependant, la question de la féminité du personnage, comme celle de la tragédienne, venait complexifier la représentation de Sarah Siddons. En effet, tant l’actrice que le personnage présentaient des caractéristiques qui entraient en tension avec la construction de la féminité à la fin de l’époque georgienne. Malgré cela, Sarah Siddons parvint à maintenir une image de féminité, au point de devenir un modèle de vertu féminine, et participa à humaniser le personnage de Lady Macbeth auprès des spectateurs et critiques, par une conception résolument féminine du personnage.

Il avait été reproché à Hannah Pritchard de manquer d’intellect et de n’être mue par aucun intérêt pour la pièce de Shakespeare, mais uniquement par le personnage qu’elle interprétait. Ainsi, Samuel Johnson écrivit :

It is wonderful how little mind she had. She had never read the tragedy of Macbeth through. She no more thought of the play out of which her part was taken, than a shoemaker thinks of the skin out of which the piece of leather of which he is making a pair of shoes is cut.34

La comparaison entre le travail de l’actrice et celui du cordonnier fait de Hannah Pritchard une artisane et prive ainsi son interprétation de toute considération artistique et intellectuelle. Au contraire, Sarah Siddons était respectée par Johnson et était célébrée pour son intellect puissant et pour la réflexion profonde dont elle imprégnait chacune de ses interprétations.

L’accusation de Johnson est répétée par Thomas Campbell, dans sa biographie de Sarah Siddons :

Mrs. Siddons says, in her Autograph Recollections, ‘When I begged Dr. Johnson to let me know his opinion of Mrs. Pritchard, whom I had never seen, he answered, ' Madam, she was a vulgar idiot; she used to speak of her gownd, and she never read any part in a play in which she acted, except her own.' Is it possible, thought I’, Mrs. Siddons continues, ‘that Mrs. Pritchard, the greatest of all the Lady Macbeths, should never have read the play ? and I concluded that the Doctor must have been misinformed ; but I was afterwards assured by a gentleman, a friend of Mrs. Pritchard's, that he had supped with her one night after she had acted Lady Macbeth, and that she declared she had never perused the whole tragedy : I cannot believe it’.35

Le contraste créé entre les deux actrices est favorable à Sarah Siddons, qui parvient à se démarquer de son illustre prédécesseuse dans le rôle de Lady Macbeth par son étude de la pièce et, par extension, par sa révérence envers l’œuvre de Shakespeare. La rencontre entre Johnson et Sarah Siddons eut lieu avant que l’actrice apparût pour la première fois en Lady Macbeth à Londres, mais la rédaction des « Recollections » date de 1830, quand l’actrice avait soixante-quinze ans36. L’actrice entache ici la réputation de Hannah Pritchard au profit de la sienne, en décrivant le manque de curiosité intellectuelle de la précédente Lady Macbeth, qui plus est, de la part d’une figure d’autorité en la personne de Samuel Johnson. Sous couvert de vouloir infirmer le témoignage de Johnson, elle fait appel à une tierce personne qui, au contraire, confirme l’information. Sarah Siddons installe ici sa suprématie sur le rôle de Lady Macbeth en discréditant Hannah Pritchard, pourtant décédée soixante-deux ans auparavant : tant cette anecdote que la rédaction des « Recollections » trahissent la préoccupation de Sarah Siddons pour son héritage auprès de futures générations.

Dans ses « Remarks », elle décrit son processus d’étude du rôle de Lady Macbeth :

On the night preceding that in which I was to appear in this part for the first time, I shut myself up, as usual, when all the family were retired, and commenced my study of Lady Macbeth. As the character is very short, I thought I should soon accomplish it. Being then only twenty years of age, I believed, as many others do believe, that little more was necessary than to get the words into my head; for the necessity of discrimination, and the development of character, at that time of my life, had scarcely entered into my imagination.37

La tragédienne opère une distinction cruciale entre la mémorisation des répliques de son personnage et son étude, qui définit son jeu dramatique et qui est le signe de sa maturité intellectuelle. Sarah Siddons était reconnue et respectée pour sa conception fortement intellectuelle du métier d’actrice. Cette réputation participait d’un discours la plaçant au-dessus des femmes de son époque, parce qu’il s’agissait là d’un attribut typiquement masculin. Par cette réputation, l’actrice renforçait par ailleurs le lien créé entre le personnage de Lady Macbeth et elle-même.

L’autrice Anna Jameson brossa un portrait critique du personnage de Lady Macbeth dans son ouvrage Characteristics of Women Moral, Poetical, and Historical (1832). L’intellect du personnage de Lady Macbeth est souligné dans l’analyse : « Lady Macbeth’s amazing power of intellect38 », « her superiority of intellect39 », « the commanding intellect of the woman40 ». Les facultés intellectuelles de Lady Macbeth sont associées à une série d’attributs exceptionnels aux connotations masculines pour l’époque : par exemple, « her inexorable determination of purpose, her superhuman strength of nerve41 ». Ces attributs tissent un lien entre Lady Macbeth en son interprète. En effet, Anna Jameson décrit ainsi l’intellect de Sarah Siddons dans Visits and Skteches at Home and Abroad : « the utmost patience in study »42 et « splendid intellectual powers43 ».

