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Résumé

L’article présente la technique du stuc dans l’Antiquité : son origine, ses fonctions, ses avantages et sa fragilité, son apogée dans les palais aristocratiques de l’époque impériale comme la Domus Aurea ou la villa de la Farnésine. Il souligne l’absence de terme propre pour désigner cette technique en latin, révélateur d’un rôle plus modeste tenu par les artisans de cette technique, qui a d’ailleurs longtemps moins attiré l’attention des chercheurs. Pourtant, des fouilles ont montré par exemple la présence de décors en stuc remarquables dans l’Antiquité tardive en Gaule. Par ailleurs, le stuc a joué un rôle important dans la réception de l’Antiquité à partir du XVIIIe siècle, inspirant en particulier des décors de porcelaine.

This article presents the stucco technique in Antiquity: its origin, functions, advantages and fragility, and its apogee in the aristocratic palaces of the imperial era, such as the Domus Aurea or the Farnesine villa. He highlights the absence of a proper term for this technique in Latin, revealing the more modest role played by its craftsmen, who for a long time attracted less attention from researchers. However, excavations have shown the presence of remarkable stucco decorations in late Antiquity in Gaul. Moreover, stucco played an important role in the reception of Antiquity from the 18th century onwards, inspiring porcelain decorations in particular.

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Références de l’article

Dorothée Neyme,

Le stuc dans l'Antiquité

, mis en ligne le 30/08/2024, URL : https://utpictura18.univ-amu.fr/rubriques/ressources/images-antiques/stuc-dans-lantiquite

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Ressources externes

Le stuc dans l'Antiquité

Qu’est-ce que le stuc ?

Le stuc désigne à la fois un matériau et une technique décorative dont l’utilisation remonte à l’Antiquité. Il s’agit d’un enduit à base de chaux ou de plâtre, mélangé à une charge finement broyée composée de poudre de marbre, de brique ou encore de sable. Les stucs les plus raffinés, ceux qui contiennent de la poudre de marbre, ont un aspect blanc scintillant et sont doux au toucher. On parle de stuc pour les enduits travaillés en relief, ce qui le distingue de la fresque*, qui présente une surface plane. Il s’agit d’une technique décorative qui a longtemps été considérée comme mineure par rapport à la peinture murale ou à la sculpture avec lesquelles elle était souvent confondue jusqu’à une époque récente, quand l’intérêt des chercheurs pour le stuc a grandi. Plus fragile que la fresque ou la mosaïque, les décors en stuc sont souvent retrouvés en fragments, quand ils n’ont pas complétement disparu.

Origine et fonction

Le stuc est utilisé en Grèce, dès l’époque archaïque au VIIIe av. n. è., comme enduit servant à recouvrir les constructions en pierre. À l’époque hellénistique, au IVe s. av. n. è., la technique est généralement utilisée pour imiter l’architecture : le stuc sert à faire des bossages, à habiller les colonnes de cannelures ou encore à dessiner des chapiteaux ou des pilastres. Un exemple notable de l’emploi du stuc se trouve dans la Tombe des Reliefs située dans la nécropole de la Banditaccia à Cerveteri (fin du IVe s. av. n. è.), en Étrurie, où la technique du stuc est pourtant rarement attestée (fig. 1). La décoration en relief de la pièce hypogée est polychrome, elle représente des objets de la vie quotidienne « accrochés » aux murs et aux piliers, comme ce devait être le cas dans les maisons étrusques. Parmi ces objets traités en bas-relief, le lituus, un bâton qui se termine par une crosse courbe, utilisé dans les cérémonies sacrées, qui symbolise la puissance de la famille Matuna, propriétaire du tombeau. Des animaux et des créatures mythologiques sont également traités en bas-relief. En revanche, les coussins de stuc posés sur les lits funéraires sont traités en haut-relief, c’est-à-dire un relief plus prononcé.

Vue de l’intérieur de la Tombe des Reliefs située dans la nécropole de la Banditaccia à Cerveteri, Roberto Ferrari
Fig. 1. Vue de l’intérieur de la Tombe des Reliefs située dans la nécropole de la Banditaccia à Cerveteri

L’art du stuc atteint son apogée durant l’époque de l’Empire romain. Les palais aristocratiques comme la villa de la Farnésine* (voir étude de cas) ou encore la Domus Aurea, à Rome, témoignent du raffinement qu’il était possible d’atteindre avec cette technique décorative qui se démocratise à cette période.

