La Guerre des mondes, la rencontre impossible
Rencontrer et rencontrer juste
Dans la langue classique, la rencontre s’entend de deux façons différentes. Il y a certes l’aléa de la rencontre, qui, en prélude au déploiement d’un monde fictionnel, se manifeste au bord ou en travers de la route narrative. La rencontre constitue alors le point nodal de la narration, au carrefour des prestiges de l’imagination, de l’arbitraire du récit d’une part, des nécessités structurales de la composition, des redondances et des boucles du récit d’autre part. Toute scène de roman obéit ainsi à la double contrainte de la rencontre : hasard de la rencontre, elle perturbe la narration, l’arrête, la distrait ; nécessité de la rencontre, elle structure le récit, le cadre, le rythme.
À ce premier usage, structural, de la rencontre, il faut en ajouter un second, qu’illustre ce second ressort de la langue : rencontrer juste, bien rencontrer, c’est deviner, trouver la vérité, accéder à son savoir caché, démasquer ce qui se dissimule derrière le spectacle visible des choses. La rencontre suppose alors non un aléa, mais une investigation, non une route, ni plus généralement la géométralité d’un espace visible, mesurable, descriptible, détaillable, mais l’espace paradoxal d’un savoir retranché, l’espace d’invisibilité d’une énigme essentielle, par laquelle le sujet s’affronte à lui-même, se mesure à son intelligence, défie ses propres ténèbres intérieures, retourne le non-sens de ce qui s’offre à son regard en révélation que défait sa perspicacité.
Ce méta-niveau du rencontrer juste constitue donc un savoir, et un espace d’invisibilité : cet espace ne relève ni de la scène, ni du spectacle théâtral ; il ne fait pas tableau ; il résiste à l’œil qui cherche à le mesurer, au discours qui s’efforce de le caractériser. Il s’offre à nous comme une énigme lisse, comme une compacité muette, comme un défi à l’institution narrative : bien rencontrer, c’est restituer les aspérités signifiantes du lieu, arrimer à ces aspérités les chaînes d’un discours d’explication, et restaurer par là la visibilité scénique des événements.
Ainsi, autant le niveau de la rencontre, le niveau structural de sa visibilité scénique, déploie un dispositif théâtral, articulé au jeu narratologique du récit, autant le méta-niveau du rencontrer juste se dérobe à cette visibilité et manifeste un tout autre dispositif, qui englobe le premier : c’est le dispositif du récit même, auquel la scène ne participe que comme une étape possible, comme une anecdote dont le substrat fictionnel n’est pas une histoire, mais un monde, n’est pas un lieu visible, mais un savoir invisible et énigmatique.
L’articulation de ces deux niveaux de la rencontre (structural et fictionnel) traverse toute l’histoire de la représentation. Mais elle prend à chaque époque des formes différentes et revêt des enjeux sémiologiques et idéologiques nouveaux. On s’intéressera ici à la nouvelle articulation qui a émergé à la fin du dix-neuvième siècle, avec l’invention du cinéma à Lyon par les frères Lumière, mais ne trouve sa forme caractérisée que dans les productions les plus récentes de la fiction cinématographique.
La rencontre des mondes : naissance de la science fiction
La Guerre des mondes de G. H. Wells, parue à Londres en 1898, constitue pour cette étude un cas d’école : elle a donné naissance à un genre, la science fiction, et a donc servi de modèle à toute une production fictionnelle qui en a déployé les potentialités. On citera notamment l’adaptation hollywoodienne de 1952, sur un scénario de Barré Lyndon, réalisé par Byron Haskin et produit avec de tous petits moyens par Georges Pal, et la recréation de 2005 par Steven Spielberg, qui marque en apparence un retour scrupuleux au récit de Wells travesti et édulcoré en 1952, mais en détourne en réalité génialement les attendus.
Cependant, malgré ces détournements, la rencontre est bien, dans ces trois représentations d’une même fiction, l’enjeu central et critique du récit, qui la déconstruit en identifiant la modernité du monde à l’impossibilité de la rencontre. Par cette impossibilité, le dispositif du récit est pris à revers et révèle ses ressorts cachés.
La pratique de l’adaptation cinématographique ne saurait être identifiée à celle de la traduction, même infidèle : on ne passe pas d’une langue dans une autre ; le cinéma n’est pas un langage, mais un medium. Adapter un roman pour le cinéma, comme peindre une scène d’histoire, constitue une création à part entière. Ce que le roman fournit au cinéaste, ce n’est donc pas un texte, c’est un monde ; ce ne sont pas des mots, un style, une langue, mais des images, des lieux, des figures ; en un mot, tous les éléments en quelque sorte désarticulés d’un mécano visuel auquel le cinéaste, par son scénario, son montage, confèrera une armature narrative, une grammaire, une syntaxe. On aboutit donc à ce paradoxe que, lorsque un roman passe à l’écran, le roman fournit le matériau visuel, et le cinéaste le textualise.