Cependant, dans le cas de l’actrice comme de son personnage, des qualités plus traditionnellement féminines sont ajoutées au portrait avec, dans les deux cas, le souci de l’équilibrer. Dans le cas de Sarah Siddons, on lit : « this wonderful combination of mental powers and external graces44 », ou encore « that amazing union of splendid intellectual powers, with unequalled charms of person45 ». En ce qui concerne l’héroïne de Shakespeare, Anna Jameson écrit : « in Lady Macbeth’s concentrated, strong-nerved ambition, the ruling passion of her mind, there is yet a touch of womanhood46 », « for the woman herself remains a woman to the last -still linked with her sex and with humanity47 ».

L'analyse d’Anna Jameson reconnaît l’influence de l’interprétation de Sarah Siddons sur l’intérêt porté au personnage : « if [commentators] do individualize her, it is ever with those associations of scenic representation which Mrs. Siddons has identified with the character 48 ». Bien qu’elle regrette cet état de fait, ses portraits respectifs des deux femmes de théâtre sont très fortement marqués par les similitudes entre le personnage et l’actrice.

En associant ses propres qualités intellectuelles à celles du personnage de Shakespeare, Sarah Siddons s’installe comme la meilleure actrice pour le rôle et diminue l’importance de sa prédécesseuse Hannah Pritchard sur l’histoire du rôle. Ainsi, Sarah Siddons solidifie sa réputation d’actrice shakespearienne et, ce faisant, sa légitimité professionnelle. Sa propre conception du personnage de Lady Macbeth présente une tension entre les qualités masculines et féminines du personnage.

Ainsi, l’actrice considère que sa stature et la qualité masculine qui fut parfois prêtée à son physique desservent le personnage qu’elle interprète. Selon elle, Lady Macbeth devrait plutôt avoir des attributs physiques considérés comme féminins : « all the charms and graces of personal beauty49 », « captivating in feminine loveliness50 ». L’actrice se montra bien consciente de la position particulière dans laquelle cette idée la plaçait, alors qu’elle se faisait l’incarnation du personnage sur scène :

you will probably not agree with me as to the character of that beauty; yet, perhaps, this difference of opinion will be entirely attributable to the difficulty of your imagination disengaging itself from that idea of the person of her representative which you have been so long accustomed to contemplate. According to my notion, it is of that character which I believe is generally allowed to be most captivating to the other sex, -fair, feminine, nay, perhaps, even fragile.51

Comme Charles Lamb et Anna Jameson, l’actrice observe la puissance de la représentation scénique dans l’imagination des spectateurs et la force des impressions laissées par son interprétation. Ainsi, les attributs physiques de l’actrice étaient, d’après elle, une limite de son interprétation de Lady Macbeth. Cette conception du personnage paraît aller, partiellement du moins, à l’encontre de la démarche des artistes choisissant de représenter Lady Macbeth sous les traits de l’actrice et invite à s’interroger sur la démarche des peintres et graveurs. Assurément, le projet artistique de peintres académiciens ou de ceux qui exposèrent à l’Académie, tels Thomas Lawrence, Thomas Beechey, Richard Westall ou George Henry Harlow, dépassait le simple souhait d’immortaliser la célébrité de l’actrice et son succès dans le rôle de Lady Macbeth, au profit d’une qualité esthétique et picturale dans la représentation de l’héroïne shakespearienne. Il semblerait alors que les artistes décidant d’adopter les traits de Sarah Siddons pour leurs représentations de Lady Macbeth avaient une vision du personnage en désaccord avec celle de l’actrice-même52. Malgré ses efforts pour féminiser le personnage, Sarah Siddons était limitée par la qualité masculine attribuée à sa stature physique et, ainsi, influença une codification iconographique du personnage faisant de son apparence le reflet de qualités morales et intellectuelles qui, sinon masculines, ne correspondaient pas à un idéal de féminité.

Le discours critique autour du personnage de Lady Macbeth, que ce soit dans les écrits de Sarah Siddons ou d’Anna Jameson, tend à l’exposition d’une féminité essentielle qui est cruciale à l’appréciation du personnage et à son intégration à un corpus de personnages tragiques non-monstrueux. Cependant, l’insistance critique sur la féminité du personnage ne semble pas se traduire systématiquement dans les représentations iconographiques de Sarah Siddons en Lady Macbeth. En effet, on note une difficulté, pour les artistes, de présenter une image de Lady Macbeth qui montre à la fois la fragilité féminine que Sarah Siddons souhaitait insuffler à sa représentation scénique, et le caractère trop masculins du personnage, qui poussent Lady Macbeth à se rendre complice des crimes de son époux.