Pour les contextes domestiques, la ville de Pompéi située en Campanie (Italie) livre des décors stuqués extrêmement bien conservés qui témoignent de la présence du stuc, au côté de la fresque, dans quasiment toutes les maisons. Le stuc est largement utilisé pour imiter l’architecture et les revêtements en marbre dans ce que l’on appelle le premier style pompéien (le premier des quatre styles qui ont été établis dans un classement formel des peintures de Pompéi par Auguste Mau, voir la notice générale sur la Fresque antique*). Le stuc permet en effet d'imiter le marbre à moindre coût. Quand on le polit bien, il devient brillant et avec un jeu de couleur et l'ajout de la poudre de marbre, l'imitation est étonnante. Le stuc est également présent, plus tard, dans le quatrième style, pour élaborer des frises en relief ou pour des décors figurés. Un exemple de décor raffiné en stuc est visible dans le sacellum de la maison du Laraire d’Achille (I, 6, 4) à Pompéi où la frise, qui marque une limite entre les décors de parois et les décors de plafonds et de lunettes, a pour thème la guerre de Troie. Elle met en scène, sur fond bleu, une série de personnages en action, dont le modelage des corps en bas-relief donne un rendu très vivant Dans cet exemple, la technique du stuc est étroitement associée à celle de la peinture murale utilisée pour le fond de la scène mais également pour peindre des détails comme les boucliers ou les cuirasses des personnages. Cette technique mixte est en plein essor au Ier siècle de de n. è. (fig. 2).
 

Décor de la frise de stuc sur fond bleu du sacellum de la maison du laraire d’Achille (I, 6, 4) Photographie Dorothée Neyme, 2010
Fig. 2. Décor de la frise de stuc sur fond bleu du sacellum de la maison du laraire d’Achille (I, 6, 4).

Le stuc est le matériau idéal pour décorer les espaces humides comme les thermes et les tombeaux car la propriété hydraulique de la chaux imperméabilise les murs tout en les laissant respirer.

Les décors en stuc, exécutés en bas-relief, ornent principalement les parties hautes des parois, les lunettes, les plafonds et les édicules. Ils se trouvent généralement à l’intérieur des bâtiments mais ils sont aussi utilisés pour décorer l’extérieur comme cela est bien visible sur les parois du temple d’Isis à Pompéi ou sur celles des tombeaux situés à la sortie de la porta Nocera. Le stuc est utilisé pour reproduire des éléments d’architecture (bossage, pilastre, chapiteaux) ou pour représenter des éléments décoratifs, plus rarement des scènes figurées (fig. 3).
 

Façades de tombeaux revêtues de décorations en stuc, nécropole de la porta Nocera à Pompéi, Photographie Dorothée Neyme 2010.
Fig. 3. Façades de tombeaux revêtues de décorations en stuc, nécropole de la porta Nocera à Pompéi.

La technique

Le stuc peut être travaillé de différentes façons : il est moulé pour faire des frises, modelé pour les décors figurés et tiré au gabarit pour les corniches. Les instruments de travail étaient en métal (spatule, truelle) et en bois (moule, gabarit), ces derniers, en matériaux périssables, sont rarement retrouvés. Comme pour la technique de la peinture murale, la technique suppose un travail en plusieurs couches d’enduit. Pour bien accrocher l’enduit qui constituait le décor en relief, des stries étaient effectuées sur la matière encore humide de l’enduit sous-jacent, à l’endroit où l’on rajoutait l’enduit à modeler. Pour les reliefs plus importants, des clous ou des chevilles en bois, fixés dans l’enduit qui recouvrait le mur, faisaient office d’ossature pour consolider l’assemblage comme en témoignent les vestiges archéologiques.

Sources littéraires et archéologiques

Parler de « stuc » pour l’Antiquité est un anachronisme car le mot dérive de l’italien « stucco » employé pour la première fois à l’époque de la Renaissance. Il ne semble pas y avoir dans l’Antiquité un mot spécifique pour désigner le stucateur en particulier. Deux auteurs antiques, Vitruve (De Architectura) et Pline (Histoire Naturelle), parlent, dans leur traité encyclopédique, des techniques artisanales de décoration et utilisent le terme d’opus tectorium aussi bien pour parler de l’enduit pour la peinture murale que pour celui utilisé pour le stuc. En revanche, le terme d’opus albarium qui insiste sur la notion de blanc (albus) pourrait peut-être désigner l’enduit du stuc en particulier. Dans les textes, pour parler des artisans, il existe plusieurs formulations tectores, albarii et gypsarii qui renvoient probablement à différentes spécialités. On suppose que les formations des artisans de l'enduit et du stuc se faisaient au même endroit et ils cohabitaient souvent sur les chantiers.

