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Résumé

L’article appelle à différencier les versions écrites des mythes de leurs représentations figurées. Les artisans/artistes de l’Antiquité ne travaillent pas à « illustrer » des récits écrits mais se fondent avant tout sur des récits oraux et des modèles iconographiques antérieurs. Il en résulte une grande fixité dans les scènes représentées et l’existence de « schémas iconographiques », qui méritent d’être étudiés en confrontant toutes les scènes d’un même thème, quel que soit le support utilisé, dans la mesure où ces schémas se transmettent d’un support iconographique à un autre. Ariane endormie et Séléné rejoignant Endymion endormi sont données en exemple.

The article calls for a distinction to be made between written versions of myths and their figurative representations. The craftsmen/artists of antiquity did not work to "illustrate" written narratives, but relied above all on oral accounts and earlier iconographic models. The result is great fixity in the scenes depicted and the existence of "iconographic patterns", which deserve to be studied by comparing all scenes on the same theme, whatever the medium used, insofar as these patterns are transmitted from one iconographic medium to another. Sleeping Ariadne and Selene joining sleeping Endymion are two examples.

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Références de l’article

Alexandra Dardenay,

Mythes et iconographie dans l’Antiquité

, mis en ligne le 30/08/2024, URL : https://utpictura18.univ-amu.fr/rubriques/ressources/images-antiques/mythes-iconographie-dans-lantiquite

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Ressources externes

Mythes et iconographie dans l’Antiquité

Dans les mondes grecs et romains, les mythes se diffusent sous différentes formes, les principales étant des récits – oraux ou écrits – et des images. Si la transmission orale des mythes était, de toute évidence, le mode de diffusion le plus usité et le plus dynamique, elle n’a laissé aucune trace matérielle. Notre connaissance des mythes grecs et romains se fonde donc essentiellement sur les quelques traces écrites et iconographiques qui ont subsisté. Mais tous ces documents ne sont pas à mettre sur le même plan et il convient d’être prudent lors de leur association, car textes et images relèvent de mode de communication fondamentalement différents. Ainsi les images ne sont pas (sauf exception) des illustrations des textes : elles constituent un langage à part entière, fondé sur ses propres codes, son propre vocabulaire, sa propre syntaxe.

Les néophytes sont souvent troublés par la profusion des versions d’un mythe transmises par les sources écrites, et par les sources iconographiques. Ces divergences sont souvent de détail (le nom d’une nymphe pourchassée par Apollon dans un texte ; les personnages qui assistent à la découverte d’Ariane par Dionysos à Naxos dans la peinture pompéienne (fig. 1) mais touchent parfois à l’essentiel d’un cycle de légendes.

Fig. 1. Bacchus découvre Ariane à Naxos. Peinture provenant de Pompéi. Vers 70 ap. J.-C.

On pense ici, par exemple, aux nombreuses légendes sur la fondation de Rome qui ont circulé dans le bassin méditerranéen entre le IVe et le Ier siècle avant J.-C. et qui attribuaient la fondation de Rome tantôt au Troyen Énée, tantôt à Romulus, voire à d’autre figures mythologiques. Toutes ces versions – que certains auteurs « rationalistes » du tournant de notre ère ont tenté de faire converger en un récit « canonique » – sont la marque de traditions variées, transmises par voie orale. Les textes et les images qui nous sont conservés gardent les traces de ces variations. Ceci explique pourquoi il n’est pas toujours possible de faire converger parfaitement les sources écrites et les sources iconographiques en un récit univoque.

À ceci s’ajoute le caractère très spécifique du langage iconographique. Ainsi que nous le disions en préambule, les images ne sont pas, dans l’Antiquité, des illustrations de textes. Ce n’est pas ainsi que les artisans travaillaient (à l’exception, peut-être, de ceux qui illustraient les manuscrits). Peintres, mosaïstes, sculpteurs et autres imagiers ne consultaient pas des versions écrites des mythes avant de se mettre à l’ouvrage. En revanche, il est probable qu’ils aient pu être influencés par des versions des mythes qu’ils avaient entendu réciter le soir au coin du feu, ou entendu mentionner au cours de leur vie. Les images étaient donc créées par des artisans, peintres, sculpteurs, sans doute, à l’origine, à partir de versions orales des mythes et ensuite transmises de maître à élève au cours de processus d’apprentissages.

La longue formation professionnelle des apprentis jouait de toute évidence un rôle central dans la transmission des schémas iconographiques. On suppose aussi que les chefs-d’œuvre des grands artistes de la peinture et de la sculpture grecque – notamment ceux de l’âge classique des Ve-IVe siècle av. J.-C. – ont fortement influencé la production artisanale, par des processus de copies plus ou moins exactes de ces grandes œuvres.