John Philip Kemble et Sarah Siddons jouant Macbeth et Lady Macbeth - Thomas Beach

Le tableau de Thomas Beach (Fig. 5), représentant Sarah Siddons et John Philip Kemble dans la scène 2 de l’Acte II (dite la scène des dagues), illustre la masculinité monstrueuse du personnage. Lady Macbeth occupe le premier plan du portrait et tient une dague ensanglantée dans chaque main. Le personnage est peint dans sa détermination ; le contraste entre son expression et celle, apeurée, en retrait, de Kemble en Macbeth exacerbe la représentation de Lady Macbeth comme coupable non seulement des crimes de son époux mais aussi de son ambition masculine. Il n’est pas surprenant d’apprendre que ce portrait déplut à Sarah Siddons53, qui défendait une conception de Lady Macbeth comme personnage fondamentalement féminin.

Par l’interprétation de Sarah Siddons, notamment dans son rôle de muse pour les artistes, Lady Macbeth devint le personnage principal de la tragédie de Shakespeare à la fin de l’époque georgienne. Les représentations iconographiques de Sarah Siddons en Lady Macbeth sont concentrées sur trois passages cruciaux de la tragédie qui sont, dans l’ordre de la pièce : la lecture de la lettre de Macbeth (première apparition du personnage, Acte I, scène 5), ainsi que Lady Macbeth saisissant les poignards ensanglantés suite au meurtre de Duncan (Acte II, scène 2) et Lady Macbeth somnambule (Acte V, scène 1). Dans son article qui explore les enjeux de masculinité et de féminité dans les représentations de Lady Macbeth, Heather McPherson écrit : « During the eighteenth century the balance of power between Macbeth and Lady Macbeth shifted; as Macbeth was humanized and rendered more gentlemanly and less fearsome, Lady Macbeth came to play an increasingly dominant role as dramatic protagonist54 ».

Les représentations peintes de Sarah Siddons en Lady Macbeth sont remarquables tant par leur quantité que par l’absence presque systématique de Macbeth dans le choix des scènes figurées. Une exception notable est le portrait de la scène de la dague, par Thomas Beach ; cependant, celui-ci fut un échec critique et ne plut guère à Sarah Siddons. La précédente incarnation de Lady Macbeth, Hannah Pritchard, n’inspira pas autant les peintres. Les deux tableaux qui immortalisent son interprétation (celui de Zoffany [Fig. 3] et celui de Fuseli) illustrent la scène de la dague et font donc partager la toile à l’actrice, voire font d’elle un personnage secondaire.

Dans leur lecture du tableau de Zoffany, Stephen Leo Carr et Peggy A. Knapp interprètent la composition comme une relecture satirique du topos iconographique d’Hercule à la croisée des chemins55. Lady Macbeth présente alors ironiquement les attributs de la Vertu (« Like Virtue, Lady Macbeth has one hand pointing upward and toward the light and the other holding the knives, an ironic displacement of the iconic magisterial sword of Athena » [842]) bien que la nature de la scène dépeinte et du personnage en fasse l’incarnation du Vice. La description correspond à la gravure publiée par Boydell en 1776 (fig. 4) et non au tableau-même. En effet, le tableau fait tenir les dagues à Lady Macbeth de la main droite, vers la lumière, et lever la main gauche vers Macbeth. Dans cette interprétation emblématique du tableau, c’est le spectateur, vers qui Macbeth est tourné, qui tient le rôle de la Vertu. Cette lecture, qui met Macbeth-Garrick au centre de la lecture du tableau et de la scène, rappelle le portrait de David Garrick par Joshua Reynolds, en 1761, interprétation du topos d’Hercule à la croisée des chemins où l’homme de théâtre est représenté tiraillé entre la Comédie et la Tragédie.

L’adoption du rôle par Sarah Siddons inspira les peintres pour représenter des scènes de la pièce qui ne l’étaient pas jusqu’alors, éloignant le regard des artistes et des spectateurs du personnage éponyme et transformant Lady Macbeth en personnage principal de la pièce. En effet, s’il existe quelques gravures qui montrent Kemble en Macbeth (notamment satiriques, illustrant la controverse qui entoura la réouverture de Covent Garden en 1809, pour laquelle Kemble, son directeur, avait choisi de mettre en scène Macbeth), aucun portrait n’immortalise son incarnation du roi écossais. L’intérêt de la pièce, pour les peintres contemporains de Sarah Siddons, reposait dans l’interprétation qu’elle faisait du rôle de Lady Macbeth, qui lui permettait de mettre ses talents en valeur. Les attributs physiques de Sarah Siddons, sa grande taille et sa stature sculpturale56 en firent le modèle idéal pour la représentation iconographique de Lady Macbeth, allant jusqu’à éclipser le personnage de Macbeth.