I. La fiction de la rencontre
Ce paradoxe révèle une dimension essentielle de la fiction : la fiction fonctionne comme monde, c’est-à-dire qu’elle n’est ni linéaire, ni progressive, ni articulée au dehors d’elle-même. Globale, insulaire, totale, la fiction s’impose atemporellement comme univers exclusif et enveloppant.
Insignifiance des hommes
L’efficacité de la fiction de Wells tient à ce qu’elle réalise parfaitement ce programme. La rencontre avec l’humanité terrestre des envahisseurs martiens (devenus chez Spielberg des extra-terrestres plus lointains) ne s’inscrit ni dans le récit d’un voyage, ni dans l’histoire d’une civilisation, ni dans l’épopée d’une conquête ; encore moins d’une résistance. Il n’y a pas d’Iliade, pas de Grand Récit. Brutale et aveugle, cette rencontre est très vite identifiée au désastre de l’humanité.
« — Ça n’est pas une guerre, dit l’artilleur. Ça n’a jamais été une guerre, pas plus qu’il n’y a de guerre entre les hommes et les fourmis. » (II, 7, 5351.)
La remarque que l’artilleur fait au narrateur, alors que Londres est désertée et que l’humanité apparaît en déroute, révèle une disproportion. De même, alors que les armes terrestres donnaient encore de la voix :
« Se rendaient-ils compte que nos millions d’individus étaient organisés, disciplinés, unis pour la même œuvre ? Ou bien, interprétaient-ils ces jaillissements de flammes, les vols soudains de nos obus, l’investissement régulier de leur campement, comme nous pourrions interpréter, dans une ruche d’abeilles dérangées, un furieux et unanime assaut ? » (I, 15, 477.)
Il n’y a pas de rencontre car les Martiens ne nous voient pas. Notre organisation, notre logique est insignifiante pour eux. Nous ne détenons pas, face à eux, de savoir commensurable susceptible d’exciter curiosité ou perspicacité. Il n’y a, en nous, rien à rencontrer.
« Ainsi, de la même façon méthodique que les hommes emploient pour enfumer un nid de guêpes, les Martiens recouvraient toute la contrée, vers Londres, de cette étrange vapeur suffocante. » (I, 15, 480.)
Fourmis, abeilles ou guêpes, les hommes ne constituent pas un objet de rencontre. Punctiforme, indifférente, indistincte, l’humanité ne connaît pas l’histoire tragique d’une catastrophe, d’un désastre et d’une fin ; elle découvre avec stupeur son manque total d’intérêt. Pas d’objet, pas de rencontre ; pas de rencontre, pas d’histoire. La fiction de Wells est celle d’une rencontre impossible, constituant un véritable défi pour la construction d’un récit.
Invisibilité des Martiens
Si les Martiens ne nous voient pas, ne nous considèrent pas, notre relation à eux révèle réciproquement les mêmes impossibilités. C’est le point de départ du récit : « tandis que les hommes s’absorbaient dans leurs occupations2 », ils n’imaginaient pas, avant « l’arrivée des Martiens », que « les choses humaines (this world) fussent observées de la façon la plus pénétrante et la plus attentive » (I, 1, 409). Les hommes ne voient pas qu’ils sont vus ; et ils ne sont pas vus en tant qu’hommes, mais en tant que monde, c’est-à-dire que territoire habitable et, pour ainsi dire, inoccupé. Même arrivés sur terre, les Martiens restent invisibles car indescriptibles, et constituent par là un spectacle-limite :
« Et invisible pour moi, parce qu’elle était si petite et si éloignée, avançant plus rapidement et constamment à travers l’inimaginable distance, plus proche de minute en minute de tant de milliers de kilomètres, venait la Chose qu’ils nous envoyaient (came the Thing) » (I, 1, 412).
« Cependant, la plus étrange de toutes les choses qui, des espaces infinis, vinrent sur la terre, dut tomber pendant que j’étais assis là, visible si j’avais seulement levé les yeux au moment où elle passait. » (I, 2, 415.)
« La Chose elle-même gisait, presque entièrement enterrée dans le sable parmi les fragments épars des sapins » (ibid.).
« [Ogilvy] descendit dans le trou, tout près de la masse, pour voir la Chose plus attentivement. […] D’un seul coup, après un soudain bond de son esprit, il relia la Chose à l’explosion qu’il avait observée à la surface de Mars. » (I, 2, 416.)
« Il fut à ce moment absolument clair dans mon esprit que la Chose était venue de la planète Mars. » (I, 3, 419.)
Ogilvy a rencontré juste. Mais à peine la Chose est-elle identifiée à cet objet projectile venu de la planète Mars que s’ouvre l’espace d’invisibilité de son intérieur :
« Quelque chose dans le cylindre dévissait le sommet ! » (I, 2, 416.)
« Et il y a quelque chose à l’intérieur. » (I, 2, 417.)