On ne connaît pas l’identité des stucateurs, car comme les artisans de la fresque, ils ne signaient pas leurs œuvres, à la différence des peintres de chevalet. L’épigraphie (l’étude des inscriptions gravées) donne cependant quelques informations sur ces hommes. Des inscriptions funéraires indiquent que les stucateurs étaient essentiellement des affranchis ou des esclaves de personnages influents (famille impériale par exemple). L’édit de Dioclétien (301 ap. n. è), qui fixe le prix des marchandises et les salaires en fonction des métiers, nous apprend aussi qu’un stucateur était moins bien payé qu’un fresquiste. Ces témoignages mettent en évidence le statut plutôt modeste de ces artisans spécialisés. D’un point de vue iconographique, un relief sur la colonne de Trajan à Rome (113 de n. è.) montre un ouvrier en train de travailler la chaux et on peut voir aussi l’organisation d’un chantier de décors muraux sur le relief de Sens mais il n’existe aucune représentation explicite de stucateur.

L’iconographie et les couleurs du stuc

Les stucateurs s’inspirent largement des motifs de la peinture murale et de la sculpture, mais en usant d’une certaine liberté dans l’élaboration des formes, ce qui est sans doute liée à la nature du matériau qui doit être travaillé rapidement avant qu’il ne sèche.

Le répertoire décoratif peut être sensiblement identique dans des contextes différents. On trouve par exemple souvent des représentations d’animaux marins, réels ou fantastiques, des Érotes (amours ailés) marchant, chevauchant des monstres ou jouant de la musique ou encore des motifs de conques. Dans les maisons, les thermes et les tombeaux, on note cependant de nombreuses représentations dionysiaques (c’est-à-dire en lien avec le dieu Dionysos) en contexte funéraire.

Le stuc est utilisé pour élaborer des motifs ornementaux (frises, motifs floraux, volutes), pour des décors architecturaux, pour des représentations d’objets (vase, torche, masque) ou encore pour faire des encadrements. Mais par sa plasticité, le stuc est le matériau idéal pour exprimer le mouvement. Parmi les motifs figurés largement représentés se trouvent les cortèges marins, les figures volantes, les animaux fantastiques, les figures de femmes semi-allongées, les paysages sacro-idylliques et quelques scènes mythologiques. Par ailleurs, certains lieux sont particulièrement propices à ces effets de mouvement : ainsi, l’éclairage à la flamme des torches ou des lampes à huile dans un tombeau, lieu sombre, fait danser les ombres des motifs en bas-relief sur les murs.

Le stuc est souvent accompagné de couleurs (bleu égyptien, rouge ocre, ocre jaune, vert ou encore, plus rarement, des feuilles d’or), généralement appliquée sur le fond, qui mettent en valeur le motif stuqué resté blanc en accentuant ainsi l’effet du relief (voir aussi la notice générale sur la polychromie dans l’Antiquité*).

Et en Gaule ?

En Gaule, à l’époque gallo-romaine, le stuc est utilisé dans les décors mais son utilisation est nettement moins diffusée qu’en Italie à la même époque. Il est surtout utilisé pour faire des moulures qui mettent en valeur des décors peints ou une architecture. Néanmoins des découvertes récentes attestent de la présence d’artisans spécialisés maîtrisant parfaitement la technique. En 2014, les fouilles de l’antique cité d’Intaranum (actuelle ville d’Entrains-sur-Nohain, Nièvre)1 révèlent des riches demeures d’époque impériale luxueusement décorées par des enduits peints pour les murs et par du stuc pour un plafond au moins2. Ce décor fragmentaire mais en bon état de conservation a permis au toïchographologue, c’est-à-dire à un spécialiste des peintures et des stucs antiques, de recomposer le décor. D’autres fragments d’un décor remarquable en stuc ont été retrouvés dans une villa maritime de luxe à Mané-Vechen (Morbihan)3. L’utilisation de cette technique dans les décors continue dans l’Antiquité tardive (fin du Ve s. de n. è. – début du VIe s. de n. è.), comme cela est illustré à Vouneuil-sous-Biard (Vienne) où des milliers de fragments d’un décor en stuc, présentant des éléments architecturaux et des motifs figurés avec des parties de corps et de visages de personnages, ont été découverts dans les années 19804.