Dans la peinture pompéienne (donc dans l’art romain du Ier siècle de notre ère) on observe des modes de composition des tableaux mythologiques qui nous aident à mieux comprendre le processus de réalisation des images mythologiques. En premier lieu, on remarque que les thèmes mythologiques représentés se limitent presque toujours aux mêmes épisodes d’un thème mythologique ou d’un cycle de légende. Par exemple pour le cycle Crétois (c’est-à-dire toute les légendes des aventures d’Ariane, Thésée, le Minotaure, etc.), les épisodes figurant dans la peinture pompéienne (et plus largement dans l’art romain en général) sont quasi exclusivement réduits à trois images : la présentation du taureau de bois construit par Dédale pour Pasiphaé, l’abandon d’Ariane à Naxos par Thésée et enfin la découverte de la jeune femme par Dionysos sur la plage où elle avait été abandonnée (fig. 1). Trois principaux thèmes iconographiques, donc, sont essentiellement représentés pour un cycle de récits mythologique extrêmement riche, complexe et aux versions variées.

La même observation pourrait être faite pour la plupart des liens attestés entre mythes en iconographie. Ce qui implique qu’il existait dans les mondes grecs et romains une « tradition iconographique », transmise d’une génération d’artistes/artisans à l’autre, où la manifestation des mythes se cristallisait sur un nombre réduit d’images inlassablement reproduites. On appelle « schéma iconographique » les compositions très stéréotypées qui ont résulté de cette répétition des images. Une autre caractéristique essentielle des images mythologiques est qu’elle se transmette d’un support iconographique à l’autre, de la peinture à la mosaïque, du relief sculpté à la céramique, de la ronde-bosse à la monnaie et ainsi de suite. Ainsi l’image de l’abandon d’Ariane à Naxos par Thésée et de celle de sa découverte par Dionysos au même endroit font-elle l’objet d’une diffusion dynamique et permanente depuis l’image sur les vases grecs d’époque classique (fig. 2) jusqu’à la fin de l’époque romaine, sans que les schémas iconographiques de ces scènes ne varient beaucoup, si ce n’est sur des éléments secondaires.

Fig. 2. Stamnos (vase grec), Italie du Sud. Vers 400 av. J.-C.

Bien entendu, il reste malgré tout pertinent de rapprocher textes et image d’un mythe. Cette démarche permet souvent d’interpréter des images – qui sans l’éclairage d’un texte resteraient obscures – de les associer à un récit mythologique ou au moins à un corpus de récits. Ainsi l’image de Séléné rejoignant le berger Endymion endormi (fig. 3) – dont les représentations font écho à celles de la figure d’Ariane (fig. 1 et 2) – s’éclairent grâce à la lecture de sources littéraires (et notamment Ovide et Fulgence). Car sans ces sources, nous pourrions identifier Séléné grâce à ses attributs, mais pas nommer le jeune homme endormi.

Fig. 3. Séléné et le berger Endymion endormi. Peinture provenant d’Herculanum. Vers 70 ap. J.-C.

Par ailleurs, il est surtout indispensable de rapprocher les images d’un même épisode mythologique figurant sur des supports iconographiques variés. Elles permettent en effet de comprendre les processus de diffusion des mythes à travers le temps (du monde grec au monde romain) et l’espace (à travers tout le bassin méditerranéen). Ainsi l’image d’Endymion et Séléné, qui appartient à l’origine au corpus iconographique grec, se transmet-elle sans discontinuer sur tous types de supports matériels jusqu’à la fin de l’Antiquité, où elle sera particulièrement appréciée sur les sarcophages (fig. 4).

Fig. 4. Sarcophage romain figurant Séléné et le berger Endymion endormi.

En effet, dans l’iconographie funéraire des IIe -IVe siècles ap. J.-C., l’image du berger endormi – ainsi que l’image d’Ariane endormie (fig. 1 et 2) que l’on retrouve, elle aussi, sur de nombreux sarcophages et peintures de tombeaux – seront assimilées à la figure du ou de la défunt(e).

Ces schémas iconographiques des mythes étaient tellement enracinés dans l’imaginaire collectif de l’Antiquité qu’ils servirent de base à l’élaboration du corpus d’images du monde chrétien. C’est pourquoi l’œil peu averti confondra, par exemple, les représentations d’Éros/Cupidon (ou plus généralement toutes les images d’Amours ailés) de l’art antique avec les images d’Anges de l’art médiéval.

Pour aller plus loin 

Sara Patané (Collège Clémence Isaure, Toulouse) propose des pistes d’utilisation pédagogique de cet article sur le site Imago : https://imago-latin.fr/questions-d-images/images-antiques/mythe-et-iconographie/.

BRUNEAU, Philippe, Propos sur l’art grec : cours, Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, 2017.

BALDASSARRE, Ida, PONTRANDOLFO Angela, et al., La Peinture romaine, Paris, Actes Sud, 2006.

HÖLSCHER, Tonio, The Language of Images in Roman Art, Cambridge University Press, 2004.

Pour l’iconographie de toutes les figures mythologiques, l’encyclopédie illustrée de référence est le LIMC : Lexicon Iconographicum Mythologiae Classicae, Zurich-Munich (7 vol. depuis 1981).

Sur la formation professionnelle des artisans et la transmission des savoir-faire : MULLER-DUFEU, Marion, Créer du vivant. Sculpteurs et artistes dans l’Antiquité grecque, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2011.

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