« Mon esprit vagabonda à sa fantaisie autour des possibilités d’un manuscrit enfermé à l’intérieur et des difficultés que soulèverait sa traduction, ou bien de monnaies, de modèles ou de représentations diverses qu’il contiendrait et ainsi de suite. » (I, 3, 419.)
Nous sommes face à un cylindre creux venu d’ailleurs et nous ne savons pas ce qu’il contient : la création fictionnelle d’un espace d’invisibilité fournit la possibilité d’une accroche narrative ; y trouver des indices, les pièces, les fragments d’une histoire, la possibilité d’une aventure. Mais c’est là un leurre. Comme la scène de crime des premiers romans policiers, qui s’écrivent à la même époque, la Chose ne délivre rien à voir et la recherche d’indices est toujours déçue. L’espace d’invisibilité renferme la brutalité et la mort, en deçà des signes. Il résiste à sa propre théâtralisation :
« Quel malheur qu’ils se rendent si peu approchables dit [le voisin du narrateur]. Il est curieux de savoir comment on vit sur une autre planète : on pourrait en apprendre quelque chose. » (I, 9, 435.)
Et le narrateur d’insister :
« Les Martiens ne laissaient rien voir d’eux-mêmes. » (P. 437.)
En gros, la fiction imaginée par Wells se résume à cela : les Martiens occupent la terre sans qu’il y ait jamais de rencontre. Cette occupation est inexorable, nécessaire, non circonstancielle : elle ne relève pas d’une narration ; elle est une donnée constitutive de notre monde, du monde fictionnel supposé par Wells.
La fiction comme présupposé du récit : Burton et Kepler
Pour asseoir cette idée, Wells fait en effet précéder son récit d’une citation de l’Anatomie de la mélancolie de Burton :
« But who shall dwell in these Worlds, if they be inhabited ?… Are we or they Lords of the World ?… And how are all things made for man ? » (S 2, 2, 3, Air rectified)
Mais qui irait s’installer dans ces mondes, s’ils sont inhabités ?… Qui, d’eux ou de nous, sont les Seigneurs du Monde ?… Et pourquoi toutes choses seraient-elles faites pour l’homme ?
Burton développe (et décentre) un passage du Songe de Kepler :
« Quid igitur inquies, si sint in caelo plures globi, similes nostræ telluris, an cum illis certabimus, quis meliorem mundi plagam teneat ? » (éd. 1635, fol. 29.)
Que diras-tu donc s’il y a plusieurs planètes dans le ciel, semblables à notre terre ; engagerons-nous le combat contre eux, pour savoir qui doit occuper la meilleure région du monde ?
D’une certaine manière, l’ensemble du roman n’est que le développement, la métalepse de son exergue et du décentrement humaniste qu’elle contient, comme si Kepler et Burton donnaient la formule logique à laquelle se résume le monde fictionnel de Wells. Cette formule préexiste au roman, comme le roman préexiste à ses adaptations cinématographiques : logique ou visuelle, la fiction n’est pas ce que fabrique, produit la représentation, mais au contraire elle en constitue le pré-requis, et en fournit les conditions de possibilité.
Indubitablement, la stabilité, la consistance logique de ce prérequis pose problème : à y regarder de près, le monde de Wells, la méditation de Burton et le Songe de Kepler ne sont en rien équivalents. Chacun au contraire répond au précédent. Kepler ne parle pas en son nom propre, mais dialogue avec un interlocuteur fictif pour lui démontrer que, parmi l’infinie possibilité des mondes habitables, nous sommes en fin de compte logés à la meilleure des places, au plus près du soleil. Burton adopte plutôt, contre Kepler, le scepticisme de son contradicteur virtuel à l’égard de cet anthropocentrisme catholique. La formule But who shall dwell in these Worlds paraphrase le style de la prophétie d’Isaïe, And the Wolf shall dwell with the lamb (Isaïe, 11, 6), dont elle prend le contre-pied. Pour Wells de même l’agneau terrestre et le loup martien ne sauraient cohabiter, ni même se rencontrer.
Présenter l’exergue comme de Kepler cité par Burton, alors qu’il est de Burton critiquant Kepler, constitue un premier amalgame ; mais surtout, si Burton et Kepler envisagent une comparaison des mondes, Wells part de l’idée de leur incommensurabilité, et donc de l’impossibilité de leur rencontre : le titre de son livre, La Guerre des mondes, conserve la mémoire de ce prérequis fictionnel que le récit a modifié, et même en quelque sorte retourné contre lui-même : toute l’histoire tend à démontrer qu’entre des mondes incommensurables, il n’y a pas de guerre possible. La fiction de Wells consiste dans la déconstruction du certamen keplérien. Elle s’accomplit non dans la négation, mais dans la dissémination, la diffraction, la pulvérisation d’elle-même : pas de Guerre, mais une multitude de rencontres, ou plus exactement de chocs désordonnés, de contrecoups imprévus ; pas de pluralité des mondes, mais la projection brutale de notre monde faisant retour contre nous.