L’influence de Lady Macbeth sur la persona de Sarah Siddons

La fusion entre le rôle de Lady Macbeth et la persona de Sarah Siddons fut telle dès la première apparition de l’actrice dans ce rôle, que c’est sous les traits et avec une réplique de l’héroïne shakespearienne que le satiriste S. W. Fores choisit de représenter la tragédienne. La gravure satirique intitulée The Orators’ Journey (1785)57 montre les hommes politiques Edmund Burke et Charles James Fox, ainsi que Sarah Siddons à cheval, s’éloignant de la direction de la Popularité (un panneau derrière eux indique « to Popularity ») et s’engageant plutôt vers la Perdition (une borne signale « 1 mile to Perdition »). Sarah Siddons s’exclame : « That which hath made them drunk, hath made me bold », reprenant la réplique de Lady Macbeth à l’Acte II, scène 2, juste avant le meurtre de Duncan. Elle est affublée des accessoires de Lady Macbeth, une dague dans la main droite et un bol, utilisé pour faire boire les gardes protégeant Duncan, dans la main gauche. Cependant, la réplique doit être ici interprétée différemment : c’est le talent oratoire de la tragédienne qui a enivré son public et qui l’a enhardie.

Que l’actrice soit l’objet d’une telle satire, au même titre que deux hommes d’État, témoigne de la place qu’elle occupait dans la société et de la puissance accordée à ses capacités oratoires, bien que l’illustrateur semble considérer que son jeu dramatique l’éloigne de la faveur du public. C’est l’interprétation de Lady Macbeth par Sarah Siddons qui est ici utilisée pour signifier ses talents d’oratrices, cinq jours à peine après son apparition pour la première fois dans ce rôle.

Lady Macbeth continua d’agir comme un élément permettant de reconnaître Sarah Siddons dans les gravures satiriques qui la mirent en scène tout au long de sa carrière et, notamment, à partir de 1803, quand son frère John Philip Kemble prit la direction de Covent Garden58. L’identification de Sarah Siddons à Lady Macbeth, raccourci iconographique des caricaturistes, fut, par ailleurs, employé par l’actrice-même, dans ses écrits. Les deux textes de Sarah Siddons où elle évoque sa conception du métier d’actrice traitent du rôle de Lady Macbeth. L’un lui est consacré, « Remarks on the Character of Lady Macbeth » ; l’autre fait la part belle au personnage. Dans le récit autobiographique de Sarah Siddons « Recollections », l’actrice raconte les premières années de sa carrière, y compris son premier contact avec le personnage de Lady Macbeth, à l’âge de vingt ans. La mise en scène de l’effet qu’eut la première étude de la pièce prouve comment l’intégration de Lady Macbeth dans la persona de Sarah Siddons relève d’une stratégie délibérée de la part de l’actrice :

But, to proceed. I went on with tolerable composure, in the silence of the night, (a night I never can forget,) till I came to the assassination scene, when the horrors of the scene rose to a degree that made it impossible for me to get farther. I snatched up my candle, and hurried out of the room, in a paroxysm of terror. My dress was of silk, and the rustling of it, as I ascended the stairs to go to bed, seemed to my panic-struck fancy like the movement of a spectre pursuing me. At last I reached my chamber, where I found my husband fast asleep. I clapt my candlestick down upon the table, without the power of putting the candle out; and I threw myself on my bed, without daring to stay even to take off my clothes.59

Dans cette anecdote, Sarah Siddons raconte sa première lecture de Macbeth. Prise d’effroi à la découverte des agissements de Macbeth et de son épouse, elle décrit sa vive réaction. L’évocation prend une dimension esthétique qui dépasse la simple anecdote : le froissement de la robe en soie est mentionné et l’actrice se sent comme poursuivie dans l’escalier par un esprit, proposant ainsi un traitement gothique de la scène. Par ailleurs, le passage est parsemé d’éléments pouvant rappeler Lady Macbeth : le chandelier, la scène nocturne, la référence à un époux paisiblement endormi alors que la protagoniste est en proie à un fort tourment psychique, le fantôme… Tant d’indications, de plus rattachées à la personne de Sarah Siddons, ne peuvent que faire songer à l’héroïne shakespearienne. La tragédienne démontre à ses lecteurs la force de son imagination, s’inscrivant dans un idéal esthétique romantique, ainsi que la puissance de son étude de la pièce entière, qui faisait défaut à Hannah Pritchard, et situe son discours dans le topos du génie de Shakespeare dans le texte (rapprochant ici son propos de celui tenu par Charles Lamb).

