L’écran est l’élément central du dispositif scénique, dont il règle à la fois l’ordonnance matérielle (la répartition des personnages dans l’espace) et le jeu symbolique (l’interdit que la scène transgresse, la subversion qu’elle opère, le scandale qu’elle produit).
Piero della Francesca, La Flagellation du Christ
La disposition par compartiments caractéristique des dispositifs narratifs gothiques est ici encore visible. Mais l'espace s'unifie : on va vers un système séparant d'un côté les spectateurs, de l'autre les acteurs de ce qui devient une scène. L'ancien compartiment (colonnes, ligne blanche au sol) devient alors écran délimitant la représentation proprement dite.
Historiquement, l’écran a changé de nature : il n’apparaît pas avant la Renaissance car il est lié à l’invention de la perspective linéaire. Le chevalier de Jaucourt commence en effet ainsi l’article PERSPECTIVE de l’Encyclopédie : « c’est l’art de représenter sur une surface plane les objets visibles tels qu’ils paroissent à une distance ou à une hauteur donnée à-travers un plan transparent, placé perpendiculairement à l’horison entre l’œil & l’objet. » Dans sa défintion la plus stricte, l’écran est ce plan transparent. Mais on remarque que cette construction est elle-même mise en abyme et thématisée dans la peinture : l’écran devient alors ce qui s’interpose entre l’espace vague et l’espace restreint de la scène.
À partir de la deuxième moitié du dix-huitième siècle, cet écran-coupure est progressivement remplacé par un écran sensible qui ne délimite plus un espace restreint mais enveloppe le ou les personnages de la scène : à la thématique du rideau succède celle du voile.
Au dix-neuvième siècle, l’écran s’impose peu à peu comme surface de projection. Il constitue lui-même une scène de devant (ou scène-écran) où se montrent les indices de ce qui se trame derrière (ou s’est tramé avant), dans l’autre scène qui demeure irreprésentable.
Dans la deuxième moitié du vingtième siècle, la télévision introduit encore un nouveau modèle d’écran. L’écran devient un objet, une image-écran autour de laquelle on peut tourner.
Quelle que soit sa nature, l’écran assure cependant la même fonction : il met en œuvre, dans la scène, un dédoublement, à la fois spatial et symbolique.
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