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Résumé

L’article rappelle quelques définitions de termes courants dans les études numismatiques. Il expose ensuite des principes méthodologiques pour aborder l’iconographie des monnaies grecques ou romaines, avant de proposer deux exemples d’analyses de monnaies romaines, l’une du IIIe s. av. J.-C., l’autre de l’époque augustéenne.

The article reviews a few definitions of terms commonly used in numismatic studies. It then outlines methodological principles for approaching the iconography of Greek and Roman coins, before proposing two examples of Roman coin analysis, one from the 3rd century BC, the other from the Augustan period.

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Références de l’article

Guillaume de Méritens de Villeneuve, , mis en ligne le 30/08/2024, URL : https://utpictura18.univ-amu.fr/rubriques/ressources/images-antiques/etudier-liconographie-monetaire-antique

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Ressources externes

Pourquoi l’iconographie monétaire nécessite-t-elle une approche spécifique ?

Reconnaître une image monétaire n’implique pas que l’on comprenne immédiatement sa signification. Pour en retrouver le sens, un important travail de déchiffrement est nécessaire, comme s’il s’agissait d’une écriture dont on aurait perdu la connaissance. Il est donc indispensable, dans un premier temps, d’étudier les images sur les monnaies, grecques ou romaines, dans une perspective herméneutique et non plus comme une simple illustration des sources littéraires. La confrontation avec les autres sources, notamment littéraire, dans un deuxième temps, prend alors tout son sens. L’iconographie monétaire est par exemple une source pour étudier la vie politique, car les monnaies font référence à la carrière politique de certains personnages, mais aussi la religion, car les dieux sont représentés et nommés sur les monnaies.

Avant toute chose, rappelons quelques définitions. Les deux faces de la monnaie sont appelées le droit et le revers. Sur chaque face figure un type monétaire, c’est-à-dire l’ensemble des symboles et des légendes (en latin ou en grec). L’émission monétaire est l’ensemble des monnaies ayant une même dénomination (aureus, denier, quinaire, sesterce, etc…) et un même type. La série monétaire est l’ensemble des émissions frappées par une même autorité émettrice. Plusieurs séries frappées par le même imperator forment son monnayage.

Comment envisager l’étude de l’iconographie monétaire ?

L’analyse iconographique permet enfin de restituer le discours d’une série monétaire, c’est-à-dire de saisir la « rhétorique de l’image »1. Faire émerger la structure discursive de l’image implique qu’on réduise le discours des monnaies à ses plus petites unités de langage que sont les symboles. Lorsque tous les symboles ont été décodés, il s’agit de comprendre comment ils s’agencent sur la face d’une monnaie afin de créer une image cohérente, un type monétaire, de la même façon que les morphèmes se combinent pour former des mots. La signification du symbole est liée à l’ensemble dans lequel il s’insère (le type) et ne peut être compris qu’au sein de celui-ci. Les deux types monétaires, du droit et du revers, dialoguent et contribuent à la création d’une structure plus large, assimilable à une phrase. La frappe de plusieurs types par une même autorité émettrice crée un véritable discours qui dépasse le seul message lisible sur chaque pièce.

Afin de ne pas détourner la signification d’une image, il faut la replacer dans son contexte de production et décentrer notre regard, pour essayer d’adopter celui d’un contemporain des émissions. Du point de vue de la démarche anthropologique, cela revient à adopter une approche émique2 du document : le niveau d’analyse étique fait intervenir des concepts considérés universels, introduits de l’extérieur de la culture considérée et issus de l’héritage intellectuel de l’observateur, tandis que le niveau d’analyse émique met plutôt l’accent sur les manières de connaître et de représenter le monde de ceux qui font partie de la culture étudiée. Cela implique de mieux cerner les contextes dans lesquels les images sont produites : géographique, culturel ou politique. Le contexte géographique est en effet primordial pour mettre en relation l’émission monétaire avec les autres discours produits dans la même région, voire avec d’autres types de sources. Ainsi, l’origine de l’image du mystérieux génie de la terre d’Afrique qui apparaît sur les monnaies de Metellus Scipion en 47-46 ne doit pas être cherchée dans le registre numismatique, mais statuaire (fig. 1). Il s’agit en effet de la déesse Tanit, suivant un type similaire à celui de la statue provenant du sanctuaire de Thinissut, en Tunisie, aujourd’hui conservée au musée du Bardo. Les références à l’Afrique dans le monnayage de Metellus Scipion mettent en lumière l’attention accordée au territoire dans le discours de légitimation de l’imperator.

Fig. 1. Denier frappé par Metellus Scipion en Afrique en 47-46 av. J.-C. (RRC 460/4).

Comment décrire et commenter une monnaie ?

La description d’une image doit être organisée afin de bien examiner tous les éléments qui la composent. Généralement, on décrit d’abord le symbole central, en précisant son orientation (à gauche, à droite, de face), puis on mentionne les différents éléments qui l’entourent en indiquant leur position par rapport au symbole central (devant, derrière, au-dessus et au-dessous). La précision « grènetis » désigne les points continus qui entourent le type monétaire.