Mrs Siddons avec les emblèmes de la tragédie - Beechey

La présence de Lady Macbeth dans la persona de Sarah Siddons est aussi identifiable dans les représentations iconographiques de l’actrice. Le portrait de Sarah Siddons peint par William Beechey en 1793 (Fig. 6) présente à la fois Sarah Siddons, la muse tragique et Lady Macbeth. Le portrait fut vivement critiqué lors de son exposition de 1794 à la Royal Academy : « the attitude is affectedly disgusting. It conveys the semblance of a gypsy in sattin, disporting at a masquerade, rather than the murder-loving Melpomene60 ». Le critique estime le mélange entre éléments allégoriques et temporels grotesque, voire dégoûtant (« disgusting »). Cela peut être dû au fait que le portrait de Beechey est dénué des éléments sublimes qui marquent celui de Reynolds : ainsi, il donne à voir, aux yeux des critiques de l’époque, soit une Sarah Siddons déguisée, soit une Melpomène déchue.

Cependant, il est possible de lire ce portrait comme une tentative de création d’une image de la persona de Siddons, figurant à la fois la femme, sa capacité à incarner le genre tragique et son rôle le plus marquant, celui de Lady Macbeth. Le portrait ne se veut pas entièrement allégorique : Mrs Siddons ne prête pas ses traits à la muse tragique, comme cela fut le cas en 1783 dans le célèbre tableau de Reynolds. Ici, c’est la muse tragique qui lui prête ses attributs, le poignard et le masque de la tragédie. Le poignard revêt une dimension polysémique et devient le lien entre la muse tragique et Lady Macbeth (par association avec l’accessoire ensanglanté au cœur de la scène 2 de l’Acte II), ce qui renforce la réputation de Sarah Siddons comme reine de la tragédie et ennoblit l’héroïne shakespearienne.

Le costume ne correspond pas à celui qu’on attendrait d’un portrait allégorique et le titre du tableau semble aussi rejeter une telle lecture : l’actrice est représentée entourée des attributs de la tragédie, mais pas en muse tragique. La dague tenue par Sarah Siddons prend alors une dimension polysémique, faisant partie à la fois de la panoplie de la tragédie et des accessoires clés de Macbeth, évoquant la scène 2 de l’Acte II de la pièce. La tragédienne se tient à proximité d’une stèle qui comporte l’inscription « Shakespeare61 ».

Le personnage de Lady Macbeth fait partie intégrante de la persona de Sarah Siddons, par le lien de prestige qu’il renforce entre l’actrice et Shakespeare. De même, la tragédienne fait sien le personnage auquel elle prête ses traits et ses talents professionnels. Ainsi, la conjugaison des attributs de l’actrice et du personnage permet de faire, du portrait de Beechey, un effet anamorphique, donnant à voir, selon l’angle sous lequel il est lu, la muse tragique, l’actrice ou son personnage le plus emblématique. Dans ce portrait, Sarah Siddons mêle les éléments classiques contribuant à évoquer la muse tragique et les références à Shakespeare par son personnage de Lady Macbeth, et se fait alors image idéalisée de l’identité britannique.

Mrs Siddons - Sir Thomas Lawrence

Enfin, le portrait de la tragédienne peint par Sir Thomas Lawrence en 1804 (Fig. 7) présente, lui aussi, une représentation de l’actrice qui fonctionne comme une anamorphose métaphorique. De sa première rencontre avec la tragédienne à Bath, au portrait de 1804, Thomas Lawrence réalisa près de quatorze portraits de Sarah Siddons.62 Dans celui-ci, Sarah Siddons est représentée durant l’une de ses lectures dramatiques, accompagnée, à sa gauche, d’un volume de l’œuvre du dramaturge de la Restauration Thomas Otway et d’un folio de William Shakespeare. Ces ouvrages rendent hommage à la carrière de l’actrice, qui s’illustra en particulier dans ces deux répertoires. De plus, la distance temporelle qui sépare ces auteurs du public contemporain du tableau ajoute un élément de dignité et de sublimité au tableau, l’inscrivant dans le patrimoine britannique. Les vêtements portés par Sarah Siddons dans le portrait de Thomas Lawrence, ainsi que ses bijoux, ne sont pas sans rappeler sa Lady Macbeth. Le portrait de George Henry Harlow (Fig. 8) immortalisant Sarah Siddons à la scène 5 de l’Acte I de Macbeth, servent ici de point de comparaison : la robe à agrafes en velours sombre et sa coupe empire, ainsi que les bijoux, apparaissent dans les deux portraits. La robe, qui répond au goût de l’actrice pour la simplicité des costumes scéniques, fait écho au personnage le plus cher à Sarah Siddons. De plus, la tragédienne comme son personnage sont représentés dans ces portraits comme des lectrices, de la lettre de son époux pour Lady Macbeth et de l’œuvre de Shakespeare pour Sarah Siddons. L’action du personnage sur scène et celle de Sarah Siddons se répondent.