II. Structure de la rencontre
Quelque chose dans l’œuvre donc se retourne contre les données logiques et visuelles, contre le mécano imaginaire, le monde fictionnel qui l’a motivée. Ce retour est dialogique : le récit entre en dialogue avec la fiction qui le conditionne ; par ce dialogue, il construit son autonomie et se déploie lui-même comme structure imaginaire propre.
Le vecteur du retournement de la fiction, considérée comme monde préexistant, en structure du récit, introduisant un jeu dialogique avec ses conditions de possibilité, c’est l’imagination. Wells, puis Haskin, puis Spielberg, imaginent différemment un même (ou quasiment même) monde fictionnel. Il ne s’agit pas là simplement d’une différence subjective entre des univers artistiques personnalisés. Autant le dire tout de suite : en ce sens, l’imagination de nos créateurs est pauvre ; du roman à thèse au cinéma commercial, il n’y a guère de place pour une fantaisie imaginative originale. Si les choses sont imaginées différemment, c’est d’abord parce qu’il s’agit de les faire coïncider avec des structures différentes de la représentation, elles-mêmes conditionnées à la fois par la révolution technique des moyens et par les exigences idéologiques quant aux contenus de la représentation.
Le modèle des frères Lumières : rétro-projection
Lorsque Wells écrit La Guerre des mondes, en 1898, les frères Lumières viennent d’inventer le cinéma à Lyon (1895). On ne s’attardera pas ici sur le dispositif même de la projection cinématographique, mais plutôt sur le contenu de ce premiers courts-métrages qui firent le tour du monde, L’Arrivée d’un train à la Ciotat, La ville de Lyon, Une sortie d’usine à Lyon, L’Arroseur arrosé, La Mer.
Le train, le tramway, le bus à impériale, le cycliste viennent vers nous, se projettent à notre rencontre. Les vagues de la mer se précipitent sur nous. Le plan est fixe, les déplacements filés de la caméra sont rares : tout l’effet renversant tient dans cette projection inversée qui semble mettre en péril notre position de spectateurs. Fonçant sur nous, l’objet fait exploser le quatrième mur du spectacle théâtral ; il pulvérise l’écran scénique.
Cette pulvérisation est immédiatement et très matériellement visible : les ouvrières jaillissent des portes de l’usine, les passagers sortent en masse du train, le quai de la gare se peuple d’hommes affairés, les rails du tramway sont traversés de véhicules hétéroclites, les boules de neige explosent autour du cycliste, le jet d’eau du jardinier gicle. La surface de la représentation n’est plus focalisée : le mouvement apporte à l’image l’éparpillement, la circulation, la dissémination des objets. Dans Le Repas de bébé, la mère qui boit son café ne converge pas du regard vers l’enfant nourri pas son père, comme le ferait une scène équivalente de Greuze, par exemple Le Paralytique. Absorbée ou distraite, attentive et inattentive, elle défait la scène, elle l’emporte dans le rythme endiablé de la vie moderne.
Quoique Wells ne mentionne à aucun moment le cinéma dans La Guerre des mondes, nous retrouvons exactement ce dispositif de représentation. Ce ne sont pas des fusées, des vaisseaux spatiaux qui conduisent les Martiens sur la terre, mais des projectiles lancés au moyen d’un « immense canon, trou énorme creusé dans leur planète » (I, 1, 411) :
« … personne au monde ne songeait à ce projectile fatal. Cette même nuit, il y eut un autre jaillissement de gaz à la surface de la lointaine planète. Je le vis au moment même où le chronomètre marquait minuit : un éclair rougeâtre sur les bords, une très légère projection des contours. » (I, 1, 4133.)
Le projectile apparaît donc d’abord comme une légère diffraction lumineuse au fond du champ fixe du télescope braqué sur Mars pour accomplir sa projection vers nous et se matérialiser comme Chose habitée par le grouillement suractif des Martiens placés à l’intérieur. Comme dans les courts-métrages des frères Lumière, la projection est inversée, mettant en danger le sujet spectateur ; la Chose projetée ne vient pas s’inscrire dans le cadre fixe d’une scène, mais se dissémine et constitue l’espace de la représentation en soi, de son grouillement. Il ne s’agit pas tant ici de l’affairement incessant des Martiens que de la représentation que Wells donne des hommes : non-spectateurs, ils ne voient rien, ils manquent le spectacle pour vaquer à leurs occupations, pour pulluler à la manière des abeilles, des guêpes, des fourmis.
Deuxième caractéristique du modèle : saturation
On comprend l’effet fascinant que pouvaient produire, dans les courts-métrages des frères Lumière, ces projections de véhicules et de figures sur le spectateur confronté pour la première fois à des images animées. En revanche, l’insistance sur le grouillement des foules, la saturation de l’espace par l’activité des hommes ont un enjeu moins évident. Les figures viennent peu à peu occuper l’espace fixe que découpe l’objectif de la caméra : elles s’impriment sur cette surface qui pour l’œil est apparemment stable et immobile à la manière dont les taches sombres s’impriment progressivement sur le papier lors de l’impression photographique. Le film mime ainsi le processus de la fabrication indicielle des images.