Postérité

Après l’Antiquité, la technique du stuc perdure mais c’est véritablement à la Renaissance qu’elle connaît de nouveau un âge d’or après la découverte de la Domus Aurea à Rome. Les artistes italiens puis européens s’inspirent des motifs de l’Antiquité dans leurs œuvres. À l’époque moderne, quand l’Europe se passionne pour l’Antiquité après les découvertes extraordinaires des villes antiques de Pompéi et Herculanum au XVIIIe s., des antiquaires s’intéressent aux décors stuqués, entraînant ainsi des prélèvements de ces reliefs extraits de leur contexte antique d’origine. C’est le cas d’une série de relief en stuc provenant des tombeaux romains de Pouzzoles, prélevés pour alimenter des collections privées et qui se retrouvent de nos jours, pour la plupart d’entre eux, conservés dans des grands musées européens : au Louvre, au British Museum et au Musée Archéologique National de Naples (fig. 4). Les stucs ne connurent cependant jamais auprès des collectionneurs d’antiquités et du grand public le succès de la peinture murale antique ou de la sculpture, mais, à l’instar des décors de camées* qui ont inspirés des objets d’époque moderne, les sujets des reliefs de stuc ont sans doute inspiré des décors de porcelaine fabriquées dans les grandes manufactures européennes comme celle de Sèvres en France, de Capodimonte en Italie ou encore la fabrique de Wedgwood en Angleterre.
 

Stuc de Pouzzoles. Relief en stuc d’époque romaine provenant d’une tombe à Pouzzoles représentant une scène mythologique : Hercule qui regarde son fils Télèphe tétant la biche, conservé au musée du Louvre, photographie Dorothée Neyme, 2023.
Fig. 4. Stuc de Pouzzoles. Relief en stuc d’époque romaine provenant d’une tombe à Pouzzoles représentant une scène mythologique : Hercule qui regarde son fils Télèphe tétant la biche.

De nos jours, la technique antique du stuc n’est plus utilisée, elle est supplantée par le staff (enduit fait de plâtre et de fibre végétale) plus facile à travailler pour élaborer des décors en relief.

Glossaire

Bossage : en architecture c’est un parement de pierre qui forme une bosse plus ou moins saillante par rapport à ses arêtes. (Définition du Larousse)

Sacellum : petit sanctuaire romain, en contexte domestique il s’agit de la pièce où l’on conserve des objets sacrés.

Lunette : en architecture il s’agit d’une partie arrondie en zone supérieure d’un mur.

Édicule : petite construction en forme de temple composée d’une niche où étaient déposées des offrandes pour les divinités ou des statues de culte.

Bas-relief : relief peu saillant attaché à un fond.

Haut-relief : relief très saillant attaché à un fond.

Pour aller plus loin

Émilie Balavoine (Toulouse, Lycée Stéphane Hessel, Toulouse) propose des pistes d’utilisation pédagogique de cet article sur le site Imago : https://imago-latin.fr/questions-d-images/images-antiques/le-stuc-dans-l-antiquite/.

BLANC, Nicole, « Les stucateurs romains : témoignages littéraires, épigraphiques et juridiques », in Mélanges de l'École française de Rome. Antiquité, tome 95, n°2, 1983, p. 859-907.

BLANC, Nicole, « STUC », Encyclopædia Universalis [en ligne]. http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/stuc/

BLANC, Nicole, « Le stuc, matériau aux multiples usages », Dossiers d'Archéologie, 366, 2014, p.24-26

LING, Roger, Stuccowork and Painting in Roman Italy, Aldershot, Ashgate, 1999.

Notes

1

Julien Boislève, « Un ensemble de stucs exceptionnel », in Pascale Chardron-Picault, dir., Hommes de feu, Hommes du feu : l’artisanat en pays éduen, Catalogue d’exposition, Ville d’Autun, musée Rolin, 22 sept. 2007-28 janv. 2008, p. 186-195.

3

Julien Boislève, Alain Provost, « Les stucs de la villa maritima de Mané-Véchen, anciennes découvertes et nouveaux décors », in Décor et architecture en Gaule entre l’Antiquité et le haut Moyen-Âge. Actes du colloque de Toulouse, 9-12 octobre 2008, Bordeaux, Supplément Aquitania 20, 2008, p. 539-552. fhal-01782065.

4

Christian Sapin (dir.), Les stucs de l’Antiquité tardive de Vouneuil-sous-Biard (Vienne), Gallia 60e Supplément, CNRS Éditions, 2009.

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