Harlow Sarah Siddons jouant Lady Macbeth
George Henry Harlow, Sarrah Siddons dans le rôle de Lady Macbeth, Londres, The Garrick Club Collections, G0742

L’actrice n’est pas sur scène, mais dans un décor domestique ; on peut même présumer qu’elle est à son domicile, d’où elle donnait des lectures dramatiques. Ainsi, Lawrence prive son sujet d’un traitement sublime, au profit d’une image de l’actrice dans sa féminité conventionnelle, en adhésion avec la conception de Lady Macbeth par Siddons. Hannah McPherson étudie la tension au cœur du portrait de Thomas Lawrence : « Lawrence appears to have been at a loss as to how to render both femininity and the sublimity of Mrs. Siddons63 ». La difficulté est la même que celle rencontrée dans les portraits de Lady Macbeth : il s’agit de représenter à la fois une féminité revendiquée et une grandeur sublime. Dans le portrait de lawrence, le choix de la féminité est fait à rebours de la plupart des représentations de Sarah Siddons en Lady Macbeth, qui mirent l’accent sur la sublimité de l’interprétation de l’actrice. Ce choix plut à Sarah Siddons, qui écrivit à sa belle-fille : « [it is] more really like me than anything that has been done before64».

Conclusion

S’il est indéniable que c’est l’interprétation de Hannah Pritchard et la restauration de la lettre de Shakespeare par David Garrick qui ouvrirent la voie à l’intérêt que connut Lady Macbeth à la fin de l’époque georgienne, c’est indéniablement Sarah Siddons qui fut la muse des peintres. Sarah Siddons prêta au personnage de Lady Macbeth sa célébrité et la force de son interprétation, attirant ainsi la faveur des peintres sur la reine écossaise. Le jeu de l’actrice, conjugué au talent des peintres et illustrateurs qui s’employèrent à la représenter, transforma Lady Macbeth en personnage principal de la pièce, donnant naissance à un discours critique nuancé sur cette héroïne shakespearienne jusqu’alors réduite au stéréotype. L’opération ne fut pas sans bénéfice pour la tragédienne, qui vit sa célébrité agrandie et ennoblie par le choix de ce personnage. Lady Macbeth fit accéder la tragédienne au statut d’actrice shakespearienne, ultime reconnaissance professionnelle, qui lui avait fait défaut au début de sa carrière.

Lady Macbeth ne sombra pas dans l’oubli avec la disparition de Sarah Siddons. Au contraire, l’influence de la tragédienne incita durablement les actrices à s’emparer du rôle et les artistes à représenter le personnage comme ses interprètes. Ainsi, on songe au portrait d’Ellen Terry par John Singer Sargent en 1889 (The Tate), qui immortalise l’actrice dans son costume de scène, ou à l’étude de Dante Gabriel Rossetti, Study for the Death of Lady Macbeth en 1875 (Carlisle Museum and Art Gallery), où le peintre imagine une scène qui n’est pas représentée dans la pièce de Shakespeare, la mort de Lady Macbeth

Bibliographie

Sources primaires

Sources iconographiques

Voir les Ressources externes ⍈.

Source manuscrite

SIDDONS, Sarah, An Untitled Manuscript Being Recollections of the Life of Sarah Kemble Siddons, the Great English Tragic Actress, Harvard Houghton Library, TS 1272.72.

Sources imprimées

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Sources secondaires

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Notes

1

Sur la formule ‘We speak of Lady Macbeth while in reality we are thinking of Mrs. S.’, voir Charles Lamb, ‘On The Tragedies of Shakespeare Considered with Reference to Their Fitness for Stage Representation’ (Part 1).

2

Thomas Campbel, Life of Mrs Siddons, Londres, 1834, vol. II, p. 337.

3

Voir Campbell, op. cit., vol. II, p. 10-39.

4

Pour la collaboration entre Sarah Siddons et ses portraitistes, voir Robyn Asleson, dir., A Passion for Performance: Sarah Siddons and Her Portraitists, Los Angeles, J. Paul Getty Museum, 1999.

5

C’est le cas, par exemple, de Henry Pierce Bone, dans Lady Macbeth Sleepwalking (1797), Yale Center for British Arts, New Haven.

6

Voir Sir. William D'Avenant, Macbeth a Tragedy: With All the Alterations, Amendments, Additions, and New Songs: As It's Now Acted at the Duke’s Theatre [Macbeth.]. Londres, 1674.

7

Voir Hazelton Spencer, « D’Avenant’s Macbeth and Shakespeare’s, » PMLA, vol. 40, n° 3, 1925, p. 619-44. 

8

Voir George Winchester Stone, Jr., « Garrick's Handling of Macbeth, » Studies in Philology, Oct. 1941, vol. 38, n° 4 (Oct. 1941), p. 609-628.