La saturation des objets revient de façon obsédante dans La Guerre des mondes. Dès la première page, les hommes sont comparés à des « créatures transitoires qui pullulent et se multiplient dans une goutte d’eau » (I, 1, 409). Mais la description des campagnes ravagées par les Martiens procède du même principe de saturation lumineuse :
« Entre ces trois principaux centres de lumière, les maisons, le train et la contrée incendiée vers Chobham, s’étendaient les espaces irréguliers de campagne sombre interrompus ici et là par des intervalles de champs fumant et brûlant faiblement ; c’était un fort étrange spectacle, cette étendue noire, coupée de flammes, qui rappelait plus qu’autre chose les fourneaux des verreries dans la nuit. » (I, 11, 446.)
L’espace devient discontinu. Sur sa surface émergent des races : d’un côté, les centres de lumière, de l’autre, les traces noires et les zones d’ombre.
Le narrateur traverse ensuite des zones désertées, marquées par l’éparpillement des objets abandonnés :
« Pourtant, de place en place, quelque objet avait eu la chance d’échapper — ici un signal blanc sur la voie de chemin de fer, là, le bout d’une serre claire et fraîche au milieu des décombres. » (II, 11, 450.)
et plus loin :
« ici et là, des objets que les gens avaient laissés tomber — une pendule, une pantoufle, une cuiller d’argent et de pauvres choses précieuses de ce genre » (I, 12, 451).
Parallèlement, sur les routes de l’exode, le narrateur rencontre des convois surchargés d’objets :
« Ils surchargeaient une charrette à bras de ballots malpropres et d’un mobilier misérable » (II, 12, 453).
Un homme cherche à emporter « plus d’une vingtaine de pots contenant des orchidées » (II, 12, 454). Un couple paysans « avaient entassé », sur « une petite porte de cabane », « tout ce qu’ils avaient pu trouver d’objets domestiques » (II, 12, 455). Un autre homme transporte un sac de souverains d’or qui se déchire, les monnaies s’éparpillant dans la cohue de la route (II, 16, 490) : l’homme mourra broyé par une voiture en cherchant à récupérer son trésor. De lui ne reste alors qu’un « objet poussiéreux, noirâtre et immobile, écrasé et broyé sous les roues » (II, 16, 491).
L’éparpillement des figures et des objets est lié à une vision panoramique, dé-subjectivée, des choses. Wells ouvre son livre du point de vue de Mars : this world was beeing watched. Pendant la débâcle, il rêve d’un ballon dirigeable pour embrasser le fourmillement minuscule des « multitudes dispersées » (1, 17, 494) en fuite :
« Si par ce matin de juin, quelqu’un se fût trouvé dans un ballon au-dessus de Londres, au milieu du ciel flamboyant, toutes les routes qui vont vers le nord et vers l’est, et où aboutissent les enchevêtrements infinis des rues, eussent semblé pointillées de noir par les innombrables fugitifs. » (I, 17, 492.)
Sur mer, c’est le même éparpillement des embarcations fuyant vers la France, « une multitude dense d’embarcations trafiquant avec les gens du rivage et s’étendant jusqu’à Maldon » (I, 17, 495) ; « La flotte des fuyards s’éparpillait vers le nord-est » (I, 17, 499).
La dissémination généralisée des objets déconstruit visuellement la rencontre ; la rencontre suppose, sémiologiquement, le jeu différentiel du trait ; la rencontre dessine les contours d’une démarcation ; elle théâtralise une frontière qui s’abolit. La rencontre est affaire de plume et de dessin. À ce trait différentiel, à cette coupure sémiotique, la surface indicielle photographique oppose la multitude volontairement indiscernable des points dans lesquels toute ligne, toute différence se dissout en polarités indécises, en circulations hésitantes, en encombrements mobiles et surcharges précaires.La masse de la foule, les chemins de la débâcle, la vue aérienne, remplacent alors la singularité du face à face, les limites de la scène et la sécurité du regard embusqué.
Le Rayon Ardent
Mais il ne suffisait pas à Wells d’imaginer l’invasion et la débâcle ; il lui fallait également imaginer les moyens de la supériorité martienne : Wells dote les envahisseurs de deux armes hautement significatives, le Rayon Ardent (the Heat Ray) et la Fumée Noire (Black smoke). Le Rayon Ardent apparaît très tôt dans le récit, comme réponse à l’ambassade des trois audacieux curieux auprès du premier cylindre :
« Tout à coup, il y eut un soudain jet de lumière (a flash of light), et une fumée grisâtre et lumineuse sortit du trou en trois bouffées distinctes, qui, l’une après l’autre, montèrent se perdre dans l’air tranquille.
Cette fumée — il serait peut-être plus exact de dire cette flamme — était si brillante que le ciel, d’un bleu profond au dessus de nos têtes, et que la lande, sombre et brumeuse avec ses bouquets de pin du côté de Chertsey, parurent s’obscurcir brusquement quand ces bouffées s’élevèrent, et rester plus sombre après leur disparition. » (I, 5, 425.)