Afin de commenter l’image avec justesse, il convient de mettre en évidence la signification du droit, puis du revers, avant de synthétiser le message général de la monnaie. Le document peut ensuite être mis en relation avec d’autres types de sources.

Rome du mythe à l'histoire

Ce didrachme, frappé entre 269 et 266 av. J.-C., (fig. 2) peut permettre de traiter le mythe de fondation de Rome et l’histoire de Rémus et Romulus dans le contexte des guerres de Rome en Italie.

Fig. 2. Didrachme frappé entre 269 et 266 av. J.-C. (RRC 20/1).

Descriptions :

Droit : Tête d’Hercule à droite, les cheveux attachés par un ruban, la massue et la peau de lion sur l’épaule. Grènetis.

Revers : Louve à droite, allaitant les jumeaux ; au-dessous, ROMANO.

Commentaire :

La tête d’Hercule au droit peut être identifiée grâce à la présence de la massue. Au revers, on observe une louve allaitant deux enfants : il s’agit évidemment de Rémus et de Romulus. La légende ROMANO(rum), au génitif pluriel, rappelle l’autorité émettrice : la monnaie « des Romains ». En représentant Hercule, la monnaie met en relation les exploits du héros et les victoires de Rome dans la conquête de l’Italie (prise de Tarente en 272), tout en montrant, par l’évocation des origines de l’Vrbs, que cette domination est le fruit de son histoire et de son destin.

Pour un cours de latin, on pourra mobiliser notamment en parallèle le chapitre I, 4, 1-9 de Tite-Live.

Une monnaie pour évoquer le principat d’Auguste et la naissance de l’empire romain

Cette monnaie (fig. 3) permet d’évoquer le principat d’Auguste et la victoire contre Marc-Antoine et Cléopâtre lors de la campagne d’Actium. Le document montre également comment se construit la représentation d’un territoire, à travers l’image du crocodile d’Égypte.

Fig. 3. Denier frappé en 28 av. J.-C. (RIC I² Augustus 545)

Descriptions :

Droit : Tête nue d’Augustus à droite ; autour, CAESAR DIVI F COS VI. Grènetis.

Revers : Crocodile à droite ; au-dessus, AEGVPTO ; au-dessous, CAPTA. Grènetis.

Commentaire :

Au droit, on sait que le portrait masculin est celui d’Auguste grâce à la légende. César, son père adoptif, avait été le premier homme à recevoir le droit de représenter son portrait sur une monnaie de son vivant. Auparavant, seule la tête des dieux figurait sur les monnaies. Ce changement s’explique par le développement de la personnalisation du pouvoir lors de la crise de la République. Auguste se présente comme CAESAR DIVI F(ilius) CO(n)S(ul) VI, c’est-à-dire, comme « César, fils du Divin, consul six fois ». Auguste était le fils adoptif de Jules César et il avait pris son nom : il se nomme donc lui aussi César jusqu’en 27, date à laquelle il reçoit le nom d’Auguste, Augustus en latin, qui signifie « le plus illustre ». La mention « fils du Divin » rappelle la divinisation de César après sa mort, ce qui est une source de prestige pour Auguste. Enfin, il indique avoir été consul six fois. Le consulat est la plus haute magistrature ordinaire sous la République. L’exercice du consulat à six reprises, de 28 à 23 av. J.-C. est extrêmement prestigieux et constitue l’un des fondements du pouvoir d’Auguste au début de son règne.

Au revers, le crocodile est accompagné de la légende AEGVPTO CAPTA, signifiant « l’Égypte prise ». Il s’agit d’une référence à l’annexion de ce territoire, en août 30 av. J.-C., quelques mois après la victoire d’Auguste à Actium, contre Marc Antoine et Cléopâtre. En comparaison, dans les Res Gestae Diui Augusti, le testament politique d’Auguste, la prise de l’Égypte est évoquée en ces termes : Aegyptum imperio populi Romani adieci (« J’ai ajouté l’Égypte à l’empire du Peuple romain »3). La monnaie et l’inscription célèbrent donc, dans un même temps, la victoire d’Auguste et la domination romaine. Le crocodile, comme l’hippopotame, est un animal emblématique des paysages nilotiques, sur les mosaïques notamment. Entouré de la légende AEGVPTO CAPTA, le crocodile symbolise l’Égypte vaincue.

Pour aller plus loin 

Émilie Rouger (Collège Benjamin Malossane, Saint-Jean-en-Royans) propose des pistes d’utilisation pédagogique de cet article sur le site Imago : https://imago-latin.fr/questions-d-images/images-antiques/etudier-liconographie-monetaire/.

AMANDRY Michel (dir.), La monnaie antique, Paris, Ellipses, 2017.

Autres exemples de monnaies antiques analysées en lien avec un cours de latin sur les vertus dans la Rome républicaine : https://imago.langues-anciennes.be/secondaire/vie-politique/republique/monnaies-et-valeurs-politiques-romaines/.

 

Notes

1

R. Barthes, « Rhétorique de l’image », Recherches Sémiologiques, 4, 1964, p. 40-51.

2

K.L. Pike, Language in relation to a unified theory of the structure of human behaviour, Glendale, 1954.

3

Res Gestae Diui Augusti, traduction de J. Scheid, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 2007.

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