9

On note, cependant, une dernière représentation, le 22 septembre 1768, avec Ann Street Barry, épouse de Spranger Barry, en Lady Macbeth.

10

Dennis Bartholomeusz, Macbeth and the Players, Cambridge, Cambridge UP, 1969, p. 79.

11

Voir Campbell, op. cit., vol.1, p. 138: « first-rate popularity. »

12

The Universal Museum, avril 1768, p. 163, cité dans Bartholomeusz, op. cit., p. 49.

13

Voir n. 1.

14

Campbell, op. cit., vol. II, p. 39.

15

Voir John Bell, Bell's Edition of Shakespeare's Plays, As They Are Now Performed at the Theatres Royal in London, Londres, 1774, vol. 1, p. 60-133.

16

Voir Hubert-François Bourguignon, dit Gravelot, Hannah Pritchard jouant Lady Macbeth à Drury Lane, 1768. https://utpictura18.univ-amu.fr/notice/11141-hannah-pritchard-jouant-la…

17

Campbell, op. cit., vol. II, p. 37-38.

18

The Public Advertiser, Londres, 4 février 1785.

19

D’autres représentations picturales de cette scène semblent inspirées de l’interprétation de Sarah Siddons. Voir, par exemple, une étude de Richard Westall conservée au Victoria and Albert Museum (DYCE.912).

20

John Boaden, Memoirs of Mrs Siddons, Londres, 1827, vol. II, p.100.

21

C’est-à-dire avant la première apparition de Sarah Siddons en Lady Macbeth à Drury Lane, le 2 février 1785.

22

Voir dans les collections du British Museum (BM 1868,0822.5541) et du Victoria and Albert Museum (v&A S.2383-2013).

23

Heather McPherson, ‘Masculinity, Femininity, and the Tragic Sublime: Reinventing Lady Macbeth,’ Studies in Eighteenth-Century Culture, 2000, vol. 29, p. 329, n. 44.

24

Charles Le Brun, Les expressions des passions de l' âme , représentées en plusieurs testes gravées d' après les dessins de feu monsieur Le Brun premier peintre du Roy, Paris, 1727, p. 4.

25

Anna Jameson, Characteristics of Women, Moral, Poetical, and Historical (1832), Boston et New York, 1889, p. 452.

26

Henri Fuseli, Garrick und Mrs. Pritchard als Macbeth und Lady nach der Ermordung des Königs Duncan. Shakespeare, Macbeth II, 2, Kunsthaus Zürich, 1766.

27

Henri Fuseli, Lady Macbeth Seizing the Daggers, Tate Gallery, Londres, exposé en 1812.

28

La liste la plus complète de représentations iconographiques de Sarah Siddons demeure celle de Philip Highfill, éd., A Biographical Dictionary of Actors, Actresses, Musicians, Dancers, Managers and Other Stage Personnel in London, 1660-1800, Carbondale, Southern Illinois UP, 1991, vol. 14, p.37-67. Trois cent quatre-vingt-sept portraits y sont référencés. Le travail encyclopédique de Highfill a été numérisé dans le cadre de la base de données Eighteenth-Century Drama Online (https://www.eighteenthcenturydrama.amdigital.co.uk/BiographicalDictiona…).

29

Voir, entre autres : Thomas Beach, John Philip Kemble as Macbeth and Sarah Siddons as Lady Macbeth (1786) [fig. 5], Henry Pierce Bone, Lady Macbeth Sleepwalking (1797), George Henry Harlow, Sarah Siddons as Lady Macbeth, Act 1, Sc. 5 (date inconnue) [fig. 8] et Sarah Siddons as Lady Macbeth, Act 5, Sc. 1 (date inconnue) [fig. 1] et Robert Smirke, Sarah Siddons as Lady Macbeth (date inconnue).

30

Voir, par exemple, John Thornthwaite, Mrs Siddons in Lady Macbeth (1784), illustration pour Bell’s Theatre, ou la satire de James Gillray, Theatrical mendicants, relieved (1809).

31

Voir, par exemple, George Romney, Macbeth: The Banquet Scene (c. 1790).

32

Voir, notamment, Mary Hamilton, Album containing drawings of Mrs Siddons 'dresses and attitudes', a series of drawings (1802), The British Museum (1876,0510.816-896).

33

Lors de l’exposition de 1784, le portrait de Lady Macbeth somnambule de Henry Fuseli (Louvre RF 1970 29) fut aussi exposé.

34

Cité dans Robert Speaight, Shakespeare on the Stage, Boston, Little, Brown, 1973, p. 32.