Le Rayon ardent est décrit comme une sorte de lance flammes, au jet, aux bouffées saccadées. Mais Wells insiste sur le flash lumineux : flash of light, their faces flashed (les visages des trois aventureux furent illuminés), as if some invisible jet… flashed into white flame (comme si quelque invisible jet… s’illuminait en flamme blanche) ; a… blinding flash of light (un aveuglant flash de lumière) ; I saw the flashes of trees and hedges… suddenly set alight (je voyais les lueurs des arbres et des haies brutalement illuminés) ; the flashing bushes it touched (les buissons qu’il embrasait de sa lumière) ; dumbfounded and dazzled by the flashes of light (j’étais tétanisé et ébloui par les jets de lumière).
La traduction française dissout l’implacable logique imaginaire de ces flashes lumineux.C’est en 1850 qu’on invente le flash photographique, dont l’intense lumière est produite par la combustion de fils de magnésium et s’accompagne, comme ce que Wells décrit de son Heat Ray, d’une abondante fumée blanche. L’invention est perfectionnée en 1887 par la poudre éclair d’Adolf Mieetke et de Johannes Gaedicke.
Mais dans le même temps un Allemand, Wilhelm Röntgen, découvre les rayons X, X-Rays, dont la lumière est capable de traverser les corps opaques et de faire apparaître les os : son article « Sur une nouvelle sorte de rayonnement » paru à Würzburg en décembre 1895 fait le tour de l’Europe.
Le Rayon Ardent combine imaginairement l’illumination du flash, sa projection lumineuse brutale et l’effet disséminant du rayon X. Nous retrouvons le double mouvement du modèle cinématographique.
La Fumée Noire
Mais Wells n’exploite pas outre mesure les possibilités fictionnelles du Rayon Ardent. Il s’attarde beaucoup plus longuement sur la Fumée Noire. L’invention des gaz de combat n’était pas encore effective, mais elle était à l’ordre du jour, comme en témoigne la Déclaration de La Haye, en 1899, par laquelle les signataires s’interdisaient d’utiliser des projectiles diffusant des gaz asphyxiants ou délétères. Lorsque, contournant la déclaration qu’ils avaient signée, les Allemands employèrent en 1915 ces gaz dans les tranchées, ils les diffusèrent au moyen de cylindres à chlore. Or ce sont des cylindres que Wells imagine comme projectiles martiens.
Mais la Fumée Noire renvoie également aux brouillards de pollution qui baignaient perpétuellement la ville de Londres à cette époque.
Les tripodes
Troisième invention de Wells, les tripodes construits par les Martiens appesantis par la gravité terrestre pour se déplacer avec aisance et rapidité, installés dans des coques invulnérables. Les tripodes, comme l’a montré Alfred Mac Adam, font écho à la vogue anglaise du vélo, que Wells, laid et malingre, venait de réussir à apprivoiser…
Tous ces éléments imaginaires, les cylindres projectiles, le Rayon Ardent, la Fumée Noire, les tripodes, n’appartenaient pas aux données préexistantes de la fiction. Nous avons tenté de montrer qu’ils définissaient à leur tour une logique structurale du récit, ordonné sémiologiquement selon une polarité (rétro-)projection/dissémination qui articule l’impossibilité fictionnelle de la rencontre aux données médiologiques et idéologiques du monde de Wells.
Cette logique structurale entre dans un jeu dialogique avec le monde fictionnel dont elle est issue et le transforme dialectiquement : le combat des mondes, le décentrement de l’humanité dans l’univers persistent comme cadre fictionnel prestigieux, comme référence révérencieuse à la tradition culturelle humaniste, mais ne constituent plus les données essentielles de la fiction. Le Rayon Ardent, simple accessoire dans le récit de Wells, va devenir au cinéma le cœur horrifiant de la fiction. Peu importent désormais les mondes, ni même la position de l’homme. C’est par rapport à lui-même que l’homme se décentre, bien plus que par rapport à d’autres créatures. Wells initie cette transformation en suggérant que les Martiens ne sont que des humains plus avancés dans l’évolution, et donc plus proches de la fin :
« Nous autres humains, avec nos cycles et nos patins de route, avec les machines volantes Lilienthal, avec nos bâtons et nos canons, ne sommes encore qu’au début de l’évolution au terme de laquelle les Martiens sont parvenus. En réalité, ils se sont transformés en simples cerveaux, revêtant des corps divers suivant leurs besoins différents, de la même façon que nous revêtons nos divers costumes et prenons une bicyclette pour une course pressée ou un parapluie s’il pleut. » (II, 2, 514.)
On retrouve ici la structure imaginaire de la projection renversée : les Martiens, ces hommes sur-évolués, se projettent sur nous, leur origine, et se disséminent dans la multiplicité suractive de leurs vêtements technologiques. Il n’y a plus des mais un seul monde, projeté sur lui-même, écrasé dans sa propre rencontre.