35

Campbell, op. cit., vol. I, p. 139. Dans ses « Recollections », transcrites par Campbell, Sarah Siddons raconte plusieurs anecdotes qui témoignent de l’amitié et du respect de Samuel Johnson envers elle, notamment son souhait de la voir jouer Queen Katharine dans Henry VIII : « Dr. Johnson's favourite female character in Shakespeare was Katharine, in Henry VIII. He was most desirous of seeing me in that play ». (Campbell, op. cit., vol. I, p. 238).

36

Voir Sarah Siddons, An Untitled Manuscript Being Recollections of the Life of Sarah Kemble Siddons, the Great English Tragic Actress, Harvard Houghton Library TS 1272.72.

37

Sarah Siddons, « Remarks on the Character of Lady Macbeth », in Campbell, op. cit., vol. II, p. 35.

38

Jameson, op. cit., p. 444.

39

Ibid., p. 446.

40

Ibid., p. 447.

41

Ibid., p. 444.

42

Anna Jameson, Visits and Sketches at Home and Abroad, Londres, 1835, vol. III, p. 7.

43

Ibid., p. 9.

44

Ibid, p. 7.

45

Ibid., p. 9.

46

Ibid., Characteristics, p. 449.

47

Ibid., p. 445.

48

Ibid., Characteristics, p. 441-442.

49

Ibid., Remarks, p. 10.

50

Ibid., p. 11.

51

Ibid., p. 11.

52

La Lady Macbeth somnanbule de Fuseli (Louvre RF 1970 29), qui précède l’adoption du personnage par Sarah Siddons sans être pour autant inspirée de Hannah Pritchard dans les traits, est la représentation peinte qui se rapproche le plus de la description imaginée par l’actrice.

53

McPherson, art. cit., p. 310.

54

Id., art. cit., p. 302.

55

Voir Stephen Leo Carr et Peggy A. Knapp, « Seeing Through Macbeth, » PMLA, 1981, vol. 96, n° 5, p. 837-847.

56

La tragédienne et son jeu étaient souvent décrits en des termes empruntés à la statuaire antique. Sarah Siddons, elle-même, était passionnée de sculpture. Pour une étude du lien entre Sarah Siddons et la sculpture, voir Heather McPherson, « Sculpting Her Image: Sarah Siddons and the Art of Self-Fashioning », Women and Portraits in Early Modern Europe, Londres, Routledge, 2008, p. 183-202 et Patricia F. Ferguson, « Defining a New Femininity? Josiah Wedgwood’s Portrait Medallions of Sarah Siddons and his ‘Femmes Célèbres’ », British Art Studies, n° 21.

57

Voir The Orator’s Journey, Londres, 1785, The British Museum.

58

Il est intéressant de remarquer ici que ces gravures satiriques, où frère et sœur apparaissent tous deux, présentent invariablement Sarah Siddons en Lady Macbeth et John Philip Kemble en Hamlet, bien que Sarah Siddons et Kemble jouèrent ensemble dans Macbeth. Hamlet, non Macbeth, était considéré comme le rôle le plus réussi de Kemble. Le consensus critique faisait de Sarah Siddons la meilleure interprète de la fratrie, notamment au travers de leurs interprétations respectives dans Macbeth. Cela exacerba encore le changement de statut du personnage de Lady Macbeth sous les traits de Sarah Siddons, qui devint le personnage principal de la pièce, aux dépens de Macbeth.

59

Siddons, Recollections, in Campbell, op. cit., vol. II, p. 35-36.

60

Voir Pasquin, A Liberal Critiques on the Present Exhibition of the Royal Academy, Londres, 1794, p. 17.

61

Le recours à Shakespeare comme figure tutélaire du génie dramatique est courant durant le dix-huitième siècle, notamment suite aux célébrations organisées dans le cadre du « Stratford Jubilee » par Garrick. Fiona Ritchie étudie la place de Shakespeare dans le dix-huitième siècle dans ses ouvrages Shakespeare in the Eighteenth Century, Cambridge, Cambridge UP, 2012 et Women and Shakespeare in the Eighteenth Century, Cambrige, Cambridge UP, 2014. Le motif iconographique du monument à Shakespeare est récurrent dans les portraits d’hommes et de femmes de théâtre au dix-huitième siècle. Voir Thomas Gainsborough, David Garrick with a Bust of Shakespeare (1766-69). L’original du tableau fut détruit lors de l’incendie du musée de Stratford-upon-Avon ; cependant, le portrait subsiste en gravure et en une copie conservée à Charlecote Park. Voir aussi Francesco Bartolozzi d’après Richard Cosway, Mrs. Abington as Thalia. Dans cette gravure, l’actrice comique Frances Abington est représentée en muse comique couronnant de laurier un buste de Shakespeare.

62

Frédéric Ogée, Thomas Lawrence : Le Génie du portrait anglais, Paris, Cohen&Cohen, p. 104.

63

McPherson, art. cit., p. 321.

64

McPherson, art. cit., p. 333, n. 76.

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