III. La rencontre en route : restauration narrative
La boucle narrative
Pourtant, si la macrostructure de la rencontre s’effondre sur elle-même dans La Guerre des mondes, elle ressurgit à la base discursive du récit, aux points nodaux des accroches narratives. Sur la route de leur fuite, les protagonistes font de multiples rencontres qui rythment le récit : rencontre du narrateur avec l’artilleur (I, 11, 447) puis avec le vicaire (qu’il tue ; I, 13, 462), puis à nouveau avec l’artilleur ; rencontre du frère du narrateur avec les deux dames en voiture, qu’il sauve des brigands dans la grande tradition picaresque. Toutes ces péripéties sont elles-mêmes enchâssées dans la trajectoire circulaire du narrateur, qui part de chez lui à Woking avec sa femme, la quitte à Leatherhead (I, 10, 440) pour la retrouver à Woking à la fin de la narration (II, 9, 556), de sorte que sur le plan narratif le roman se résume à une séparation et à des retrouvailles conjugales, dont la dernière phrase donne froidement le substrat :
« Et le plus étrange de tout, ecore, est de penser, tandis que je tiens à nouveau sa main dans la mienne, que j’ai compté ma femme et qu’elle m’a compté parmi les morts. » (II, 10, 559.)
Or ce cercle narratif, qui circonscrit les rencontres les plus excentriques, ne s’exporte nullement dans les deux adaptations cinématographiques de 1952 et de 2005. Chez Haskin, les héros sont un jeune couple qui se forme à l’épreuve des événements et se scelle à l’issue du drame, selon le canevas imposé de la comédie américaine d’après-guerre. Le docteur Clayton Forester épousera donc la fille du vicaire, lequel, convenances obligent, connaît une mort banalement pathétique sans rapport avec la farce misérable que lui avait destiné Wells.
La narration de 1952 n’en demeure pas moins une rencontre, dont la fonction de bouclage du récit est identique. Chez Spielberg, Ray, le père divorcé (qui porte donc le nom du rayon auquel il s’agira d’échapper), doit garder durant un week-end ses deux enfants révoltés. Le temps de ce week-end est donc à la fois, sur le plan fictionnel, le temps de l’invasion extra-terrestre et, sur le plan narratif, le temps de la séparation entre les enfants et leur mère, qu’il s’agira de retrouver à l’issue de l’aventure. Le principe est toujours celui d’un cercle narratif qui boucle et circonscrit l’explosion fictionnelle. Mais l’enjeu de la rencontre a encore changé : ni séparation conjugale, ni rencontre amoureuse, l’histoire porte cette fois l’angoisse des familles décomposées, identifiée à un cataclysme exra-terrestre.
Si formellement, sur le plan narratif, la rencontre opère toujours le même bouclage, la boucle narrative est elle-même contrainte et informée par les structures idéologiques du récit, qui conditionnent son contenu.
Autonomie fictionnelle
Les trois versions de La Guerre des mondes que nous avons mises en série avec leur origine humaniste (Kepler et Burton) permettent de distinguer trois niveaux dans le dispositif de récit mis en œuvre à chaque fois de façon différente, quoique sur une base fictionnelle commune.
Le niveau de la fiction est le niveau le plus stable du dispositif, car la fiction préexiste au texte et lui en fournit les données constitutives. La fiction est ici envisagée par différence avec la narration, c’est-à-dire non comme le déroulement de l’histoire qu’on raconte, mais comme le monde dans lequel cette histoire s’inscrit. Le monde préexiste logiquement à l’histoire, et c’est pourquoi la fiction préexiste structurellement à la narration. Le monde fictionnel semble fournir les données atemporelles, mythiques du récit : dans La Guerre des mondes, ce monde est partiellement identifié à l’autre monde, des Martiens, aux « mondes plus anciens » (I, 1, 409) qui nous observent. Ce monde de la fiction ne peut rencontrer le monde réel : il lui est incommensurable.
Le récit est un dispositif de représentation. Il n’est pas directement en prise avec le réel, mais il mime cette prise au moyen d’un artefact fictionnel : c’est pourquoi tout dispositif de représentation est autoréflexif, c’est-à-dire qu’à la fois il donne une représentation (il raconte une histoire, dévoile un monde) et il représente cette représentation (il montre le chemin, les moyens de cette représentation). En un sens, tout dispositif de représentation est un méta-dispositif.
Cette autoréflexivité ne se manifeste pas comme une règle générique, ne s’impose pas comme un mode d’emploi ; elle exerce plutôt une pression sur le récit, dont elle infléchit, informe le contenu. La forme du dispositif de récit tend à se réfléchir dans le contenu de la fiction : c’est ainsi que La Guerre des mondes, donnée a priori comme histoire d’une rencontre entre deux mondes, se retourne chez Wells en démonstration de l’impossibilité de quelque rencontre que ce soit entre des mondes incommensurables. Ce qui est signifié par là du point de vue de la représentation, c’est non seulement la vieille incommensurabilité du réel (l’humanité) et de sa représentation (les Martiens, métaphores de l’humanité), mais surtout l’écrasante supériorité de la fiction, sa froide autonomie hégémonique, qui succède à l’insularité classique des mondes fictionnels, retranchés, mais cartographiables, susceptibles d’être décrits.
Cette autonomie hégémonique, cette incommensurabilité se manifestent par la présence de la Chose, présence écrasante et hors langage, espace d’invisibilité inaccessible au regard. La Chose est un trou dans la représentation, une dépression du réel par quoi se manifeste la fiction. Le développement de l’Herbe Rouge amenée par les Martiens sur Terre figure cette dépression : l’Herbe Rouge ne substitue pas un écosystème à un autre ; elle ne prolifère que pour mourir ; sa luxuriance, nouvelle expression de la dissémination qui structure l’espace de la représentation, se retourne bientôt en dépérissement :
« Finalement, l’Herbe Rouge succomba presque aussi rapidement qu’elle avait crû. Bientôt une sorte de maladie infectieuse, due, croit-on, à l’action de certaines bactéries, s’empara de ces végétations. […] l’Herbe Rouge tomba en putréfaction comme une chose déjà morte. Les tiges blanchirent, se flétrirent et devinrent très cassantes. Au moindre contact, elles se rompaient et les eaux, qui avaient favorisé et stimulé leur développement, emportèrent jusqu’à la mer leurs derniers vestiges. » (II, 6, 528.)
A l’invasion végétale succède l’effritement : cette dissémination généralisée ne relève pas tant d’un imaginaire fictionnel que d’une nouvelle organisation, ou plutôt occupation de l’espace de la représentation, qui n’est plus euclidienne/géométrale. L’espace est marqué indiciellement, et de façon discontinue, sur le modèle technique de la révélation photographique, sur le modèle quantique du jet de particules, sur le modèle politique de la société de masse.
Structure du récit
La fiction est un monde antérieur, atemporel, toujours déjà là ; séparée du réel, détachée de l’histoire en marche et des contingences sociopolitiques du moment, elle est pourtant indirectement, mais profondément conditionnée par elles : la Fumée Noire des Martiens de Wells figure le smog de la révolution industrielle anglaise ; le film de Haskin commence par les images d’archives de la seconde guerre mondiale et met en œuvre (inutilement, bien sûr) la bombe atomique contre les Martiens ; Spielberg ouvre les hostilités avec une panne générale de l’allumage des voitures, dont les circuits intégrés ne résistent pas aux orages magnétiques provoqués par les extra-terrestres.
Il est clair cependant que ces éléments du récit ne relèvent ni du monde fictionnel proprement dit (ce sont déjà des événements, des contingences, un déroulement de faits), ni du circuit narratif qui traverse ce monde (le narrateur retrouve sa femme, le docteur épouse la jeune fille, le père ramène ses enfants à leur mère). Ils constituent un niveau intermédiaire, qui déjà décrit un monde, mais relève encore de la contingence événementielle.
Historicisés, idéologisés, ils forment l’articulation structurale du dispositif de récit. Le niveau structural se reconnaît à son organisation polaire : il définit une sémiotique du récit, ou en quelque sorte une ossature. A la Fumée Noire des Martiens de Wells s’oppose la pollution des humains, qu’elle figure pourtant en miroir ; au rayon dématérialisant des soucoupes volantes de Haskin s’oppose le feu nucléaire de l’armée américaine, que, d’une autre manière, il représente jusque dans son inefficacité ; à l’ingestion cannibale des humains par les tripodes de Spielberg s’oppose la consommation abjecte de la nourriture par Ray et par ses enfants, mais ici aussi celle-ci représente celle-là. Par ces polarités le récit s’appuie sur la structure même de la société qu’il entend représenter : cette structure est d’une part fictionalisée (constituant un monde), d’autre part narrativisée (déroulant une histoire). L’articulation de ces trois niveaux constitue le dispositif de récit.
Notes
Les références (partie, chapitre, page) sont données dans l’édition de Francis Lacassin, Les Chefs-d’œuvre de H. G. Wells, traduction de La Guerre des mondes par Henry D. Davray, Omnibus, 2007.
« as men busied themselves about their various concerns, they were scrutinised and studied, perhaps almost as narrowly as a a man with a microscope might scrutinise the transient creatures that swarm and multiply in a drop of water » (p. 9).
Les références en anglais sont données d’après l’édition d’Alfred Mac Adam, Barnes & Noble Classics, New York, 2004.
Autre projectile, le Fulgurant, cuirassé britannique fonçant sur les tripodes au chapitre XVII (p. 498).
Référence de l'article
Stéphane Lojkine, « La Guerre des mondes, la rencontre impossible », Journée La rencontre des mondes, dir. J. P. Dubost, Clermont-Ferrand, 16 mai 2008.
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